22h13, Toit du bâtiment
Je poussa lentement la porte du toit à ma grande surprise je vis une silhouette, je n'étais pas très sure mais il me semble que c'est lui. Au lieu de faire marche arrière et retourner chez moi, je m'avança vers lui. Que pouvais-t-il bien faire sur ce toit à cette heure là ? De quel droit venait-il faire intrusion dans mon repère ? Anis ou pas, il ne m'empêchera pas de venir prendre mon bol d'air comme à mon habitude. Je m'avançais jusqu'à la barrière de sécurité et me suis accoudée contre celle-ci. Je sentais son regard sur moi, un regard assez pesant, je commençais à avoir l'habitude donc j'en fis abstraction.
J'étais vraiment surprise de le trouver ici, d'habitude lorsque je venais il n'y avait jamais personne, le toit était en quelque sorte mon échappatoire. Il me servait à fuir mon quotidien et la réalité, quand j'étais ici, je me permettais de rêver à un avenir meilleur et à de nouveaux horizons. Je savais que tout cela n'était qu'illusoire mais j'en avais besoin pour tenir le coup. Nous voila donc, lui et moi sur ce toit en train de contempler la vue. Aucun de nous ne parlait, assez étrange mais apaisant. Être en sa compagnie me rendait sereine, simplement être avec lui sans avoir à se parler. Mais ce silence prit fin lorsque celui-ci prit la parole.
Anis : Ton frère sait que t'es ici ?
Jadwa : Je pense qu'à cette heure ci, savoir où je suis est le dernier de ses soucis, surement trop occupé à se retourner le crâne dans la Bâtiment F.
Il ne répondit pas et se contenta d'un hochement de tête. C'est vrai mon frère était devenu un fantôme, on ne le voyait quasi plus jamais à la maison ou de temps à autres, il passait en coup de vent pour se changer et se doucher. Il passait le plus clair de son temps dans la cave du Bâtiment F avec ses amis à boire et fumer pour oublier sa misérable vie, chacun sa façon.
Jadwa : Et toi, pourquoi t'es pas au Bâtiment F avec les autres ?
Anis : C'est pas trop mon délire, être enfermé dans une cave à boire et à fumer, tout ça là... Enfin bref, je préfère être seul...
Jadwa : Tu sous-entends que je te dérange ?
Anis : Non, c'est pas ce que je voulais dire. Je voulais juste prendre l'air, respirer un peu...
Je tourna mon visage pour faire face au sien, je n'avais jamais vraiment remarqué jusque là mais ils avaient de très beaux yeux verts. Je plongea mon regard dans son regard, à cet instant plus rien n'existait mise à part nous deux. Ne dit-on pas que les yeux sont la porte de l'âme ? J'essayais de décrypter en vain ce que ses yeux voulaient crier au monde entier mais il avait barricadé la porte de son âme.
Jadwa : Pourquoi es-tu autant méfiant ?
Anis : Je te retourne la question.
Il m'avait pris au dépourvu, je ne savais pas quoi répondre. Un peu piquée, je lui lança sans vraiment de tact.
Jadwa : Qu'essayes-tu de cacher ?
Anis : Pourquoi veux-tu que je cache quelque chose ?
Jadwa : Je ne sais pas, tu auras beau dire ce qui te plairas mais sache que les yeux ne mentent pas. T'es pas obligé de m'en parler mais ne me mens pas.
Anis : Que veux-tu que je te dise, il n'y a absolument rien à dire. Et toi dis moi.
Jawda : Dire quoi ?
Anis : Ce qui te pousse à venir ici ? Ta présence ici est bien due à quelque chose n'est-ce-pas ?
Bien sur que ma présence avait une cause, sinon à cette heure-ci je serais chez moi en train de dormir. J'hésitais à lui dire, lui dire que je ne trouvais plus le sommeil depuis que notre géniteur avait déserté la maison. Que ma vie a littéralement volé en éclat, qu'à cause de son départ notre famille n'est plus. Il a réduit à néant mon espoir de pouvoir grandir dans une vraie famille. Comment lui dire que je haïssais la personne grâce à qui je suis née ?
Jadwa : J'avais seulement besoin de prendre l'air comme toi.
Je savais pertinemment qu'il ne croyait pas une seule seconde à ce que je racontais mais bon pourquoi irais-je raconter ma vie à un inconnu. Lui-même n'a rien voulu me dire, on continua donc à observer la vue en silence. Cette fois, une sonnerie de téléphone vint interrompre le calme.
Il sortit son téléphone de sa poche, regarda l'appelant et le remis à sa place. Le fait qu'il n'est pas décroché m'intriguais.
Anis : Sinon, ça se passe les cours ?
Jadwa : Oui ça va et toi ?
Anis : Tranquillement, tranquillement.
Cette fois-ci c'est notre discussion qui se fit interrompre par la sonnerie. Il n'y prêta pas attention et continuait à me parler comme si de rien n'était.
Jadwa : Tu devrais peut-être répondre, ça doit être important.
Anis : Non, c'est rien t'inquiètes.
Nous continuons donc notre conversation, on était de plus en plus à l'aise. On avait passer la soirée à se parler et rigoler comme si on se connaissait depuis le bac à sable. Mais j'avais abordé le sujet de son père, il avait esquivé me parlant d'autre chose pour faire diversion mais je n'étais pas dupe. Je ne releva pas, je comprends que ce soit un sujet délicat pour lui.
Anis n'étais pas le garçon aussi froid et distant qu'il voulait laisser paraître. Il était très gentil, plein de discussion et très cultivé, je ne m'en serais jamais doutée. Quand je rentrais des cours, les discussions qu'Halim et lui avaient n'étaient pas des plus intéressantes, elles étaient même complètement débiles. Ce soir j'ai pu découvrir une autre facette d'Anis, et j'en étais agréablement surprise. On parlait encore et encore, je n'ai même pas vu le temps passer.
Son téléphone sonna de nouveau. Il se décida enfin à repondre et s'éloigna un peu.
Anis : C'est bon arrête de m'appeler ! Tu me saoules !
Il raccrocha et revint vers moi, je le voyais très énervé à deux doigts de l'implosion. Ça se voyait qu'il en avait beaucoup sur le cœur et qu'il ne tenait plus.
Jadwa : Ça va aller?
Anis : Oué t'inquiètes.
Jadwa : T'es sur ? Tu peux m'en parler si tu veux.
Anis : Tranquille je t'ai dis. T'façon je vais rentrer il se fait tard, tu devrais en faire de même.
On prit alors la direction des escaliers pour regagner nos foyers respectifs. Arrivées à mon pallier, il me salua et s'en alla.
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C'était Toi et Moi contre le reste du Monde ©
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« C'était Toi et Moi contre le reste du Monde. »
RomanceJ'essayerai de t'oublier, je tirerai un trait sur tous nos moment passés, comme si rien ne s'était passé. Mais mon coeur va exploser, je n'arrive plus à faire semblant, j'ai beau mettre toute la volonté du monde mais ton image continue de me hanter...