Chapitre 2 - Partie 3

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     Le ciel s'assombrissait et il ferait bientôt nuit. Arouas marcha jusqu'à la lisière de la forêt. Utilisant son pouvoir de communication avec les animaux, il appela un bel écureuil roux et lui murmura quelques mots. Il se posta à proximité des cachots et attendit. L'obscurité était tombée lorsqu'un cri déchira la nuit. Tout se passait comme prévu. Il avait fait comprendre, avec difficulté, à l'écureuil qu'il devait créer une diversion afin d'alerter les soldats postés aux cachots.

      En effet, ceux-ci déboulèrent au pas de course pour secourir leur collègue. Arouas se glissa plus silencieusement qu'une ombre dans les cachots et s'empara du trousseau de clé accroché au mur. Il ouvrit la cellule de Leya et lui fit signe de le suivre en silence. La jeune fille s'exécuta.

      - Va m'attendre à la lisière de la forêt, murmura t-il.

      Tout en la suivant du regard, l'elfe se rendit aux écuries et détacha Souffle, le petit cheval alezan qu'il avait préparé pour Leya. Il l'enfourcha et celui-ci partit au petit trot. Les rares elfes qu'il croisa ne s'étonnèrent pas de le voir à cheval à cette heure : le prince avait pour habitude de se promener quand bon lui semblait. Il atteignit l'orée du bois, où se trouvait Leya. Une fois à couvert des arbres, il mit pied à terre. Il donna sa monture à la jeune fille qui s'y jucha et monta lui-même avec souplesse sur Plume qui l'attendait patiemment.

      - Tu es déjà montée à cheval ? s'informa Arouas en essayant de ne pas faire trop de bruit.

      - Non, jamais.

      Une grimace de contrariété se peignit sur le visage de l'elfe.

      - Je n'ai pas le temps de t'apprendre maintenant. Pour l'instant, tu vas t'agripper à la crinière et rejeter tes épaules en arrière. Souffle va suivre Plume. Essaie de ne pas tomber.

      Leya acquiesça. Arouas pressa les flancs de sa jument qui prit le galop. L'elfe regarda en arrière et vit Souffle lui emboîter le pas. La jeune fille était crispée et arrondissait inconsciemment son dos.

      - Détends-toi, lui conseilla Arouas. Et recule tes épaules.

      Ils galopèrent ainsi une demi-heure. Le silence était seulement brisé par le rythme des foulées des chevaux sur le sol. Les cavaliers ralentirent l'allure pour ménager leurs chevaux. Ils avancèrent toute la nuit, alternant de courts temps de galop et des temps plus longs de pas. L'aube se leva, entraînant avec elle son cortège de chants d'oiseaux et de bourdonnements d'insectes. Arouas et Leya mirent pied à terre au bord d'un fleuve, faisant marcher Plume et Souffle pour qu'ils récupèrent avant de les laisser se désaltérer. Les équidés étaient épuisés et leurs robes luisaient de sueur. Leurs cavaliers se laissèrent tomber au sol et plongèrent avec délice dans un profond sommeil sans rêves, la tête à peine posée dans l'herbe. Ils dormirent ainsi jusqu'au milieu de l'après-midi, quand la faim les réveilla.

     Un quart d'heure plus tard, Arouas et Leya étaient assis autour d'un repas constitué de fruits cueillis dans les branches alentour.

      - Tu sais, je suis désolée, lança soudain Leya.

      - Désolée ? Mais de quoi ?

      - De t'avoir traité de lâche.

      - Oh ça... C'est sans importance, j'aurais réagi de la même façon.

      - Non. Toi, tu serais resté calme comme toujours et tu aurais cherché une solution.

      L'elfe haussa les épaules mais ne répondit pas.

      - Je tiens vraiment à m'excuser, crois-moi, continua t-elle. Ce que tu fais, c'est... vraiment très courageux de ta part. Personne n'a jamais fait quelque chose d'aussi bien pour moi.

      Des larmes brillaient au coin de ses yeux qu'Arouas fit semblant de ne pas remarquer quand il dit :

      - Eh bien... Si tu y tiens, j'accepte tes excuses mais n'en parlons plus.

      Ils reprirent leur route, sitôt repus. Les deux chevaux avaient bien récupéré et avançaient à bonne allure. Ils suivirent le fleuve qui s'étirait comme un lacet jusqu'à l'horizon. C'était une très chaude journée de printemps. Les deux compagnons cheminaient à l'ombre des arbres pour profiter d'un peu de leur fraîcheur. Le bruit continu de la course du fleuve rendait toute conversation impossible et ils se contentèrent de chevaucher sans un mot, observant le disque orange du soleil disparaître progressivement jusqu'au lendemain. Il laissa la place aux reines de la nuit, les étoiles. Arouas, jugeant qu'ils étaient suffisamment éloignés du palais ne pressait pas leurs montures

      Un bruit de cavalcade déchira soudain l'air de la nuit. Arouas jura entre ses dents et sauta à terre. Il fit signe à son amie de l'imiter et déclencha une émotion de peur chez les chevaux afin qu'ils partent se cacher le plus loin possible. Il cherchait frénétiquement des yeux une cachette assez grande pour eux deux quand un buisson assez éloigné du sentier attira son attention. Il agrippa le poignet de Leya et la tira derrière lui. Ils se tapirent comme deux lapins effrayés dans leur terrier à l'approche d'un prédateur. Les chevaux qu'ils avaient entendus se rapprochaient. Arouas pouvait les distinguer à travers le feuillage de sa cachette. Il s'agissait de trois fiers destriers écumants montés par des soldats du royaume. Aucun doute, ils cherchaient les fugitifs. La monture de tête repassa au pas et les autres suivirent son exemple. Un instant, Arouas trembla à l'idée d'être découvert mais il n'en fut rien et les cavaliers continuèrent leur chemin. Quand ils furent hors de vue, l'elfe, qui s'était abstenu de respirer à leur passage, lâcha un profond soupir de soulagement.

      - Il faut que nous nous dépêchions maintenant, chuchota Arouas.

      - Mais pour aller où ?

      - Ma mère m'avait montré un endroit où je pense que nous serons en sécurité. Il faut suivre le fleuve jusqu'à la mer. Nous arriverons à destination dans quelques lieues.

      Ils marchèrent quelques temps sans parler, l'oreille aux aguets. Les chevaux leur offrirent une grosse frayeur quand ils les rejoignirent. Ce fut le seul incident notable qui se produisit.

      Quand ils ne furent plus très loin de la mer, les arbres commencèrent à se raréfier et le sable remplaça la forêt. Sur leur gauche, une falaise abrupte se dressait, surplombant la plage.

     Les adolescents mirent pied à terre et se rapprochèrent de la mer. La lune s'y reflétait et lui conférait un aspect magique. Ils la longèrent quelques minutes, respirant l'air iodé avec délice. Arouas désigna la falaise à son amie.

      - C'est ici, déclara t-il.

      Leya plissa les yeux.

      - Je ne vois rien.

Il sourit :

      - C'est pour cette raison que nous serons en sécurité. La cachette est invisible depuis le sol. Allez viens !

      L'elfe entraîna la jeune fille vers l'escarpement rocheux.

      - Tu as déjà pratiqué l'escalade ? demanda t-il.

      - Sur des arbres, oui. Jamais sur des falaises.

      - Ce n'est pas si différent. Vas-y ! Je reste derrière toi au cas où.

      Elle entama l'ascension sous l'œil attentif de son ami. Arouas guidait Leya à la voix pour qu'elle trouve la cachette. Ils y parvinrent assez rapidement. C'était en fait une cavité naturelle. Peu haute mais plutôt large, ils pouvaient largement se coucher et même s'assoir mais pas se tenir debout.

      - Waouh ! souffla Leya.

      Arouas sourit. Ils déposèrent leurs affaires et sombrèrent dans le sommeil.

Arouas, prince elfe - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant