Je longe le canal dans la nuit. Parfois une voiture passe. Ma route est faiblement éclairé par les lampadaires installés symétriquement. J'aurai presque pu dire que je marchait silencieusement si Orelsan ne hurlait (et c'est peu dire) pas depuis une demi heure dans mes oreilles. Pas qu' Orelsan crie particulièrement dans ses chansons mais que le volume de mon iPod était au maximum pour essayer d'étouffer les injures grossières auxquelles pensais.
Je ne peux pas dire qu' Orelsan soit le meilleur mais j'aime bien l'album qu'il a sortit il y a quelques années. Pendant qu'il me dit que c'est inutile de courir pour aller chercher le bonheur, je me demande si dans deux siècles il sera encore tant critiqué qu'apprécié. Je sourie en pensant aux enfants qui étudieront peut-être les rappeurs d'aujourd'hui pour le Bac français (si il existe encore). Mais vu le tournant que prend le monde on aura droit de lire trois livres par an, écouter deux chansons qui parlent d'amour nian nian (une de rupture, l'autre du pseudo grand amour !), c'est ça : restriction des libertés, c'est ce qui nous pend au nez et ce qui a déjà débuté.
Si ça se trouve dans deux siècles on aura oublié Orelsan,ce qu'il a dit, ce qu'il a fait, comme on m'aura oublié mais moi c'est parce que je ne suis rien. On oublie parfois trop vite. Demain mes parents auront oublié leur dispute, ce pour quoi je erre en attendant qu'ils se calment. Mais ils recommenceront demain puis oublieront pour mieux s'engueuler plus tard. Comme j'oublierai mon cour de maths si je n'ai rien écouté. On oublie les gens, ce qu'ils font, ce qu'on fait. On oublie nos erreurs, on oublie tout car on a tout. Quand il pleut on ne se souvient pas de la clarté du soleil et quand il fait beau on oublie la pluie. Quand un homme est beau on en oublie ""l'amour"" et quand une femme est bonne on oublie la bague qu'on a au doigt.
Je suis enfin devant chez moi. Ma maison est faite de tel sort que je ne peux ni entrer ni sortir de façon discrète comme dans les films. Enfin si par la cave mais moins discret tu meurs..Pourtant je coupe ma musique et tout doucement j'ouvre, de l'extérieur, le vasistas de la cave, jette un coup d'œil à la rue : personne. Je me faufile entre les barreaux pour retomber environ deux mètres plus bas. Je plie les genoux à l'atterrissage et tend l'oreille : rien, aucun bruit, ils se sont enfin calmé, je songe. Je referme le vasistas en simple vitrage et remonte l'escalier en bois qui mène au rez-de-chaussée. Je donne un coup d'épaule dans la porte qui me sépare de l'entrée, les vieilles charnières grincent donc je fais une grimace.
J'ôte mes chaussures et mon manteau, dépose mon iPod et mes écouteurs sur le buffet et me dirige vers la cuisine. J'attrape une pomme et découvre un mot de ma mère sur le plan de travail : "Désolé pour ce soir ma chérie. Dort bien ! Je t'aime fort !"
Un mot enjoué comme d'habitude pour me faire croire que tout vas bien. L'horloge du micro-ondes indique 23:33. Je met le mot dans ma poche croque dans ma pomme puis monte les deux étages qui me séparent de ma chambre. Je me déshabille et enfile mon pyjama qui se résume à un leggings et un vieux T-shirt trop grand. Je me lave les dents et le visage, je me couche et m'endors, c'est aussi simple que cela.Cette nuit je ne dormis ni mal ni bien je dormis car j'en avais besoin, car je vais au lycée ce matin comme tout les autres d'ailleurs et c'est tout. Je crois qu'au fond la monotonie me lobotomise.
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Quand il pleut on oublie le soleil
Short StoryOn oublie, on ferme les yeux et au fond est-on vraiment heureux ?