J'l'ai tué. Y'a du sang partout. J'sais même plus c'que j'fais. J'ai crié, j'ai appelé à l'aide, comme si j'avais regretté mon acte alors que c'est pas vraiment le cas. J'sais juste que j'ai mis du sang partout, que je vais devoir nettoyer tout ça. J'arriverai jamais à tout ravoir et j'peux bien jeter mon haut. Il est blanc. Ou alors je pourrais écrire que ce n'est pas mon sang, en noir, l'air psychopathe. Pourquoi pas? Cela pourrait être amusant, de passer dans les rues, comme ça. Juste pour effrayer le grand public. Et je ne devrais pas jeter, ça me ferait paraître moins coupable aux yeux du grand public, aux yeux de la police. Puis, j'ai qu'seize putains d'années, qui croirait un gamin capable de commettre des choses aussi atroces? Personne, tout le monde pense la jeunesse innocente et pure. Puis, franchement, vu ma gueule de type gentil, c'est pas vraiment à moi qu'ils vont penser pour être le maître de ces barbareries. Je ne peux m'empêcher de me mettre à rire de manière un peu psychopathe. L'vieux rire fou et possédé qu'on emploie souvent dans les films et séries policiers, dans les films d'horreur à la con, ceux à deux balles cinquante. Quoique même dans certains bons films, c'genre de rire à la con sont présents. J'laisse la musique de Beethoven emplir mes tympans, cette rage que sa musique émane me remplit, me comble d'une manière des plus fortes, des plus douces. J'regarde son corps tout frêle, tout maigrichon. C'n'est qu'une pauvre gamine passée trop près de moi à un moment où il fallait pas. J'veux qu'elle se vide de son sang, cela prend si longtemps... Même si je sais bien que la vie l'a déjà quittée. Son petit coeur ne bat plus, ses poumons ne sont plus en fonction.
J'ai saisi mon couteau à la lame tranchante, n'hésitant pas un seul instant à passer la lame sur les veines de son poignet à la peau si pâle. L'sang trouve encore le moyen de couler, cette si jolie couleur rouge se répend doucement sur le carrelage sombre de la pièce. J'ai l'impression de voir ce si joli liquide légèrement épais s'incruster dans les joints de sa pauvre maison. Peut-être que je ne devrais pas nettoyer et laisser une découverte d'autant plus macabre à ses parents, à sa famille ou à sa gouvernante. Mais ne serait-ce pas plus morbide si je venais à tout nettoyer, à ramasser tout cette liqueur que je pourrais boire? Ce qui est bien dans le fait d'être un tueur, c'est qu'on reste dans l'ombre tout en étant dans la lumière, tout en satisfaisant ses plaisirs cachés. J'me sens ennuyé de ne plus entendre ses petits gémissements de douleur. J'voudrais lui hurler d'se taire, d'fermer sa putain de gueule mais je n'en ain plus vraiment l'occasion, optant pour l'idée lui planter mon arme au niveau de la gorge. J'ressors la lame avant de trancher sa pauvre trachée de nombreuses fois, le sang giclant sur mes vêtements, sur mes Docs Martens noires en cuir. Je grogne, je n'aime pas avoir à retirer le sang de mes chaussures. Des fois je me dis que je ne sais pas trop ce que je fais alors qu'en réalité, j'le sais pertinemment. Je gère c'que j'fais.
J'sais c'que j'fous, j'sais très bien. J'connais cette adrénaline qui monte à chaque fois que je vois une personne que je pourrais tuer. A chaque fois je me dis que c'est un jour triste pour son entourage, que cela va détruire le monde d'un tas de personnes mais cette idée me plaît, cette idée me semble de plus en plus jouissive. J'me dis que c'est un mauvais jour, une mauvaise passe pour les autres alors que c'est le meilleur pour moi. J'aime le chaos, la souffrance, le conflit, la haine. Comme le nogistune, le seul kistune vraiment maléfique. Je me plais à me comparer à cette créature japonaise. Le nogistune se nourrit de toutes ces choses qu'il sème lui-même. Et je crée ces choses, j'sème la discorde partout autour de moi. J'ai l'impression d'avoir ce besoin de ça pour vivre, comme si je devenais le nogistiune. Comme si il entrait en moi, dans mon être, comme si il m'avait choisi comme hôte. Comme si j'étais habité par cette chose, cette créature. Mais j'sais bien que c'est pas l'cas, j'serais jamais c'te chose-là! J'suis un putain d'être humain, un p'tit pion, un gars sans importance parmi c'te population sans grand intérêt. Parmi toutes ces âmes esseulées et solitaires.