La première fois que tu le remarques, c'est pour te dire que t'as chaud juste à le regarder.De ton siège, au fond de la classe, dans le coin, t'as pour tout dire la meilleure vue possible de la classe, quoiqu'en fait tu vois tout le monde de dos – sauf le prof, évidemment, mais tu le regardes que si ses courbes sont intéressantes et qu'il est en fait une «elle», c'est-à-dire presque jamais.
Tu vois tout, de là, mais ça t'a jamais vraiment intéressé de regarder. Quand tu viens en cours, les fois où Hoseok se ramène pour t'y forcer ou que tu décides que ça peut pas être pire que de glander dehors sans rien faire, ces fois-là, tu préfères regarder par la fenêtre. T'y vois la cour avant, la porte qui mène vers l'extérieur, vers la ville cent fois plus palpitante que cette putain de salle de classe et tu te demandes toujours quand la cloche va sonner pour te libérer – mais c'est qu'au fond t'es jamais vraiment libre, tu le sais bien, mais cette fausse liberté, c'est mieux que d'être prisonnier d'une salle où t'étouffes.
Donc tes yeux brun, presque noirs, quand t'es en classe, ils regardent toujours vers l'extérieur. C'est comme ça depuis que t'as commencé le lycée, y a même pas un mois – ça te parait tellement plus long que ça. C'est en plein mai et la température est dégueulassement belle, le soleil illumine tellement le ciel aussi bleu que ses vêtements fétiches, que ça te donne envie de tout foutre en l'air. Pourtant, t'es quand même un ado, au fond, t'es un ado normal qui s'excite dès qu'il fait beau, et tu te dis que c'est bien mieux que s'il pleuvait sans cesse.
C'est seulement en mai, mais la température est si haute que tu te demandes si on est pas plutôt en juillet. L'air est lourd, oppressant, et le pire, c'est que c'est encore trop tôt pour que les gens réalisent qu'il serait temps de mettre la clim – ils sont cons, y a pas d'autres explications. Alors tu crèves, dans ta salle de classe, tu sens la sueur descendre sur tes tempes, dans ta nuque jusque dans ton dos, et tu te dis que putain, ça va trop paraître sur ton uniforme blanc – au moins, tu te consoles en te disant que tout le monde est dans le même état que toi.
Ça, c'est avant que ton regard se pose sur lui; mais pour l'instant, tes yeux voient encore que le ciel trop bleu, le soleil trop chaud, et cette envie de liberté si forte qu'elle oppresse ta poitrine. T'as envie de t'en aller, et c'est toujours ça pour chaque jour qui passe et qui se ressemble. Depuis la fin du collège, ou même avant, depuis ce moment-là, t'as envie de t'en aller loin de Séoul, loin de la Corée du Sud (pourquoi pas en Amérique?). T'as envie de tout foutre en l'air, juste pour le principe de tout foutre en l'air, parce qu'au fond, tu sais bien qu'il reste plus rien de ta vie à bousiller.
Ce jour-là, il fait trop chaud, tu crèves, et tu t'emmerdes tellement que tu penses à te lever, envoyer se faire foutre le prof et prendre la porte. Tu te l'imagines pour te faire sentir un peu mieux, pour oublier cette putain de chaleur oppressante, mais tu sais que tu le feras pas. Tu sais pourquoi, aussi, mais t'as pas envie d'y penser sur le moment; pour essayer de te divertir de tes pensées qui tournent en rond, qui t'emmerdes toi-même tellement elles sont déprimantes, tu décides, pour une fois, de regarder qui est dans ta classe.
Ce que tu sais, en tout cas, c'est que Hoseok y est pas – il te l'a répété si souvent, il s'en est plaint tellement que t'as pas pu l'oublier quand bien même t'aurais voulu. C'est pas grave, tu t'en fous un peu, de toute façon il occupe déjà trop ta vie à ton gout. Alors tu regardes ceux qui sont tes camarades de classe, et ils sont tous si normaux que ça en est affligeant. Des garçons et des filles aux cheveux noirs de jais, tu t'imagines leurs yeux tout aussi foncés, concentrés sur ce que dit le prof, t'imagines leurs crayons noter tout ce qu'il dit, même quand c'est pas important, tu les imagines ne se concentrer qu'à essayer de comprendre une matière qui leur servira juste jamais. Ouais, ils sont affreusement normaux, brainwashés par la société – ils pensent déjà au nombre de gosses qu'ils auront plus tard, à l'université qu'ils vont fréquenter, à leur mariage et putain ça te donne envie de gerber de les imaginer s'acheter une maison cent fois trop cher, une auto dont ils se serviront presque pas parce qu'ils travailleront beaucoup trop pour un patron qui va les engueuler dès qu'ils feront une gaffe. Tu penses aux filles, aussi, qui vont se marier et se consacrer à leurs enfants, comme ta mère, tiens, et qui vont regretter d'avoir marié un imbécile qui fait pas de thune ou un homme violent qui aime plus sa bouteille d'alcool que sa famille.
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Tout ce que tu remarques { NamJin
FanfictionPar une journée trop chaude, Namjoon remarque un détail presque sans importance. De fil en aiguille, il en viendra à apprendre malgré lui le secret de Seokjin. // Tout d'abord, je voudrais prévenir que cet écrit n'est pas de moi mais de Kafka Tamura...