Lettre à Madame Sambe.
Chère Madame Sambe,
C'est Marème Diop. Vous vous demandez sûrement de quelle Marème Diop il s'agit.
Il s'agit de cette fille que vous aviez eu comme élève au Lycée Saint Albert en terminale S2 A pendant l'année scolaire 2004-2005.
Vous souvenez-vous?
Non. Vous n'en revenez pas, alors là, pas du tout.
Vous êtes sûrement entrain de vous dire "C'est quoi ça" comme à vos habitudes.
S'il vous plait, pour la première fois, pour la toute première fois, je vous prie de me donner cinq minutes de votre temps, prenez la peine de me comprendre aujourd'hui, je vous en supplie.
Oui Madame Sambe, je suis Marème Diop, celle que vous renvoyiez en plein cours car, selon vos dires, je somnolais et manquais d'ambitions.
Oui Madame, je suis cette lycéenne qui venait assiter à vos cours, pieds nus et que vous humiliez par la suite, ridiculisiez devant soixante-six autres élèves puis renvoyiez sans essayer de l'écouter et encore moins de la comprendre.
Je devine déjà votre étonnement. Mais vous ne devrez pas l'être, pas vraiment.
Madame Sambe, le jour où j'ai su que vous étiez mon professeur de mathétique, je me sentais bizarrement bien. J'avais de suite confiance aux études, j'avais "osé" espérer un avenir meilleur car, au premier coup d'œil Madame, vous m'aviez inspirée. A chaque fois que nos yeux se rencontraient, je ressentais une décharge électrique intense qui naissait brutalement dans mon cœur avant de parcourir tout mon être.
Mais, vous souvenez-vous de la première remarque que vous m'aviez faite alors que je vous contemplais avec admiration, m'imaginant être à votre place un jour? J'ose vous rafraîchir la mémoire: "Avez vous un miroir chez vous mademoiselle?" Et toute la classe s'était mise à ricaner. Ces rires diaboliques, comme accompagnés d'un poignard, transperçaient mon cœur déjà sanglant.
Et pourtant, j'avais l'habitude de me faire rabaisser; mais venant de vous, on aurait dit une déchirure tout au fond de mon âme.
Je pense que vous vous souvenez aussi de ce que vous aviez ajouter. Ce n'est pas grave, je vous le rappelle: " Tu pleures? Il ne faut pas pleurer ma petite car personne ne sait à quoi tu ressembles" . Et tout de suite, vous êtes passée du vouvoiement au tutoiement.
C'est vrai que j'étais très mal habillée ce jour là. Mon vieux et unique pantalon était tout sale et déchiqueté. Mon tee-shirt, on aurait dit un chiffon. Mes sandales étaient de couleurs différentes et mes cheveux étaient en bataille. Et pourtant, c'était ma plus belle tenue, je vous le jure Madame.
Depuis que j'ai commencé à frequenter l'école, j'ai toujours été une risée parfaite. On me rabaissait à longueur de journée mais je n'en faisais jamais cas. Mais vos paroles m'avaient choquée sans que je ne comprenne les raisons, elles m'avaient anéantie et carrément applatie.
Madame Sambe, pourquoi n'avez vous jamais essayé de prononcer ce mot "Pourquoi?" pour me comprendre. Pourquoi Madame?
C'est avec le visage inondé de larmes, les narines bouchées, le cœur battant, que je vous écris aujourd'hui. Avec les mains tremblantes, les doigts pressant fortement sur le stylo dont l'encre se déverse rageusement sur la feuille, je vous confesse ce que mon cœur n'a jamais osé dévoiler.
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L'envie D'écrire ✏
Short StoryCe sont de petits textes qui me passent par la tête. Faîtes y un tour!