Les jours qui suivirent furent consacrés à moult préparatifs. Outre les allées et venues du tailleur pour l'uniforme d'officier romain d'Aulus et le traitement des différentes affaires à régler avant le départ, la villa ne désemplissait pas.
Yaël profita de cette occasion et de son nouveau statut pour demander plus de liberté. Aulus l'autorisa à se rendre au marché en compagnie de Baltus et de Braxos.
Heureux de cette évolution, le jeune germain en profitait pour essayer de retrouver ses anciens camarades d'infortune mais, en vain.
Un jour, cependant, il croisa un de ses anciens compagnons qui tenait un énorme panier près d'une grosse femme. Il s'approcha discrètement faisant comme s'il allait étudier la marchandise d'un étale. Fixant le regard de son ami qui le reconnut aussitôt malgré son costume romain, il s'approcha de lui et lui parla à voix basse.
« Gert, sais-tu où sont les autres ? »
« Yaël, mon prince...je n'en sais rien. Mais, j'ai cru comprendre qu'ils avaient tous été vendus à un laniste pour participer aux jeux du cirque. ».
Interrompu par la grosse femme qui le rabroua énergiquement pour sa lenteur, le germain s'éloigna en lui adressant un petit signe d'adieu de la main.
De retour à la villa, sur les conseils de Baltus, Yaël décida d'entreprendre Magnus sur ce sujet. Il espérait une solidarité germaine en dépit de leurs tribus d'origine autrefois ennemies.
« Magnus, puis-je te poser une question ? »
« Oui...mais rapidement, j'ai à faire... »
« Puis-je savoir ce que sont devenus mes compagnons ? J'ai revu l'un d'entre eux ce matin au marché. Il m'a dit que tous les autres avaient été vendus à un laniste. »
« Que t'importe tes compagnons d'infortune. Ils sont morts pour toi et s'ils ont été vendus à un laniste, ils le sont peut-être aussi réellement... » Fit-il d'un ton cynique.
« Magnus, c'est important pour moi. Je te le demande comme un prince germain à un autre prince germain. La première fois que tu m'as vu, tu m'as dit de ne pas oublier qui j'étais.»
« Oui, mais je t'ai aussi dit d'oublier d'où tu venais et tes amis en faisaient parti. Ne cherche pas, Yaël. Cela ne te fera que souffrir.»
« Je t'en supplie... » s'étrangla Yaël.
« Un prince germain ne supplie pas !» Asséna-t-il. Mais en croisant les yeux brillants du jeune homme, il conclut : « D'accord. Je vais me renseigner, mais je ne te promets rien !!! »
« Oh merci Magnus ! » Tout à sa joie, le garçon déposa un bref baiser sur la joue de Magnus qui le repoussa fermement : « Pas de ça avec moi !».
« Pardon et encore merci.» s'excusa-t-il, confus, avant de s'éloigner. L'affranchi sourit, attendri par tant d'audace et de fraîcheur juvénile.
Les nouvelles ne se firent pas attendre. Magnus avait retrouvé la trace des compagnons de Yaël. Mais, ils avaient tous été vendus par le laniste pour participer aux prochains jeux qu'avait décidé d'offrir l'empereur durant un mois. Ce dernier voulait fêter ses récentes victoires militaires.
Les germains devaient être, pour la plupart, sacrifiés lors de reconstitutions de batailles mythiques qui se dérouleraient dans les arènes.
Les plus forts, dont Aggart, le géant qui s'était opposé lors de la vente de Yaël, combattraient eux comme gladiateurs.
Yaël demanda la possibilité de revoir ses amis une dernière fois.
Ainsi, après avoir obtenu satisfaction, il accompagna Magnus près du Colisée où les gladiateurs étaient parqués dans des cages en attendant leur tour. En effet, vu le nombre de participants aux jeux, les sous-sols de l'arène ne pouvaient contenir tout le monde.
Parmi les pauvres sacrifiés étrangement calmes, Yaël découvrit Aggart assis par terre, la tête entre ses genoux. Il l'appela par son nom et, ce dernier, croyant à une vision se leva et s'approcha. Il reconnut alors son jeune prince : « Yaël, par tous les dieux ! Mais, qu'es-tu devenu ? ». Il venait de remarquer tout à coup sa tenue colorée et ses bijoux voyants.
« Aggart, je veux que tu vives. Mon maître est riche. Je lui demanderai de te racheter et nous serons de nouveau réunis.».
« Et qu'est-ce que tu lui feras pour cela ? » hurla-t-il.
« Rien, que je n'aurais voulu !» Répondit-il fermement.
Crachant au sol dans sa direction, Aggart cria : « J'ai honte pour toi. Si ton père était là, il te tuerait de ses propres mains. Moi, je n'ai pas peur de mourir. J'attends la mort comme une délivrance. Va-t-en !»
A ces mots, Aggart fut violemment repoussé par un garde vers le fond de la cage. Assommé par ces paroles, Yaël était devenu blanc comme un linge et il manqua de s'évanouir dans les bras de Magnus.
« Je t'avais bien dit de tout oublier.» lui souffla ce dernier.
Les deux germains restèrent silencieux jusqu'au retour à la villa. Yaël pleura discrètement sous son voile tout le long du trajet. Ce ne fut qu'à l'entrée de la demeure qu'il retrouva une mine faussement réjouie face aux autres esclaves. Magnus songea qu'il était devenu un comédien hors pair.
--------
Quelques jours plus tard, Yaël entendit Micianus raconter à Aulus et à Magnus les exploits d'un colosse germain qui après avoir vaincu tous ses adversaires s'était donné la mort au beau milieu de l'arène. Celui-ci avait rejoint ses ancêtres après avoir appelé ses dieux et craché sa haine de Rome et de son Empereur. Micianus indiqua qu'il lui semblait que c'était la brute qui s'était interposée lors de l'achat de Yaël. Ce dernier, qui avait tout entendu, serra les poings en imaginant la scène et la terrible fin d'Aggart, son ancien garde du corps. A l'écoute de la description du jeune patricien, ce ne pouvait être que lui.
Il s'enfuit vers le patio les larmes aux yeux.
L'ayant vu en train de courir dans l'allée à travers une fenêtre qui donnait dans la cour intérieure, Magnus, se douta qu'il avait tout entendu. Traversant le patio à grandes enjambées, il le rattrapa rapidement. Le trouvant avec un couteau entre les mains, il en déduisit immédiatement où il voulait en venir.
« Aggart est mort mais, toi tu es vivant !»
« Aggart est mort en brave. Je suis la honte de mon peuple... Laisse-moi mourir ! » s'effondra le jeune esclave.
« Aggart est mort inutilement. Ayant battu ses adversaires, il aurait pu survivre aux jeux !»
« Il est mort dans l'honneur !» hurla le jeune germain.
« L'honneur, l'honneur ! C'est bon pour les patriciens romains et ces imbéciles de guerriers barbares ! Ce n'est pas pour nous... Tu dois vivre Yaël ! »
«En espérant quoi ? Qu'un jour le maître daignera m'affranchir sans me libérer pour autant, comme le chien fidèle que tu es devenu Magnus !» Cria Yaël. Il fut interrompu par une violente gifle de la part de Magnus. « Je t'interdis de... »
La frappe magistrale avaient calmé l'hystérie du jeune germain qui fit tomber son couteau à terre avant de s'enfuir vers l'intérieur de la maison.
Ramassant l'arme, Magnus soupira. Accroupi, et fixant la lame, il songea que le garçon n'avait pas tout à fait tort.
Peu après, en se relevant, il croisa le regard venimeux de Mitria qui n'avait rien manqué de l'altercation entre les deux germains.
VOUS LISEZ
Le trône divin (BxB)
Historická literaturaLe trône divin décrit l'irresistible ascension d'un jeune et beau patricien romain. Il devra franchir quantité d'obstacles et procéder à bien des renoncements avant d'atteindre presque malgré lui les sommets de l'Empire. Sa forte attirance pour les...