Retrouvailles impromptues

23.

Mes pieds me font avancer sans que je n'y réfléchisse vraiment. Comment ai-je pu être si aveugle? Cela faisait des années que Rita me détestait et je n'ai strictement rien vu. Non, à la place, je lui confiais tout. Mes angoisses. Mes joies. Mes peurs. Mes rires. Mes pleurs. Tout. J'avais une confiance aveugle en elle. Je suis tellement choquée que je ne parviens pas à lui en vouloir. Pour l'instant du moins parce que je pense que demain, ce sera une toute autre histoire.

Elle aurait pu me parler des paroles de ses parents. Je l'aurais soutenue. Mais, à la place, elle m'a tout caché. Elle a joué dans mon dos et je déteste ça. Elle a prononcé ses derniers mots avec une telle haine que ça me fait peur. Depuis toutes ces années, elle a eu largement le temps de faire grandir sa colère et sa jalousie envers moi. Je ne la pensais vraiment pas capable d'une telle horreur. Non seulement elle m'a fait souffrir moi mais, Bastian en a malheureusement pâti en même temps. Il n'avait rien demandé. J'aimerais savoir ce que Rita lui a dit exactement mais, je sais que ce ne sera pas elle qui me le dira. Bastian le fera de lui même. Je sais qu'il le fera. Lui sera sincère. Je l'espère fortement parce qu'il est maintenant le seul à être en position de me fournir ce que je souhaite savoir.

Je me retrouve devant ma porte sans comprendre comment. J'y entre donc rapidement puis me dirige vers mon frigo. J'en sors une bière que je bois dès qu'elle est décapsulée. 

Mais merde, je n'ai jamais voulu faire de mal à Rita! Si elle me détestait autant, elle n'avait qu'à me laisser tomber. Dans son appartement, j'étais prête à l'écouter. Prête à lui pardonner s'il le fallait. Maintenant, je n'en suis plus si sûre.

Ma vie repose sur des piliers. Rita en était un et il vient de s'effondrer. Les gravats qu'il reste de cette colonne déséquilibre tout l'ensemble, me faisant chavirer. Je me rattrape au plan de travail. Je suffoque et commence très sérieusement à ne pas me sentir très bien. Ma bière toujours en main, je parcours en deux enjambées la distance qui me sépare du canapé et je m'y laisse lourdement tomber.

Bastian ne m'a pas menti. Certes, il ne m'a pas rejointe à la gare. Mais, il a remué ciel et terre pour me retrouver. Et, lorsqu'il l'a enfin fait, c'est Rita qui l'a stoppé. Les deux sont fautifs. Mais, Rita l'a fait de manière complètement intentionnelle. Elle l'a fait dans le but de me blesser, de me faire mal.

Mais, peut être que j'interprète tout trop vite. Après tout, la version de Bastian n'est pas encore complète pour moi.

Pour quelle foutue raison a-t-il fallu que je revois Bastian, que je survive à un braquage et que j'apprenne que ma meilleure est une toute autre personne? Et tout cela, dans la même semaine?

Sur qui puis-je réellement compter? Rita est-elle la seule ou bien dois-je me méfier du reste de mon entourage?

Je me redresse d'un coup en me rappelant quelque chose : les lettres qu'elle m'a donné avant de tout m'expliquer. Je me précipite vers mon sac et les sors avant de rejoindre mon canapé. Toutes les feuilles sont soigneusement pliées en trois. Certaines sont rangées dans des enveloppes mais les autres sont simplement empilées. La première enveloppe que je sors du paquet contient l'inscription de mon ancienne adresse. Fébrile, j'en sors la lettre et ce que je lis me glace le sang.

Alia, 

Tu dois me détester. Non, je suis certain que tu me détestes, ce n'est même pas une supposition. Je t'en prie, ne brûle pas cette lettre. Lis-la jusqu'au bout. S'il te plaît.

Oui, je l'avoue, je ne suis pas venu à la gare. Pour cela, j'ai une raison que j'espère valable. Mon cousin m'a appelé juste avant que je ne monte dans le bus, comme prévu. Mon père et mes oncles, comme à leur habitude une fois par mois, sont partis à Livourne pour le week end. Ils ont pour habitude de passer deux jours sur l'eau, entre hommes. Cette fois-ci, il y est allé accompagné d'un seul de mes oncles. Le problème c'est qu'ils se sont retrouvés dans une tempête. Par je ne sais quel miracle, ils sont parvenus à rester sur le bateau. Je te passe les jours à l'hôpital à cause d'une blessure à la tête de mon père. Je te passes ces détails puisqu'au final, il est mort.