1 - De l'art d'acheter un nouvel esclave

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Ce jour là, Aulus et son meilleur ami Micianus se rendirent chez le marchand d'esclaves Gératus qui était très prisé à Rome pour la qualité de ses « produits ».

Aulus avait l'habitude de se procurer des esclaves sans passer par la vente aux enchères. Il s'adressait directement à Gératus. Il savait que ce dernier avait un gros faible pour les beaux et jeunes messieurs de la noblesse romaine et il en profitait de façon éhontée.

" J'ai un arrivage de toute beauté, ils viennent de Germanie. N'est-ce pas ce que tu souhaitais sublime seigneur ? " minauda le marchand avec force courbettes. 

Il s'agissait d'un homme plutôt gras, au visage jovial et à la barbe noire parfaitement taillée. Il avait le teint doré des natifs de la rive sud de la Méditerranée et portait une tunique de soie lumineuse ainsi que de nombreux bijoux précieux.

" C'est très rare d'en recevoir... Il a fallu une petite révolte localisée qui a rapidement été matée par nos valeureuses légions et le marché a de nouveau été alimenté, continua-t-il en faisant signe aux deux jeunes hommes de le suivre. J'ai mis de côté les plus belles pièces pour toi Astre étincelant."

" Je l'espère bien Gératus, ne suis-je pas ton meilleur client ? "

" Oh oui, merveille des merveilles, et aussi le plus beau et le plus généreux. "

" Une générosité qui me coûte cher ! où sont-ils ? "

Le marchand guida les deux jeunes patriciens jusque dans la cour de son établissement. Là, il s'approcha d'une cellule fermée à double tour. A l'intérieur, gisaient à même le sol une demi-douzaine de germains crasseux visiblement épuisés par leur long et terrible voyage jusqu'à Rome. Leurs mines renfrognées se transformèrent en un éclair en peur lorsqu' ils aperçurent le marchand.

" Ce sont là tes plus belles pièces ! " s'effara Aulus visiblement dégoûté par cette vision d'horreur.

" Je suis désolé excellence mais, ils viennent juste d'arriver. Je t'assure qu'après un bon bain... " fit Gératus l'air confus.

Aulus s'approcha plus près de la grille. Tout en étant fortement indisposé par l'odeur, il détailla un à un les barbares.

Derrière un monstre hirsute qui lui montrait ses crocs noircis, il posa son regard sur un jeune adolescent au regard fier. Aulus fit signe au marchand d'un mouvement de tête en direction du jeune germain.

" Toi, au fond, approche ! " ordonna le marchand.

Le garçon se leva, mais l'un des germains s'interposa. « Toi, assis » hurla le marchand en brandissant un bâton dans sa direction. L'homme resta debout masquant son compagnon par sa taille imposante et son impressionnante musculature. 

" Assis ! " cria-t-il de nouveau. "Assis, où je te fais fouetter jusqu'au sang comme l'ignoble bête que tu es ! "  menaça-t-il sur un ton qui fit sursauter tout le monde.

A ces mots, le jeune homme repoussa doucement son protecteur de la main tout en prononçant quelques mots dans sa langue maternelle. L'homme obtempéra et se rassit en grommelant.

Cette scène conforta la première impression d'Aulus. Cet adolescent n'était pas ordinaire. La vision de près renforça encore son avis.

En effet, sous l'épaisse saleté, le visage était fin, les cheveux denses, les dents saines et le corps solide mais élégant. En connaisseur avisé, Aulus hocha plusieurs fois la tête. Il croisa le regard approbateur de son ami et fixa le marchand qui comprit immédiatement que l'affaire était conclue.

Le vendeur d'esclaves appela l'un des gardiens qui ouvrit la porte de la cellule.

Lorsqu'il comprit ce qui allait se passer, le géant se releva brusquement et tira vers lui le jeune homme d'un geste ferme. A ce moment, le gardien le fouetta violemment. Le jeune garçon cria un ordre dans sa langue à l'adresse de son compagnon et ce dernier se ravisa après un moment d'hésitation.

Le jeune germain sortit prestement de la cellule qui fut refermée rapidement par le gardien. Le monstre blond courut immédiatement vers la grille en hurlant quelque chose en langue barbare.

Aulus avait suivi l'altercation d'un air mi-effrayé, mi-amusé.

" Qu'on lui ôte ses vêtements de sauvage et, par tous les dieux, qu'il prenne un bain ! Je ne me vois pas le ramener chez moi dans un tel état : ma mère s'en évanouirait ! " ordonna-t-il de retour dans le bureau du marchand. 

Micianus éclata d'un rire nerveux. Le marchand fit un signe en direction d'un esclave qui emmena le garçon.

" Très bon choix Seigneur...tout sera fait selon ta volonté... "

" Combien ? "

" 10000 sesterces "

" 10000 sesterces ! Mais tu veux ma mort ! " s'offusqua le patricien en ajoutant des gestes à ses paroles.

" C'est un fils de roi ! ...et tu le sais parfaitement, Ô divin Aulus, car tu comprends très bien la langue germaine..." lança le marchand d'esclave plutôt satisfait de sa sortie.  

" Vil voleur, fieffé escroc, rapace aux griffes crochues, je devrais te faire couper la langue pour me montrer aussi peu de respect ! " 

" Mais tu ne feras pas Ô lumière de Rome, car je ne pourrai plus te donner le prix - sacrifié - auquel je vais te laisser ce garçon... " rétorqua mielleusement le marchand tout en s'inclinant avec moult manières des plus exagérées. 

De son côté, Micianus observait la scène comme s'il assistait à une pièce de théâtre. Chacun dans leur rôle, Aulus et Gératus se lançaient dans des palabres sans fin, alternant des mots tantôt fermes, tantôt doux. Il savait qu'Aulus adorait ces marchandages qui lui rappelaient son enfance sur les marchés d'Orient et qu'il ne se privait pas d'en rajouter avec malice. D'une infinie patience avec le jeune homme, le marchand faisait lui aussi traîner les choses ; ce qui lui permettait de passer plus de temps avec ce dernier.

Le compromis final intervint près d'une heure plus tard autour d'un vin de Falerne.

C'est à peu près à cet instant que le jeune germain réapparut dans le bureau du marchand accompagné du serviteur qui l'avait pris en charge. Les trois hommes se tournèrent vers lui et en restèrent bouches bées. Décrassé, le cheveu doré propre et coupé à la mode romaine, habillé simplement d'une courte tunique qui dégageait ses longues jambes fuselées et musclées, le jeune barbare s'était transformé en un être tout simplement lumineux.

Rompant le silence, Micianus lança : 

" Maintenant, si ta mère s'évanouit, ce ne sera plus pour les mêmes raisons ! "

Les trois hommes rirent de bon cœur. Aulus ajouta sur un ton enjoué : 

" Allons-nous en vite avant que Gératus ne me gonfle l'addition ! "

Puis, les trois hommes se saluèrent en souriant.

Le trône divin (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant