Rëva pestait contre les rayons du magasin de chaussures dans lequel sa mère l'avait trainée.
« Tu as besoin de trouver une paire pour le mariage de ta cousine! » avait-elle scandé quand la jeune fille s'était immédiatement braquée à l'annonce de cette nouvelle sortie mère-fille.
Non qu'elle n'appréciait pas le shopping, mais elle n'appréciait pas le fait de faire les boutiques en présence de sa mère. Encore une fois, elle aimait beaucoup sa génitrice, mais question fringues, les deux n'avaient pas du tout les mêmes goûts. Et ça, sa chère maman ne le comprenait pas.
- Y'a jamais rien dans le rayon fille! s'exclama Rëva en levant les bras vers le ciel pour souligner sa perte de patience.
Oui, dans le rayon fille. Parce qu'en chaussant du 35 à seize ans, on était bien forcé de se rabattre sur le rayon des fillettes. Autrement dit, fleurs à gogo, rose flashy, rose pastel, rose bonbon, rose rose et autre déclinaison de cette couleur atroce que Rëva n'appréciait qu'en teinte de vernis. Et encore.
La jeune brunette rassembla ses cheveux en une queue de cheval. Elle l'attacha avec l'élastique rouge qu'elle portait toujours au poignet gauche.
Elle jeta ensuite un coup d'œil dans le rayon des garçons. Tout de suite, ses muscles se détendirent. C'était sobre. Bleu foncé, noir, gris, blanc et quelques tons marrons ou verts. C'était tout ce qu'elle aimait. Pratiquement la totalité des chaussures exposées étaient des baskets ou des tennis. Le reste se résumait à une paire de crocs, deux de sandalettes horribles sur lesquelles Rëva ferma les yeux et une paire de bottines pour fille qui n'avait strictement rien à faire là.
- Pourquoi les mecs ont toujours des chaussures plus belles que les filles? soupira-t-elle, envieuse.
- Ce n'est pas le cas. C'est juste toi qui as des goûts de garçon. lui fit remarquer sa mère.
Sur le coup, Rëva avait juste haussé les épaules avant de reporter son attention sur la paire hideuse de ballerines fuchsia que sa maman lui tendait.
Ce ne fut que le soir venu, juste après avoir éteint sa lampe de chevet et en fermant les yeux que ces mots prirent un sens.
« C'est juste toi qui as des goûts de garçon. »
Rëva secoua la tête. Sa mère avait sûrement tord. Non, elle avait tord. Faux sur toute la ligne. D'accord, la jeune fille n'aimait pas le rose, ni les petites fleurs incrustées dans les sandales pour gamines et alors? Personne n'aimait ça à son âge. C'était normal, non?
Et puis, sa mère et elle n'avaient jamais eu les mêmes goûts.
Rëva était la première à le dire.
Mais alors pourquoi une sensation d'inconfort venait de se glisser en elle?