- Basé sur des faits historiques, mais tout n'est que pure fiction -
Une voiture noire laquée, tirée par deux chevaux braies, emmenait une passagère dans un grincement incessant d'essieu. Chaque caillou, chaque aspérité, arrachait un hoquet à l'attelage, Rose ne supportait pas ces voyages cahoteux à travers les rues de Londres. Quittant sa banlieue de Kensal Green, verdoyante et pure, elle traversait à présent les bas-fonds de la capitale, crasseux à l'air vicié. Tout aux alentours semblait sombre et enseveli sous une épaisse couche de suie, les rejets du charbon alourdissaient l'atmosphère, même la brume se colorait d'obscurité. Les yeux perdus dans le vague, elle regardait le paysage défiler sans lui porter une trop grande attention, seule la voix de sa sœur l'envahissait. Cette maudite conversation de la veille au soir avait eu raison de sa patience, et leur relation toujours au beau fixe venait d'en prendre un certain coup, non pas que cela lui déplaise, mais cette fois le maximum fût atteint.
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— Chère et douce sœur, ne prends-tu pas en compte ce que je te dis ? Pourquoi faire un tel choix ?
— Et pourquoi devenir une épouse fidèle et trompée ? Hormis des obligations où se trouvera mon plaisir ?
— Dans celui de ton mari, il en est ainsi depuis des générations et, crois-moi, rien ne viendra bouleverser cet ordre moral !
— Tant qu'il y aura des esclavagistes, nous trouverons des femmes objets !
— Avec un esprit aussi rouge comme le tien, tu seras enfermée d'ici peu !
— Rouge ? Non ! Tout juste libertaire !
— Tu serais donc prête à perdre tous nos privilèges pour échapper à tes obligations, tu souhaiterais que des jeunes femmes de notre rang travaillent comme de simples couturières ? Est-ce là l'avenir qui te plairait de voir ?
— Si cela pouvait enfin t'aider à ouvrir les yeux ? oui !
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Rose, avait encore le goût amer du ton dont elle usa en s'adressant à sa jeune sœur. Rongée par le remord, et tentant de tuer son ennui, elle sortit un petit manuel, comme il en existait tant d'autres, destiné à l'usage masculin uniquement, il expliquait les lieux à visiter dans le Londres du dix-neuvième siècle.
« Il existe différentes maisons closes, des établissements dit de luxe comme le Horse, que seuls les plus fortunés fréquentent, en opposition aux taudis d'abattage destinées à une clientèle des plus rustiques loin des fantasmes érotiques et de la fascination pour la prostitution dans la soie et le velours. »
Posant le livret ouvert sur ses genoux, Rose comprenait que, même dans l'orgie sexuelle, la lutte des classes trouvait un terreau fertile.
Le horse se situait en plein Londres entre La City et Whitechapel. Sa façade blanche se perdait avec le temps en des dégradés de gris, dû à l'usure des pierres sous un climat fort humide. L'établissement ne laissait rien paraître de son activité, seuls les habitués en connaissaient les secrets. Cette bâtisse ressemblait à toutes les autres. Et pourtant, derrière sa lourde porte noire se trouvaient les meilleurs services du Tout-Londres. D'après les rumeurs qui persistaient, tels des échos dans la ruelle encombrée de cabriolets et de chariots, la maîtresse des lieux vous accueillait dans un raffinement des plus ostentatoires, drapés rouge sang, roses fraîches, bustes de héros grec, sol de marbre alternant un damier de carreaux blancs et noirs, une réception digne de la cour de la Reine Victoria.
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Hell Fire Club
Mystery / ThrillerPar provocation envers une société victorienne puritaine en pleine transformation, Rose Abbott, révoltée et désinvolte, issue de la grande bourgeoisie et fille d'un riche industrielle anglais, provoque son destin en refusant les codes de son éducati...