Excuses et dernier texte : Phobie

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Les Maîtres.

Ces monstres ont conquis notre monde. Certains disent qu'ils viennent d'une autre planète, d'autres affirment qu'ils ont jailli des profondeurs de l'enfer en punitions de nos péchés.

Les Maîtres.

Ils sont énormes, rapides, indestructibles. La plupart de nos armes ne les égratignent même pas.

On raconte qu'ils peuvent survivre à une décapitation ou à une explosion nucléaire.

Les Maîtres.

Qu'importent les murailles, chimiques ou physiques, que vous dressez autour de vous, rien n'entrave leur mission. La route vers l'Apocalypse leur appartient.

Les Maîtres.

L'espèce humaine est leur troupeau. Ils nous chassent, nous dévorent. Notre planète est leur assiette, et nous sommes leur repas.

L'Âge de l'Humain s'achève là où l'Âge des Maîtres commencent.

Je les vois... Grouiller dans les ruines de nos villes... Festoyer sur nos restes... Leur seule apparence me soulève le cœur.

Hideux. Répugnants. Terrifiants.

Des horreurs qui déferlent par milliers, par millions, en un long torrent brun.

Comment en sommes nous arrivé là ?

Les Maîtres... Pourquoi eux ? Sommes nous condamnés ? Devons-nous baisser la tête et accepter le sort qu'ils nous réservent ? N'y a-t-il pas moyen de leur résister ?

Les Maîtres. Des formes brunes s'agitent dans les recoins. Ils approchent. Je suis seule. Je suis la prochaine. Est-ce la fin ? Vais-je me coucher, pleurer et attendre ?

La plus grande partie de mon être ne demande qu'à abandonner, mais une autre voix s'élève.

Je revois toutes les fois où je me suis enfuie à la seule vue des Maîtres. Sans même chercher à résister, succombant à la terreur la plus primitive. Pendant tout ce temps, je les ai laissés triompher sans combat.

Assez. Assez de peur, de lâcheté. L'heure est venu d'affronter l'ennemi. Je ne peux pas faire marcher arrière. Je ne vais pas faire marche arrière.

Ici, c'est chez moi. Ici, c'est le territoire des Humains.

Je me redresse. Un Maître est tout près. Je prend une grande respiration et je m'approche de lui.

Et là, quelque chose auquel je ne m'étais pas préparée : le Maître recule.

Le Maître recule...

Le Maître aussi a peur. Peur de moi.

Mon cœur pulse. Je me penche. M'accroupis. Plus je me rapproche, plus le Maître rapetisse. Le monstre répugnant se transforme en petite créature, à l'apparence certes répugnante mais étrangement inoffensive.

Une créature que les Humains ont baptisé cafard.

Je tends les doigts. La créature se fige.

Je la saisis entre le pouce et l'index. Je la dépose sur la paume de ma main.

Maintenant, c'est moi le Maître.

— Félicitations, Mademoiselle !

La voix de la thérapeute me ramène à la réalité. La sueur a soudé le casque de réalité virtuel à mon visage. Je parviens à l'enlever en grognant. La créature disparaît de la paume de ma main.

Le cauchemar laisse la place à la réalité. La lumière de la salle de consultation m'éblouit. Ma vision fait le point sur le visage illuminé de la doctoresse.

— Vous venez de franchir un pas de géant ! s'enthousiasme celle-ci. Vous pouvez être fière de vous !

Oui, un pas de géant de la thérapie d'exposition qui doit terrasser ma maladie : ma phobie des cafards. Une hantise si extrême qu'elle me pourrit la vie.

Et je sais ce qui m'attend à la session suivante, la semaine prochaine.

Un vrai cafard à saisir dans ma main. Pas de casque de réalité virtuelle. L'ultime bataille.

Je prend une inspiration. L'épreuve sera terrible.

Mais je ne reculerais pas.

Le Jury s'excuse de n'avoir pas vu ce texte de FrancoisCleon, envoyé le dernier jour du concours. Il est pourtant vraiment excellent, très bien écrit comme d'habitude, avec une chute amusante... Nous sommes encore désolés d'avoir raté un si bon texte. En guise d'excuses, nous pouvons proposer à FrancoisCleon une nouvelle couverture, s'il le désire.

A très vite pour les prix !

-La team Jury.

#CEIF Awards 2016 [Concours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant