Je m'appelle Eulalie. J'ai seize ans. J'ai toujours été quelqu'un d'assez réservé. Quelqu'un de calme. Je n'ai eu que très peu d'amis. Pourtant ces trois ou quatre personnes étaient là pour moi.
Toujours, sauf cette fois.
Il y a quelques mois, j'ai perdu un ami dont j'étais très proche et je suis tombée dans une longue et profonde déprime. Je ne parlais plus. Je ne dormais plus. Je ne mangeais plus. Et au bout de quelques jours, je ne pleurais plus. Je ne ressentais plus rien. J'étais vide.
Ma famille disait que ça ne pouvait plus durer, qu'il fallait que je me reprenne en main. Alors j'ai décidé d'essayer de tourner la page. De me battre.
C'est ce jour là où tout a basculé.
Après des mois sans leur parler, j'avais perdu tous mes amis. Ils ne m'accordaient plus un seul regard.
C'était comme si je n'avais jamais existé. Les autres élèves du lycée, quant à eux, n'avaient pas changé d'attitude. Ils faisaient comme si je n'étais pas là, me bousculaient dans les couloirs sans s'excuser. Partout, je me sentais rejetée, ignorée. Comme si je n'étais pour eux qu'une vulgaire chaussette trouée.C'est alors que je vis cet homme. J'étais, comme d'habitude, assise seule au café près du lycée. La serveuse n'était pas venue prendre ma commande, le patron ne m'avait pas saluée, les clients ne semblaient pas m'avoir vue. Pourtant, il y avait cet homme qui me fixait de ses yeux clairs. Il ne faisait pas que regarder dans ma direction sans me voir, comme tous les autres. Il me regardait, moi, Eulalie, la seule adolescente de seize ans qui restait assise seule au café.
Quand nos regards se croisèrent, il ne détourna pas la tête. Ses cheveux bruns, coupés courts, semblaient ne pas avoir été coiffés depuis longtemps. Soudain, l'homme disparut. J'avais cligné des yeux à peine quelques centièmes de seconde et il était parti.
Je le revis chaque jour, alors que je me rendais au café. Il était assis à la même table, il me regardait avec la même insistance. Puis je clignais des yeux et il disparaissait comme la première fois. Cela dura deux semaines.
Le vendredi de la deuxième semaine, l'homme resta plus longtemps que d'habitude. Dix.... Vingt.... Trente minutes... Au bout d'une demi-heure, il se leva et, à mon grand étonnement, s'approcha de moi.
-Je peux ? demanda-t-il en désignant la chaise vide en face de moi.
Il n'attendit pas de réponse et s'assit. Devant mon air ahuri, il me lança un regard interrogateur.
-Vous me voyez ? demandais-je d'une voix sourde.
-Oui, répondit-il simplement.
-Vous m'entendez ?
-Oui.Depuis la mort de Bastien, personne ne m'avait regardée, personne ne m'avait parlé. Voyant que je gardais le silence, il continua :
-Je t'entends et je te vois parce que je suis comme toi...
Il laissa sa phrase en suspens. J'avais peur. Je redoutais les quelques mots qu'il n'avait pas prononcés, car je les connaissais. Mais jusque là, j'avais toujours refusé d'admettre la vérité.
Il ne finit pas sa phrase car j'avais compris. J'avais compris et il le savait. Il le savait car il était comme moi...
...il était mort.
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Journal d'une blonde
RandomHello ! Voici mon tout premier recueil d'histoires courtes, à la première personne (la plupart du temps). Au début, j'ai écrit ces OS pour m'entraîner mais je pense que pour m'améliorer j'ai besoin d'avis extérieurs. Alors n'hésitez pas à voter...