Ne me laisse pas.

24 - Réaction et Révélation

"Même lorsque la vérité crève les yeux, certaines personnes préfèrent rester aveugles."

Mon regard revient à nouveau se poser sur celui de mon père. Son expression est indéchiffrable mais je sais pertinemment qu'il est en colère. Déjà parce qu'il est homophobe depuis son plus jeune âge. Depuis mon enfance, je ne pourrais compter toutes les fois où je l'ai entendu critiquer les homosexuels, les pics qu'il lance sans même sans rendre compte. Et aussi parce que pour une fois, il n'a pas le contrôle sur la situation. Pour lui, nous sommes tous mauvais, des erreurs de la nature. J'ai honte de mon père mais je n'ai pas honte d'être qui je suis.

Je recule de plusieurs pas, parce qu'à ce moment précis j'ai peur de ce qui pourrait se passer. Il balance rageusement le journal qui atterrit sur le mur opposé, à côté de la porte d'entrée.

« - C'est une erreur, c'est ça ? C'est ce que tu vas me dire ! »

Ce n'est pas une question. Il veut clairement que je lui dise que ce n'est pas moi sur la photo. Que le baiser échangé était simplement une erreur.

« - Je suis gay »

Je dis ces trois mots comme une bombe lâchée. Je n'ai plus envie de mentir, peu importe ce qui devra arriver, je veux m'assumer et assumer mon couple par la suite.

« - Gay » répète-t-il

« - Mon fils ... » ces deux petits mots ne sont que murmures mais les cinq suivant m'atteignent en plein cœur « - ... est une créature du mal »

Je m'attendais à ces mots, à cette phrase. Je me suis déjà fait plusieurs fois ce scénario mais c'est toujours douloureux de l'entendre de ses propres oreilles.

« - J'aime les hommes, papa »

Un rire nerveux s'échappe de ses lèvres, ses yeux s'ancrent à nouveau dans les miens.

« - Penses-tu être normal ? » me demande-t-il soutenant mon regard

« - Je suis autant normal qu'un autre. Le principal c'est l'amour qu'on éprouve et non le sexe de la personne »

« - Tout ceci n'a rien de normal. Tu avais tout pour aller dans le droit chemin, j'ai tout misé sur ton éducation, tes études, ton entourage. Comment as-tu pu déraper de la sorte. Tu es influençable, ce sont certainement tes amis dont parle le journal qui t'ont mis des choses en tête, qui sont-ils ? »

« - Tu as tout misé sur ton argent, oui. J'ai toujours aimé les hommes, bien avant de rencontrer mes amis. Personne ne peut être influençable sur son orientation sexuelle, je ne suis pas attiré par les femmes mais par les hommes. »

Son regard s'assombrit. Gardant toujours ses yeux ancrés dans les miens, il avance de quelques pas jusqu'à pouvoir prendre mon menton entre ses doigts ferme.

« - Peu m'importe ton attirance. Tu te marieras avec une femme et tu lui feras un enfant. Tu dois assumer la descendance de notre famille. Jamais personne ne nous a fait honte de la sorte en s'affichant avec un homme, tu ne seras pas le premier. Il est hors de question que tu ruines mon travail. » il me dévisage de son fameux regard noir.

Les paroles de mon père commencent à me faire mal à la tête. Je ne suis pas un esclave, il n'a pas à me dicter ma vie ainsi. J'ai encore le droit de choisir avec qui je souhaite ou non me marier, que ce soit une femme ou un homme, il n'a pas son mot à dire.

« - Je ne vais rien ruiner du tout. Si tes collaborateurs ne m'acceptent pas comme je suis, libre à eux. Je n'ai jamais voulu travailler avec des homophobes comme toi. »