Les Protecteurs d'Andalénia / La Danse du Lys tome 1 la Dame en Blanc

Chapitre 2 Tournelame

Loin de là, au cœur de la forêt des Trois Pairs, une lumière éblouissante transperça les ombres du sous-bois. Des oiseaux s’envolèrent à tire-d’aile, paniqués, et des lapins se tapirent au plus profond de leur terrier, aux aguets d’une menace éventuelle.

Brusquement, un sentier jusqu’alors invisible se matérialisa au milieu des vieux conifères et deux silhouettes se profilèrent entre les arbres. Agnor repoussa sa cape rougeoyante en arrière et dévoila un bref instant la garde étincelante d’une lame. Son regard intense se figea dans le lointain. L’autre, un adolescent, chassa quelques herbes de ses habits, faisant jouer ses muscles développés.

— Où allons-nous, maintenant, vénérable Mécène ? demanda l’adolescent avec rudesse.

— Rejoindre ta famille, Alex…

Agnor s’arrêta un instant et tendit l’oreille. Ses yeux se remplirent d’anxiété.

— Prépare-toi à courir. Le temps presse.

Le Mécène s’élança sur le sentier, le grand adolescent sur les talons.

* * *

Au même moment, la porte s’ouvrait sur Ambre Vivlar. Sa silhouette franche et délicate se découpa face au jour et ses cheveux blonds projetèrent une clarté apaisante dans la pièce. Transpirant, elle s’essuya le front et referma à clé d’un air soucieux. Dans son dos, les jumeaux s’étaient levés d’un bond. Quand elle se retourna, ses yeux d’ambre se firent bien plus perçants.

Les deux jeunes gens souriaient à s’en décrocher la mâchoire. Marlyssa se tordait les mains, apparemment gênée.

— Si vous tentez de cacher quelque chose, faites au moins preuve de discrétion. À commencer par…

— Nous n’essayons pas de cacher quelque chose, maman, nous essayons de le dire, déclara aussitôt Marlyssa.

— S’il s’agit de magie, vous serez punis tous les deux.

— Bah ! Techniquement, il s’agit bien de magie, commença Tristan en levant un doigt.

Les yeux d’Ambre étincelèrent de manière assez équivoque.

— Mais ce n’était pas de notre fait, ajouta aussitôt Marlyssa.

— Personne d’autre ne contrôle de pouvoirs comme vous sur Terre, enfin à Saint-Didier. Vous ne devez les utiliser à aucun prix, jamais.

Un bruit étrange monta de l’extérieur de la petite maison. Puis des craquements commencèrent à résonner dans le salon. Ambre fronça les sourcils et se tourna vers la porte d’entrée.

— Que se passe-t-il, ici ?

Soudain, un coup violent l’ébranla. Deux secondes plus tard, la porte se fissurait d’un seul trait, de haut en bas.

— C’est de ça que nous essayons de te parler ! s’exclama Tristan.

— Vite, courez en direction de vos chambres et barricadez-vous !

— Hein ?…

— Faites ce que je vous dis ! Tout de suite !

Les jumeaux s’enfuirent dans le couloir sur leur droite, effrayés bien plus par l’expression de leur mère que par les attaques lancées contre la porte d’entrée. Brusquement, un objet long perça la paroi sur leur chemin. Tristan l’évita de justesse. Le bras squelettique s’agrippa violemment à sa sœur. L’instant suivant, elle se retrouvait plaquée contre le mur et suffoquait, les yeux révulsés.

Le garçon continua de courir ; en l’état actuel, il ne pouvait rien faire d’autre. Des dizaines de bras blafards surgirent non loin de sa chambre. Tristan plongea et glissa jusqu’au bâton, son objectif. Il s’en empara et fit volteface. Il entendit sa sœur crier alors que des morceaux de plâtres volaient dans le couloir. Marlyssa disparut à sa vue, engloutie par le nuage blanc.