Libertinage

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L'Angleterre traversait une période des plus austères, tout se subordonnait au respect des us et coutumes d'un autre siècle, la moralité et l'étiquette supplantaient les lois, et les maisons de joie prenaient une vocation de lien social. Le Horse ouvrait ses portes à vingt heures. Tous se pressaient à l'entrée dès la nuit tombée. Les rires et les bavardages emplissaient le grand salon, les filles s'agitaient pour attirer des faveurs, les hôtes ne restaient pas insensibles à leurs badinages. Doris, accompagnée de Rose, passait de couple en couple, de trio en trio. La maîtresse de maison ne souhaitait pas jeter sa nouvelle protégée en pâture à ses animaux sauvages. Pour l'occasion, elle lui donnait une tenue légère à revêtir, un demi-masque, une robe avec ses bas assortis, le tout fabriqué dans une dentelle noire des plus fines. Rien ne cachait sa féminité, laissant l'œil des convives attiser leur fantasme. Quelques mains baladeuses, lui caressaient les fesses sur son passage lui arrachant quelques sursauts bien mal venu dans cet univers. Force fût de constater que les plus vieux semblaient les plus pervers, même si leur vigueur les avait depuis longtemps abandonnés, ils aimaient regarder leur semblable dans des plaisirs inavouables. Doris présenta Rose à un homme en particulier, habillé de pied en cap en maharaja.

— Bonsoir Sir Francis Dashwood, heureuse de vous revoir parmi nous.

Vivant dans l'opulence, Sir Francis Dashwood, fils d'une famille aristocratique fabuleusement riche, résumait à lui seul la somme de bien des contradictions, grand amateur d'arts, intellectuel, propriétaire terrien humaniste, débauché éhonté, beaucoup le qualifiaient de violeur sodomite. De stature moyenne rien ne lui donnait un avantage de dominant. Son visage en lame de couteau, bouffi et rosacée, démontrait un certain intérêt pour l'alcool comme le soulignaient les petits vaisseaux de ses joues. Ses petits yeux bruns, fielleux, surmontait un nez bien droit et de bon taille. Pour ne rien arranger, sa chevelure châtain clair se bouclait naturellement et accentuait la dureté de son apparence.

— Bonsoir Doris.

Il l'embrassa sur la joue en n'oubliant pas de lui caresser les seins au passage. Il renchérissait immédiatement.

— Mais qui est cette femme fatale et mystérieuse ?

— Une protégée dont je m'occupe personnellement...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà Sir Dashwood serrait Rose dans ses bras. Ses mains en profitaient pour explorer ses formes. Mais, à sa grande surprise, une cravache se posa sur le bout de son nez.

— Monsieur soit vous ôtez vos mains, ou vous goûterez à ceci !

Un homme d'une quarantaine d'années interprétant Giacomo Casanova à la perfection s'imposa à lui. Vêtu uniquement d'une chemise de soie laissant apparaître son torse et d'une perruque poudrée, il se présentait comme un aventurier à la découverte des plaisirs charnels et surtout le roi de la séduction. Par jeu, Sir Dashwood présenta son arrière-train qu'il s'empressa de fouetter vigoureusement, tous deux riaient, mais tout ne dura qu'un temps.

— Vous voilà encore Casanova de carnaval, celle-ci est à moi, trouvez-vous en une autre !

— Monsieur, tout ce que vous considérez comme votre possession finit toujours dans mon lit ! Laissez-moi monter cette mystérieuse courtisane, pour ensuite vous en raconter ensuite les moindres détails. Prenez à votre guise, Abby ou Margaret, elles se feront une joie de vous faire une petite gâterie !

Sir Dashwood se retourna vers Doris, ses petits yeux fielleux la suppliaient de faire taire cet indignant.

— Votre prix sera le mien ! Lâchât-il ! Voici de l'or contre son corps !

— Chers amis, vous m'en voyez désolé mais cette jeune personne est présente uniquement pour mon bon plaisir, elle ne partagera que ma couche.

Doris sauvait la situation en embrassant Rose, sa langue s'enroula avec la sienne, donnant ainsi du grain à moudre à l'assemblée. La prenant par la main, Doris l'emmenait dans une pièce cachée. Les miroirs du grand salon se trouvaient être sans teint, ce qui permettait à la maîtresse des lieux de surveiller discrètement le bon déroulement des soirées.

— Nous avons échappé au pire ! Sir Dashwood à une réputation d'animal auprès des filles, je n'aurais pu me résoudre à te laisser seule avec lui, ses fantasmes heurteraient la morale publique !

— Heurter la morale ? Pourtant, nous nous devons d'assouvir leur besoin...

— Pas au prix fort ! Les femmes présentent chez moi pratiquent toute sorte de sexualité, mais il ne peut pas toutes les obliger ! Il a bien essayé avec moi également et mon refus engendrait chez lui une colère si terrible que je l'interdisais de club pendant des mois !

— Vous me voyez confuse, par ma faute vous pourriez perdre un client.

— Aimez-vous la sodomie ?

Rose resta stupéfaite de ce terrible aveu, et ne disait plus un mot.

— Votre non-réponse me laisse à penser que vous n'avez jamais eu de relation avec un homme.

Doris exposa sa vision sur la suite des évènements, Rose devrait prendre son temps pour acquérir l'expérience. Elle lui enseignerait les rudiments de la profession. La première soirée touchait à sa fin, les portes se refermaient derrière les derniers clients, quand un homme portant cape et gant se présenta, il frappait avec insistance. Doris ouvrit et entraîna le mystérieux visiteur dans son bureau. Des éclats de voix envahirent rapidement les couloirs vides.

— Les relations entre hommes et femmes sont compliquées par des années de clivages vos codes sont peu enclins à libérer les mœurs. Votre pression sociale et familiale ne permet pas les rapports intimes, vous laissez les mains libres aux bordels et autres établissements à vocation sexuels, et vous venez chez moi me donner une leçon ?

— Ma femme est cliente chez vous ! J'irais dès demain consulter mon avocat, croyez-moi vous allez le regretter !

Le lourd battant se referma brusquement, comme poussée par une brise invisible. Un silence pesant s'abattit sur le royaume aux fantasmes, une inquiétude naissait en Rose. Tendant l'oreille, pas un chuchotement ne troublait l'air. Voulant savoir, elle se précipita vers la porte, un râle étrange provenait de l'intérieur, épiant par la serrure, Rose fût choquée au commencement, son pouls s'accélérait, son cœur battait fort dans sa poitrine, proche de l'évanouissement, elle respirerait profondément. Son calme revint avec une pointe d'excitation. Elle pouvait enfin apercevoir ce que le pantalon cachait de l'homme. Le petit trou au milieu du bronze laissait entrevoir Doris, affairée à un entretien intime avec son agresseur. Une chose, hideuse et flasque, rentrait et sortait de la bouche de sa maîtresse sans que cette dernière n'eût le moindre dégoût, du moins les faits en laissaient cette interprétation. Plus elle accentuait le geste pour lui procurer du plaisir, plus il se tendait. Ce fut dans sa main que la pression se relâcha accompagnée d'un son rauque.

Toutes les affaires qui risquaient de troubler l'ordre public, se réglaient ainsi, dans le feutré, et tous s'en arrangeaient et s'en donnaient à cœur joie dans une société puritaine à outrance. C'est au milieu de cette fange que naissait cet esprit libertin.

Hell Fire ClubOù les histoires vivent. Découvrez maintenant