Chapitre 3

276 51 11
                                    


   Gaston observa la magnifique tarte qui reposait devant lui. Elle avait une forme bien ronde et bombée et sa pâte mordorée semblait terriblement croustillante. Sur le dessus, des morceaux de pommes bien cuites étaient parfaitement répartis et ordonnés sous de fines bandelettes de pâte dorées qui se croisaient pour former un quadrillage tout à fait symétrique. L'agréable odeur de pomme et de cannelle qui se dégageait du chef d'œuvre acheva de lui mettre l'eau à la bouche. Jamais il n'avait vu quelque chose d'aussi beau et aussi appétissant. Seulement, quelque chose le dérangeait.

« Comment pouvez-vous savoir qu'il est parfait sans le goûter ? demanda-t-il.

— Il est vrai que je ne peux pas en être complètement certaine mais, si mon âme sœur vient, cela voudra dire qu'il l'est. »

   Elle défit son tablier et prit soigneusement son œuvre entre ses mains. Gaston lui tint la porte puis la suivit dehors où elle se tint simplement debout dans son jardin. Il n'était pas sûr de savoir ce qu'elle regardait mais il lui semblait que c'était les villageois au loin. Rares étaient ceux qui osaient s'aventurer jusqu'ici.

   Gaston lui tint compagnie une bonne heure, pensant que Blandine se rendrait compte par elle-même de l'idiotie de sa croyance. Mais la femme restait stoïque, attendant avec une incroyable patience que son âme sœur arrive.

« Vous savez, finit-il par dire, un gâteau parfait n'est pas obligatoirement nécessaire pour trouver l'âme sœur.

— Vous vous trompez, monsieur. Je n'en ai jamais vus d'autres aussi heureux que mes parents.

— Mes parents l'étaient également. Et pourtant, il n'était en aucun cas question de gâteau.

— Alors quoi ?

— Rien. Juste de la chance, du hasard et de l'amour. »

   Blandine resta muette. Gaston tenta alors une autre approche.

« D'où tenez-vous cette histoire ? Est-ce votre mère qui vous l'a comptée elle-même ?

— Oui. Je me souviens qu'elle m'avait compté ce récit et que je l'avais immédiatement écrit. Cela ne m'a pas tellement servi puisque je l'ai retenu de mémoire.

— Avez-vous toujours ce récit écrit ?

— Je ne sais pas. Certainement. Cela fait si longtemps vous savez. »

   Elle lui indiqua une armoire qui se trouvait dans le salon et qui pourrait contenir ce qu'il cherchait. Gaston laissa alors Blandine veiller seule et s'introduisit dans la maison.

   Il trouva la cachette et y dénicha plusieurs papiers en tous genres. Quand il lut enfin le récit dont Blandine avait parlé, il sourit. Certes l'histoire parlait bien d'âmes sœurs et de gâteau parfait mais elle était sensiblement différente à celle de Blandine. Un changement qui faisait toute la différence.

   Gaston s'apprêtait à refermer l'armoire pour aller montrer sa trouvaille à la jeune femme quand une photo attira son attention. Elle représentait une enfant jouant à faire des pâtés avec de la boue. Cette photo n'avait rien d'extraordinaire en soi mais elle signifiait bien plus pour Gaston car il se souvenait de cette petite fille.

   Il l'avait croisée un jour qu'il jouait à cache-cache avec d'autres enfants. Il s'était caché derrière une meule de foin tout près de là où jouait la petite. Il l'avait observée en silence alors qu'elle sautait dans la boue. Il avait ri et s'était moqué de ses habits tout tachés. Elle allait certainement se faire gronder sévèrement. Puis la mère de la petite fille l'avait appelée et elle s'en était allée en trottinant.

Le gâteau parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant