Chapitre IV | Sœurs assermentées

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De longues minutes, presque infinies, avaient passé. Tout se déformait dans la tête de Ziwei (紫薇). Son esprit se perdait graduellement à mesure que le temps passait. Elle ne désirait pas être en froid avec XiaoYanZi (小燕子) - surtout lorsque cette dernière l'avait si chaleureusement accueillie, sans y réfléchir, ni même poser de questions. La princesse se doutait bien qu'elle allait devoir parler, s'expliquer sur son plus grand secret. Deux semaines avaient passé, et pourtant, elle avait l'impression de ne toujours pas connaître sa camarade au Kung-Fu inégalable. XiaoYanZi était un personnage difficile à cerner ; elle avait cette folie en elle, jamais éteinte. On aurait presque dit qu'elle ne ressentait même pas la douleur - du moins, elle ne le montrait assurément pas, cachant cette émotion au fin fond de ses souvenirs du passé. Son enfance ardue l'avait probablement renforcée dans son combat. Celui de la survie.

Après mûres réflexions, la souveraine avait fini par rejoindre ses compagnons, n'ayant plus le choix, sachant que Suying (素莹) était encore entre leurs mains. Son souffle s'était calmé depuis ce vol surprenant, et depuis, elle mirait les alentours, aux aguets, ne voulant plus que cela se reproduise une seconde fois.

Rapidement arrivée, elle retrouva une Suying trépidée et décontenancée, quittant sa place aux côtés des trois rebelles, avant de se placer en face de Ziwei.




— Dieu du Ciel, s'écria-t-elle, princ -



Aussitôt, Suying laissa sa phrase en suspens, recevant les yeux écarquillés de Ziwei. Comme si elle venait de commettre le plus gros crime du monde, la confidente posa instinctivement sa main sur sa bouche, jurant intérieurement de se taire. De peu, et elle allait divulguer le rang de Son Altesse. De peu, et tout l'énigme que représentait Ziwei tomberait à l'eau.

Comme par automatisme, la détresse guidant ses gestes, Ziwei dériva son attention à l'égard de ses trois nouveaux amis. Liuqing (柳青) et Liuhong (柳红) discutaient entre eux, contant ce qu'il s'était passé quelques minutes plus tôt, et XiaoYanZi, elle, était tout sauf absorbée par la conversation. Au contraire, son regard était fixé avec précision à celui de Ziwei. Sourcils froncés, un air neutre, voire presque hautain sur le visage, elle dévisagea la princesse, encore désappointée de son mutisme. Elle pensait qu'avec le temps, elle gagnerait un minimum de confiance de la part de son invitée, mais c'était toujours ce silence lourd, complet, et irritant. XiaoYanZi avait tout fait pour la mettre à l'aise, pourtant. Elle ne comprenait décidément pas pourquoi devrait-elle être mise en dehors de toute cette histoire, sachant qu'elle était clairement impliquée. Elle avait sauvé Ziwei, l'avait préservée d'une mort lente et douloureuse. Alors pourquoi devait-elle être traitée comme une inconnue ? Elle avait presque le sentiment que sa nouvelle rencontre voyait en elle un adversaire, un danger.

Mais de quoi a-t-elle peur ? se demanda-t-elle silencieusement.

Ayant été bien trop éloignée des deux jeunes femmes, XiaoYanZi n'avait pas pu entendre les mots de Suying, mais elle avait compris que la servante avait fait une erreur ; son geste gêné voulait tout dire. Et l'expression indignée, voire apeurée de Ziwei n'en était qu'une confirmation.

Une main tirant sur son bras coupa cet échange de regards tendu entre XiaoYanZi et Ziwei. Baissant la tête, l'indocile s'accroupit au niveau de Qinger (晴儿), sa petite préférée, et la plus jeune de toute parmi les douze enfants.


— Oui, ma puce ? sourit XiaoYanZi.

— J'ai faim... répondit la fillette, dessinant des cercles autour de son estomac.


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