7 - Celui qu'on attendait pas

448 28 1
                                    

Pendant ce temps, Micianus s'était rendu à un énième banquet. Celui du jour, était donné en l'honneur des troupes victorieuses du général Aétius dont les faits d'armes seraient fêtés en grande pompe le lendemain dans les rues de Rome.

Une bonne partie de la haute société Romaine y était invitée. Micianus était bien entendu de la fête. Ses bons mots régalaient une foule toujours plus avide des derniers potins.

L'invité d'honneur apparut bientôt, une couronne d'olivier sur la tête. Malgré son accoutrement, Micianus le reconnut aussitôt à son allure. C'était le soldat qui avait séduit son ami dans l'après-midi. Celui-ci, était toujours accompagné de son fidèle complice de débauche, dont il croisa le regard effaré. 

A cet instant, affolé par cette vision, Micianus se faufila derrière la rangée de riches romains qui applaudissait le vainqueur des rebelles germains. Il aurait voulu disparaître comme par enchantement ou se faire plus petit qu'une souris.

Après son entrée magistrale, Aétius et son compagnon se murmurèrent quelque chose à l'oreille et ils profitèrent d'un mouvement de foule pour chercher Micianus du regard.

Ils ne mirent pas très longtemps à retrouver le jeune patricien qui n'avait pu se cacher bien longtemps au milieu des invités prestigieux du banquet. Voyant les deux hommes approcher, Micianus reprit sa respiration et lança avec un peu de courage :

« Messieurs...mon général...Gallius Micianus, très honoré de vous co..."

« Gallius ? es-tu le fils de Gallius l'ancien, le sénateur ? » le coupa le général.

"Et, le neveu de Septimus Gallius, le consul de Syrie ? » continua son compagnon.

« Euh, Oui... » bredouilla le jeune homme, horriblement gêné par la situation.

« Par Jupiter ! Et ton ami ? » s'enquit le général avec inquiétude.

« Aulus Marius Julianus... » chuchotta-t-il.

« Le fils...de Marius...Non... » souffla-t-il en croisant le regard atterré de son complice.

« Aétius...où étais-tu ?...oh grand héros...viens près de moi... » Minauda une femme d'un certain âge horriblement peinturlurée. C'était l'épouse du sénateur qui avait organisé le banquet.

Le général, encore troublé par les révélations de Micianus souriait mais, son regard semblait ailleurs pendant que la maîtresse des lieux le couvrait de compliments et l'emmenait vers la salle à manger.

Son compagnon de débauche, tout aussi sonné, était resté quant à lui près de Micianus.

« Vous êtes deux patriciens ! ...et l'autre garçon est un membre de la famille impériale ? Je n'y crois pas ! ...Qu'aviez-vous fait de vos anneaux ? Et ces toges colorées, on aurait dit deux petites garces affranchies en chaleur ! » gronda-t-il visiblement énervé.

« Mais d'où sortez-vous ? C'est la mode à Rome ! Et vous, habillés comme deux simples légionnaires en goguette...Pouvait-on deviner qu'il s'agissait en fait du grand général Aétius et de son aide de camps...euh ? »

« Crassus... »

« Crassus, enchanté de...».

Micianus fut coupé dans son élan par un garçon un peu gras qui l'appelait. C'était Démétrius, à peine remis de ses émotions de la veille et qui n'aurait pas manqué une nouvelle occasion de s'amuser. Heureux de cette situation qui le libérait d'un entretien plutôt gênant, le jeune patricien le rejoignit. Puis, il lui chuchota une bonne blague à l'oreille en désignant Crassus.

Les deux garçons étaient pliés de rire assis l'un près de l'autre lors du banquet. Crassus fut placé non loin de là de telle sorte qu'il pouvait participer aux conversations animées qui ne tardèrent pas à débuter entre les différents convives. Micianus toujours aussi brillant redoublait de bons mots comme à son habitude. De temps à autre, il jetait un coup d'œil discret en direction de Crassus qui ne le lâchait pas de son regard de braise.

Aétius, toujours dans un état second, écoutait d'une oreille distraite les discours de félicitations ininterrompus de la Domina et de son époux.

« Le fils de Marius... Je l'ai connu enfant et maintenant... » Songea-t-il honteux. Quoiqu'aimant la débauche, il n'en était pas moins respectueux des lois qui régissaient la société romaine. Et puis, cette situation lui rappelait de mauvais souvenirs.

Aétius avait été officier dans les légions de Marius. Il l'avait aidé lors de ses conquêtes, jusqu'à ce que ce dernier ne perde la tête, ivre de pouvoir, et ne tente un coup d'état qui échoua provocant sa chute et la dissolution de ses légions. Légitimiste, Aétius n'avait pas voulu le suivre dans son aventure et il s'était retourné contre lui. Il n'était pas pour rien dans l'échec de l'entreprise de son général. Marius se donna la mort après avoir embrassé une dernière fois sa femme Livia et son fils. Ces derniers furent ensuite exilés plusieurs années loin de Rome.

La mère d'Aulus et son fils n'avaient eu la vie sauve qu'en raison de l'affection que leur portait leur parent l'Empereur. En effet, Livia était sa fille adorée.

Après leur retour en grâce à la mort de l'Empereur, la mère et le fils revinrent à Rome où ils retrouvèrent une bonne partie de leurs biens. Livia la mère d'Aulus avait entre-temps épousé en seconde noce un riche sénateur romain. Celui-ci avait eu la bonne idée de mourir peu après en lui laissant une abondante fortune qui en plus de sa dote habilement placée lui permettait de vivre très largement.

La fête fut, néanmoins, mémorable. Ivre, Micianus, peu avant la fin, rejoignit Crassus à qui il avait murmuré d'un air entendu : « Si on allait terminer ce qu'on avait commencé au théâtre, beau soldat. » Visiblement l'aide de camps du général Aétius avait bien moins de scrupules que son supérieur.

Le trône divin (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant