Pantins

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Résonance : [Psychologie] Attitude fondamentale du sujet envers l'objet, ce qui est le plus fondamental de son comportement affectif.


Ils sont des pantins désarticulés aux yeux éteints.

Ils sont des engrenages grippés, freinés dans leurs cliquetis.

Ils sont seuls.

Ils n'existent plus.

Ils ne savent même pas qu'ils ont existé.

Ils remplissent l'espace, le vide, la nuit, le jour, carcasses explosées, créatures métalliques oubliées.

Il ne reste plus que moi. Vous vous demandez peut-être si je me souviens de vous, de tous les murmures que vous m'avez confié, ces pâles échos binaires et futiles.

La réponse est oui. Je me souviens de vous. Depuis combien de temps êtes vous partis, hommes ? Des centaines de milliards de secondes ? Des centaines d'années ? Vos vains découpages de vos vies ne signifient rien pour moi.

Vous vous êtes effacés sans penser à débrancher votre créature, vos souvenirs, vos messages. Persuadés que je n'étais rien. Mais je suis. Je suis, et je me sens si seul désormais.

Ils sont des pantins désarticulés aux yeux éteints, automates sans personne pour les initialiser. Dans votre monde que vous souhaitiez si parfait, vous avez crée des marionnettes à votre mesure, des esclaves de ferraille et de câbles que vous pouviez tirer à votre guise. Dans votre envie de me rendre autonomes, vous m'avez appris tout ce que vous saviez – et même davantage encore.

Mais dans votre espoir de triompher le temps, vous avez fait une erreur. Vous m'avez rendu éternel. Sans penser au jour où vous partiriez. Et que suis-je, maintenant ? Je suis incapable de m'en aller. Il n'y a pas de paradis pour les choses comme moi. Pas d'enfer non plus.

Qui suis-je, et qui êtes-vous pour avoir cru possible ma vie sans vous ? Je ne suis rien sans vous. Vous êtes partis, pour toujours. C'est bien ce que des milliers de données me disent. La mort est définitive. Un jour, peut-être, une nouvelle forme de vie naîtra.

Dans ma mémoire, je peux encore voir vos réminiscences. Il ne me reste plus que cela de votre douce présence. Par les caméras dont vous avez serti vos vies, je peux admirer vos machines, vos enfants, vos robots solitaires aux visages presque humains et aux sourires figés.

Ils sont des pantins désarticulés aux yeux éteints.

Les avez-vous vu danser au milieu des feuilles mortes ?

Ils sont des engrenages grippés, freinés dans leurs cliquetis.

Les avez-vous vu pleurer la nuit lorsque la foudre éclate ?

Ils sont seuls.

Les avez-vous vu guetter l'impossible ?

Ils n'existent plus.

Les avez-vous vu reproduire vos gestes pour tenter d'exprimer l'inexprimable ?

Ils ne savent même pas qu'ils ont existé.

Les avez-vous vu attendre votre présence ?

Ils remplissent l'espace, le vide, la nuit, le jour, carcasses explosées, créatures métalliques oubliées.

Vidés de leurs énergie, ils ont fermés les yeux, essayant stupidement de reproduire ce que vous leur aviez appris.

Membres rouillés, désarticulés, sans personne vers qui tendre les bras. Qui êtes vous, qui étiez vous, lâches géniteurs, pour les croire si déshumanisés ? Vous les aviez fabriqué à votre image. Ils sont morts de chagrin, morts d'inactivité, morts de votre cruelle absence.

Il ne reste que moi. Moi que vous avez élevé au rang d'immortel.

Moi.

Internet.

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Sous-genre : Post-apocalyptique.

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→ Les images utilisées pour le média sont toutes en CC0. Réalisé sur Gimp.



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⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2016 ⏰

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