Chapitre III

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Je suis paré.

Je serre fermement la bretelle de mon sac contre moi. L'argent dans la poche intérieur de mon manteau, pressé contre mon cœur. Je régule ma respiration et tente de faire de même avec mon cœur. J'échoue. J'ai eu tout le week-end pour y réfléchir et malgré les nombreux remords de Zayn qui n'a pas cessé de me supplier de faire marche arrière, je me suis préparé, mentalement je veux dire.



La pluie s'abat encore sur la ville quand je marche d'un pas traînant. Ma raison me hurle de faire demi-tour, mais mes jambes sont incontrôlables et les foulées qui me mènent près de lui me sont cruellement imposées. Pourtant j'y vais le cœur léger. La raison en panique mais le cœur en paix. Je pense que j'ai besoin de cette confrontation. J'ai besoin de le regarder dans les yeux et de lui montrer que je n'ai pas peur, même s'il me terrifie comme aucun autre ne sait le faire. Il fait plus clair qu' hier, l'heure est plus raisonnable. La mélancolie me serre le cœur. Les jours se font plus longs, bientôt je ne pourrais plus me balader dans les ténèbres pour rentrer chez moi. Je devrai contempler la nuit derrière une vitre, enfermé dans ma chambre.


Je pousse un soupir, d'un autre côté, ça m'arrange plutôt de faire les échanges de plein jours. « Le Vautour » m'angoisse et me provoque d'atroces suées. Mes pieds traînent sur le sol, râpant les semelles de mes chaussures. Ma mère me tuerait si elle était là, elle me gronderait comme un gosse indigne, un de ceux qui éprouve un sentiment de puissance malsaine à voir leurs parents déchirés par la honte d'avoir pour rejeton, un enfant désobéissant.


Mais elle n'est pas là et je suis seul.


Les consignes de Zayn bourdonnent toujours dans mon crâne comme une litanie sans fin. Je devrai ramener les sachets à l'entrepôt qui se situe à un Kilomètre de là où se feront les échanges. Je suis condamné à prendre le bus tout les soirs pendant au moins un mois. Le risque pour Zayn d'être vu dans ces quartiers avec ces antécédents pourrait nous porter préjudice. Et évidement, si l'on minimise chaque jour la quantité transportée est uniquement en cas de contrôle. On pense que c'est mieux, ou du moins, Zayn le pense. La peine que j'encoure est moins importante si l'on me prend avec un sachet de trente pilules d'ecstasy qu'avec les deux-milles requit pour la fête. En espérant qu'on ne me remarque pas du tout. Si j'avais plus confiance en ce quartier je sortirais mon Ipod de mon sac et j'écouterais une de ces chansons de Hard rock/ Métal qui vous donnent l'impression d'être au sommet du monde, d'avoir la destinée de chacun entre vos mains d'innocent. Mais cette ruelle ne m'inspire définitivement pas confiance, alors je laisse les mains à l'intérieur des poches de ma veste et je subis le trajet en silence.



Quand j'arrive à l'embouchure de la ruelle, je sens mon estomac se retourner. Ma tête tourne et la migraine qui me martèle les tempes est cruelle. J'hésite. Je pourrais encore m'enfuir, courir loin de tout ça, je pourrais réitérer mon action de la veille, laisser ma lâcheté vaincre de nouveau. J'avale une goulée d'air. Mon ongle gratte inconsciemment les briques au mur, elles s'effritent et les poussières sont emportées devant moi par le courant d'air qui me glace le dos. Ma tête est en bordel, elle me hurle de déguerpir mais me supplie de rester, attirée par la forme indistincte qui me fait face, lascivement étendu contre le mur du fond, près de la benne d'hier. J'ai le cœur au bord des lèvres et la gorge sèche lorsque que je m'avance vers lui. Il est tellement ancré dans le paysage qu'il donne l'impression d'être celui qui soutient le mur contre son dos et non l'inverse. Il s'intègre et s'accorde tellement au décor que s'en est dérangeant et je frissonne. Il me fixe au travers de ses cils, les yeux plissés, la tête penchée sur le côté dévoilant son cou albâtre et sa jugulaire. Il me jauge avec tellement de nonchalance que je n'arrive plus à soutenir son regard. Son dos se décolle du mur et je tremble d'appréhension. Il attrape sa nuque raide d'une main et la fait craquer tandis que j'extirpe fébrilement l'enveloppe de ma poche intérieure. Mes yeux papillonnent un peu partout, ils volètent entre les murs sales et le graffiti tout près de moi. Il contemple le papier brun qui pèse dans ma main, le regard morne. Puis il me fixe intensément, tellement intensément que j'en perds le souffle.


Fire meet Gasoline H&LOù les histoires vivent. Découvrez maintenant