Adèle, 30 Août 2012

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Il y a bientôt deux semaines que nous sommes rentrés de la maternité. Au début, j'étais soulagée de me retrouver enfin à la maison avec Robin et de ne plus avoir à subir les interruptions incessantes du personnel hospitalier. J'ai beaucoup pleuré pendant les jours qui ont suivi l'accouchement. On attribuait mon état au "baby blues", mais personne ne comprenait que je ne parvenais simplement pas à me remettre du choc de la césarienne en urgence.

J'étais surtout heureuse de rentrer pour retrouver enfin mon autre fils, Abel. Je n'étais pas préparée à ce que j'endure depuis maintenant plusieurs semaines.

Jean n'a pas tenu sa promesse. Je lui en veux. Il a pris trois jours de congés pour me rendre visite à la maternité. Puis il est retourné travailler. Il est absent la journée, et même la nuit quand il est là, je m'occupe seule de Robin, qui se réveille plusieurs fois par nuit. Je suis à bout de forces. Abel voit que je suis épuisée. Il a l'air triste depuis la naissance de son frère.

La tristesse d'Abel est sans doute aussi due à la tension qui règne chez nous. Un malaise s'est installé entre Jean et moi. Nous nous disputons souvent, et pourtant c'est comme si nous ne nous disions rien. Ces derniers temps, j'ai toujours la désagréable sensation que les sujets de nos fréquents désaccords ne sont que des prétextes. Jean semble éprouver une sorte de rancœur plus profonde à mon égard, dont j'ignore la cause. Une fois où nous avons essayé de sortir au restaurant avec les enfants, à peine étions nous assis que Robin s'est mis à hurler sans que ni moi ni son père ne puissions le calmer. Je me suis rendu compte que j'avais oublié d'emporter un biberon. Jean me l'a immédiatement reproché :

– Mais enfin, Adèle ! Où avais-tu la tête ? On sort déjeuner au restaurant et tu ne te dis pas que Robin aussi va peut-être avoir faim ?

– Je suis désolée.

– Tu es complètement irresponsable, on ne peut pas se permettre d'être négligente quand on élève un enfant.

– Je fais du mieux que je peux, je ne dors pas la nuit, tu pourrais être un peu plus compréhensif.

– Moi je travaille la nuit, je te rappelle que je ne dors pas beaucoup plus que toi.

– Tu aurais pu y penser toi aussi, je ne suis pas le seul parent.

– Tu as raison, maintenant que je sais que je ne peux pas compter sur toi, la prochaine fois, je prendrai mes dispositions.

Ce vif échange s'est prolongé plusieurs minutes, pendant que Robin continuait de pleurer dans sa poussette, et qu'Abel nous observait, inquiet. Tous les clients du restaurant me dévisageaient, comme si j'étais une mauvaise mère. J'étais blessée par les paroles de mon mari, et je ne parvenais pas à m'expliquer sa réaction. Il y avait un décalage entre ce qu'il me reprochait et le choix de ses mots. Tout ça parce que j'avais oublié d'emporter un biberon ? J'étais usée par toutes ces disputes et je me demandais si finalement je n'avais pas commis une erreur en souhaitant ce second enfant.


L'autre filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant