La famille Liégeard vivait dans la rue depuis maintenant deux mois. Deux mois de faim. Deux mois de fatigue et deux mois sans nouvelle du père de famille parti en direction de la guerre Franco-Chinoise. Depuis le début de cette guerre chaque mois voire même chaque semaine arrivait une de ces lettres. Mais depuis deux pauvres petits mois, qui ne semblent rien dans une vie, rien. Plus rien. Le vide de nouvelles et le vide dans le cœur de Virginie. La femme qui semblait avoir dans la cinquantaine (alors qu'elle n'avait que 38 ans) était affaiblie par ce manque de son mari mais ne pouvait se résigner à abandonner ses enfants et se pendre. En aurait-elle seulement le courage ? Elle-même n'en savait rien. Abandonnée ses cinq enfants âgés de trois mois à douze ans ?! Quelle idée insensée. Le pire de tout pour elle serait de les laisser et de ne plus les voir. Jamais la femme Liégeard ne ferait une chose aussi ignoble. Bien qu'elle y ait pensée. Elle n'avait plus que quelques écus dans sa poche. Un ou deux tout au plus. Le plus grand de ses quatre garçons n'avait que douze ans mais travaillait déjà à l'usine pour ramener quelques pauvres sous pour nourrir la pauvre famille de la rue. Si seulement ses trois jeunes frères pouvaient l'aider. Mais malheureusement du haut de leur sept, cinq et quatre ans c'était impossible. Et puis il fallait bien des personnes pour aider leur mère à s'occuper de Marie, la petite dernière, ainsi que de la cuisine ou bien de laver, une fois par semaine, les vêtements dans la Seine devant les autres passant qui les regardaient en les jugeant sur leur apparence, chuchotant quelques viles moqueries à leur égard.
Leur vie se résumait à rester assis dans la rue, des sacs, feuilles, journaux et tout autres objet qui pourraient leurs tenir chaud sur le corps. Ou encore chercher de quoi se nourrir dans les poubelles ou dans les tas d'immondices. Parfois ils se demandaient même, si les rats, bête sale et voleuse, ne se moquaient pas de leur vie dans la crasse. Ils s'étaient finalement trouvés un coin tranquille. Une petite impasse où très peu de monde passait. Ils avaient arraché les affiches d'un mur et s'en drapaient comme d'une couverture. Avec beaucoup de peine, Virginie cuisinait, si on peut dire, des plats à bases de déchets. Mais bien souvent ils ne mangeaient rien car les poubelles étaient plutôt vides ces temps si. Une pauvre marmite et deux ou trois bols. Voilà le seul matériel que la veuve mère de famille avait pu emmener à l'heure de leur expulsion. Sur la partie du mur qu'ils avaient dévêtu de toutes publications, quelques mots restaient « Grandes Fêtes ». Mais impossible de les enlever, ils étaient là placardés comme pour rigoler de ce sort injuste du destin sur cette famille déclassée, ou encore se moquer de leur déchéance dans la misère de Paris, dans la crasse, dans le répugnant.
A ça une déchéance ! Oui on pouvait en parler ! Cette famille qui s'était hissée au sommet grâce à une petite épicerie. Enfin au sommet, c'est un bien grand mot. Ils avaient uniquement réussi à avoir un appartement dans Paris avec vue sur les rues les plus délabrées. Une magnifique vision. Mais ils avaient tout de même une vie de petite bourgeoisie. Une bonne vie. Mais le jour où Monsieur dût aller à la guerre ce fut la catastrophe. En effet, pour noyer son chagrin, Virginie achetait, achetait et achetait sans compter des choses futiles et sans aucun intérêt. Et petit à petit le compte en banque se vidait. Et puis vint le jour où les économies disparurent. Et sans argent pas de loyer, sans loyer pas de logement et sans logement pas de lieu où se réfugier durant l'hiver rude qui s'annonçait.
Virginie n'en pouvait plus, elle était à bout. Voilà maintenant sept mois qu'ils étaient dans cette panade. Elle n'arrivait pas à en sortir. Pour elle, la seule solution était de mettre fin à ces jours, mais à quel prix ? Abandonner ses enfants ? Même en rêve elle ne pourrait avoir la force de le faire. Mais pourtant cette idée lui venait de plus en plus souvent en tête... En aurait-elle la force ? Mais si oui, aurait-elle raison de faire subir la perte d'une mère en plus de celle récente du père ? C'est questions lui revenait sans cesse en tête. Il ne lui restait qu'une et unique solution : laisser ses enfants sur le porche d'une maison et partir loin. Très loin de telle manière que ses enfants ne puissent, pas avant de monter eux même au ciel rejoindre leur père et donc leur mère. Et c'est ce qu'elle fit un soir. Ils dormaient tous, elle leur fit une multitude de bisous à chacun. Puis elle toqua à la porte de la maison la plus proche. Une fois une bougie allumée dans l'entrebâillement de la porte et partit en courant abandonnant ses enfants derrière elle. La veuve courrait à en perdre haleine. Épuisée, elle continuait sa course effrénée dans Paris jusqu'à arriver au bord de la Seine. Elle entra dans l'eau glacée et se mit au milieu du fleuve en quelques brasses mal faites ne sachant que très peu nager. Puis elle mit la tête sous l'eau. Mais un réflexe de survie la releva quelques secondes après les cheveux mouillés, un filet d'eau jaillissant alors de sa bouche. Elle recommença ce manège plusieurs fois, le projet étant plus compliqué qu'elle ne l'eut cru. Elle finit par recommencer en si prenant autrement. Elle plongea au plus profond qu'elle pouvait. Elle réussit à atteindre le fond et essaya d'y rester. Soudain elle fut prise de convulsions intenses et eut l'impression de cracher ses poumons. Elle bougeait comme dans une danse disgracieuse en secouant son bassin de droite à gauche, la bouche grande ouverte les mains tenant sa gorge. Elle ouvrit d'un coup les yeux, se sentant partir. Elle ne comprenait plus ce qui lui arrivait, puis d'un coup eut l'impression de flotter dans un autre endroit. Elle avait une vision à trois cent soixante degrés et ne comprenait pas. Elle voulut aller à droite et vit partir à droite mais comme si elle n'était qu'un cerveau relié à deux yeux et deux oreilles. Car elle entendait et voyait mais n'avait pas de corps. Puis, au bout de quelques courtes secondes elle se sentit aspirée par une force et vit un tunnel d'une blancheur nacrée. Un flot de bien être, d'amour et de bonheur la combla alors immédiatement. Elle voyait au bout de ce tunnel son mari. Alors elle comprit. Elle était belle et bien morte mais une deuxième vie s'offrait à elle.

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La déchéance.. Nouvelle Réaliste
Короткий рассказCeci est une rédaction que j'ai fais en français dont je suis particulièrement fière. Bonne Lecture ! (Je précise que j'ai dut m'inspirer du tableau "Sans Asile" de Fernand Pelez)