Le lendemain, en classe, elle eut du mal à se concentrer. Elle avait raconté son secret à Louise, alors qu'elle s'inquiétait de son silence dans le métro. La jeune fille lui avait dit :
-T'inquiète, ce soir je te laisse rentrer seule avec lui ! Puisque visiblement il veut que vous soyez seuls..., ajouta-t-elle, mi-boudeuse, mi-malicieuse. Moi, je dis, il est amoureux de toi, c'est tout ! Profite-en, Margot ! C'est le garçon le plus mignon que j'aie jamais vu...Et c'est là qu'elle lui avait avoué ce qu'elle pensait du garçon. Louise avait ri :
-Tu sais ma vieille, t'es pas la seule à qui il fait cet effet-là ! Moi aussi je le trouve vraiment trop beau.Justement, c'était cela qui inquiétait Margot. Trop beau pour être réel. Réel, il ne pouvait pas l'être, si on prenait en compte sa main. Et Margot ne le trouvait pas seulement beau ; il y avait quelque chose en lui auquel elle ne pouvait résister, elle se sentait attirée par lui sans pouvoir l'ignorer. Et si jamais il venait la voir pour lui demander un service, elle dirait oui, elle le savait. Elle se soumit à un test: elle réfléchissait à toutes les questions qu'il pourrait lui poser, tous les services qu'il pourrait lui demander. Elle se rendit compte qu'elle serait toujours prête à accepter, quoi qu'il se passe. Elle savait que malgré tous ses efforts, elle ne pourrait y échapper.
« Si seulement...ou alors... »
Elle se sentait prise au piège, comme empoissée dans un filet gluant, assise là en cours de maths, sans écouter l'exercice. Ce n'était pas que de l'amour ou de l'attirance, parce qu'il y avait une grande part de peur aussi.
A part changer d'école, elle ne voyait pas comment éviter Victor ; elle n'était même pas sûre de vouloir l'ignorer. Le professeur parlait mais elle n'écoutait pas, perdue dans ses rêveries. Etre amoureuse était un problème de taille pour Margot. Cette rentrée de quatrième se passait moins bien que prévu...Le soir, elle se rendit devant la classe de Victor. Timidement, elle passa la tête par l'embrasure de la porte ; il n'y avait personne, à part lui, assis au fond, le nez plongé dans des papiers. Margot se racla la gorge pour signifier sa présence. Le garçon sursauta violemment, glissa à toute vitesse les papiers en vrac dans son sac à dos, et jeta un regard paniqué vers la porte. Il aperçut alors les boucles blondes de Margot, et poussa un très discret soupir de soulagement. Ramassant son sac, il s'empressa de la rejoindre.
-Eh ! Salut, Margot ! Ca va depuis hier ?
« Il se souvient de mon nom, avec toutes les filles qu'il a dû croiser hier ! Bon, je lui demande de rentrer, juste de rentrer...un, deux, trois... »
-Euh, Victor, je voulais savoir si tu étais toujours d'accord pour rentrer avec moi...ce soir, je suis seule...« Grâce à Louise. Merci choupinette, je t'aime. »
-Ah, pas de problème ! Je suis encore désolé pour hier, j'avais complètement oublié le tennis. Je ne suis vraiment pas doué pour les nouvelles rencontres, hein ?, dit-il, l'air embarrassé.
-Non, t'inquiète, ça va, grimaça Margot qui ne savait quoi répondre d'autre. Je serais ravie de rentrer avec toi si tu as envie.
Elle se demanda où elle puisait l'audace de lui répondre avec autant de naturel et de désinvolture ; c'était forcément à cause de cet instinct mystérieux, qui la rendait tellement... "amoureuse"?Ils s'éloignèrent, sans remarquer Louise qui leur jetait un coup d'œil pour vérifier que son amie allait bien. Ils prirent le métro, bavardant sans arrêt. Victor posait à Margot beaucoup de questions sur elle, sa famille, ses amis, ses goûts... Embarrassée, elle répondait tant bien que mal, se demandant pourquoi elle l'intéressait à ce point.
-T'es déjà sortie avec un garçon ?« Hein ? Eh mais t'as fini de fouiner ? »
-Hm, nan, jamais et toi ?
Il rit, d'un rire cristallin et Margot rougit jusqu'à la racine des cheveux en se rendant compte de son erreur.
-Si je suis déjà sorti avec un garçon ? Pour être honnête, oui, répondit-il avec un air très sérieux qui contrastait avec ses yeux rieurs. Mais je préfère les filles. Seulement, parfois, on n'a pas le choix...« Qu'est-ce qu'il raconte? Pas le choix de sortir avec quelqu'un? »
Elle décida de garder cette réflexion dans un coin de sa tête et embraya :
-Et toi ? Je parle, je parle, mais toi ? Ta famille ? Je sais que tu as un frère...il est dans l'école ?
-Oh, non...répondit-il avec un sourire. Mon frère est dans une autre école du quartier. On habite en banlieue, avec ma mère. On ne peut pas dire qu'on soit très riches, alors les appartements en ville étaient trop chers.
-Et ton père ?, continua Margot, curieuse.
-Je ne l'ai pas connu, il est parti de la maison quand j'avais deux ans et n'est jamais revenu...
-Ah... c'est... triste... je suis désolée pour toi, Victor...
Il se tut un instant, une ombre dans le regard, l'air soucieux.
-Et tu étais à quelle école avant ?, continua la jeune fille pour le tirer de ses visiblement sombres pensées.
Il resta un instant silencieux, puis articula :
-Une petite école de banlieue, qui s'appelait St Patrice...
Il y avait à présent une atmosphère gênée. Margot tenta une dernière question :
-Et...tu n'habites pas loin ?
A cet instant, le métro arriva à une station et s'arrêta. Victor regarda le panneau et sembla réfléchir. Pendant un millième de seconde, Margot eut l'impression qu'il ne savait pas où aller. La banlieue n'était même pas près de cette station. On aurait dit qu'il descendait juste pour la fuir.« Mais qu'est ce que tu racontes, Margot. Tu délires. Bien sûr qu'il sait où est sa maison. Il ne part pas pour ne plus te voir, enfin ! Et je ne connais pas son adresse exacte, elle n'est sûrement pas loin d'ici. »
-Ah, désolé, c'est ma station. Je descends ici.
Sous les yeux perplexes de Margot, il ajouta :
-Ca m'a fait plaisir de parler avec toi ! A demain.
Il sortit et les portes se refermèrent derrière lui. Elle le regarda tranquillement, près du mur, en train de consulter un plan du quartier. Elle se sentait un serrement au cœur.
Puis le métro s'ébranla et il disparut à ses yeux.
VOUS LISEZ
Les larmes des limbes
FantasyIl était beau, il était fort, il était tout ce dont elles pouvaient rêver. Il jouait au chat et à la souris avec sa propre vie; pour tenir, il avait besoin d'elles. ∞ j'ai écrit cette fiction en 4e, pour un concours de nouvelles (je ne l'ai jamais e...