« C'était Toi et Moi contre le reste du Monde. »

Partie 12 : Habitués à se cacher derrière un masque et se braquer

24 Novembre 2011, 8h, Lycée René Auffray

Cela faisait exactement 3 semaines depuis la rencontre avec Anis sur le toit. Entre temps, la routine s'était installée. Je passais le plus clair de mon temps à aller en cours, faire le ménage, sortir de temps en temps avec Chahida et Aini, rien de vraiment interessant.

J'avais un peu de mal à suivre les cours,  je n'arrivais pas à me concentrer bien trop préoccupée par la situation de ma mère et de mon frère, Yazid. Je voyais ma mère prendre de l'âge, se tuer à la tâche sans jamais se reposer. Je voyais dans ses petites yeux marrons la tristesse et la fatigue. J'aurais tellement voulu prendre le fardeau qu'elle se trimbalait sur les épaules pour les mettre sur les miennes, ne serait-ce qu'un seul petit instant, pour lui permettre de souffler un petit peu. Elle avait pris un deuxième emploi pour pouvoir subvenir à nos besoins mais je voyais très bien qu'elle ne tiendrait pas bien longtemps, elle était épuisée, aussi bien mentalement que physiquement. Pour le peu que je la voyais, elle avait littéralement fondue, on commençait à voir ses os, son teint blafard et fatigué. J'étais desemparée, je ne savais plus quoi faire pour l'aider, à plusieurs reprises je lui avais dit de ralentir sur le travail. Mais elle ne voulait rien entendre, me disant sans cesse que ce n'était rien et que ça allait.

Quant à mon frère c'était toujours la même chose, il passait ses journées à tenir les murs et ses soirées à "décompresser", comme il le disait si bien. Rares sont les moments où il était présent. Mais de toute façon, qu'il soit là ou non cela ne changeait strictement rien à la situation.
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Je partis m'assoir à côté d'Aini et le cours commença, on était pas vraiment à fond dans le cours et commança à parler de tout et de rien.

Aini : Ça va ou quoi ?

Jadwa : Ouais ça va al hamduliLlah et toi ?

Aini : Tranquillou, tranquillou. Ça raconte quoi ?

Jadwa : Hier Yazid est encore rentré complètement mort, heureusement que ma mère l'a pas vu dans cette état... Mais lui aussi il est trop con, il ose rentré alors qu'il est défoncé, il pense pas à ma mère ou quoi, t'imagines elle l'aurait vu...

Aini : Oué j'avoue c'est chaud... Mais Halim il m'a dit en ce moment rien qu'il squatte la cave...

Jadwa : Mais il est trop con j'ai juré, au lieu de nous aider et chercher du taff il passe ses journées avec ses copains les clochards sans penser à nous, pffff !

Aini : Essaye de lui parler, j'sais pas

Jadwa : T'façon ça sert à rien, il est aussi capable que mon géniteur celui-là.

Aini : Mdr, et au fait, t'as des nouvelles de lui ?

Jadwa : Non et c'est tant mieux. Sinon toi ça raconte quoi ?

Je voyais qu'elle hésitait, elle avait quelque chose à me dire.

Aini : Tu vois Eymen ?

Jadwa : Oué bah quoi ?

Aini : Y'a rien hein, mais ça fait 2 semaines qu'on s'parle. Enfin qu'on se parle vraiment autre qu'en temps qu'amis tu vois le délire ou pas ?

Jadwa : J'en étais suuuuuur ! Rien que j'avais cramé quand il te regardait quand il te voyait et tout hahaha. Ouuuuh Aini est amoureeuuuuse ahaha

Aini : Mais vas-y abuse pas toi aussi, on s'parle tranquille y'a rien.

Jadwa : Oué, oué et les regards qu'il te lance c'est rien aussi hahaha

Aini : On en parle de toi et Anis ?

Jadwa : Quoi moi et Anis ?

Aini : T'as pas vu comment il te regardait la dernière fois au grec et quand on est dans la voiture, rien que c'est cramé qu'il te jette des petits regards par ci par là MDRR. Obligé y'a un truc.

Jadwa : Mais vas-y dis pas n'imp toi aussi.

C'est vrai que je n'avais raconté à personne ce qu'il se passait avec Anis. Il ne se passait pas vraiment quelque chose, mais je n'avais pas dit à Chahida ni à Aini, qu'il m'arrivait de retrouver Anis sur le toit de notre bâtiment. C'était mon petit jardin secret. On se retrouvait presque tous les soirs sur le toit à contempler le ciel et la vue tout en discutant de tout et de rien. J'avais appris à le connaitre davantage, derrière sa carapace d'insensible qu'il veut se donner, se cachait un garçon fragile.

La vie ne l'a pas vraiment épargnée, il s'ouvrait petit à petit en me racontant quelques souvenirs de son enfance, de son ancienne vie à Lyon mais il y avait toujours un sujet sur lequel il se braquait automatiquement : son père. Je voyais très bien que son père était sa plus grande faiblesse, la seule fois où il a évoqué le souvenir de son père devant moi, il en avait les larmes aux yeux.

Certes on se voyait souvent mais il n'y avait rien, on se voyait parce que je pense qu'au fond chacun avait besoin d'une oreille attentive pour s'écouter mutuellement. Je ne me livrais pas autant que lui le faisait mais je lui avais un peu parler de la fuite de mon père et ne m'étalais pas trop sur le sujet. Je preferais lorsque qu'on avait des conversations assez légères sur des sujets pas très sérieux, ça me permettait de me changer un peu les idées. On s'était rapproché mais sans plus, c'était assez étrange. Dès que le jour refaisait surface, on agissait comme si de rien était, comme si les moments que l'on n'avait passé ensemble la veille n'avaient jamais existés. Aux yeux des autres, nous n'étions que de simples connaissances, rien de plus.

La situation ne me dérangeait pas plus que ça, au contraire elle m'arrangeait. Je ne voulais pas avoir à expliquer à qui que ce soit ce qu'il se passait entre nous, leur expliquer le pourquoi du comment et surtout ne pas à avoir à subir toutes sortes de commentaires ou de spéculations quant aux faits que je serais en couple avec lui ou que je serais amoureuse de lui. Une chose était claire, lui et moi nous ne somme qu'AMIS et rien d'autre. J'avais besoin d'avoir ce jardin secret où je pouvais m'évader.

8h55,

La fin du cours sonna, on était dans les couloirs pour aller au second cours.

« Appel entrant +01... »

Jadwa : Allo ? ... Oui c'est moi. ... Comment ? J'arrive tout de suite !

Aini : Qu'est ce qui se passe ?!

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