Chapitre 4

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   Durant les jours qui suivirent, Blandine réfléchit beaucoup aux paroles qu'avaient prononcées Gaston. Elle se demandait si elle allait jamais réussir à trouver son âme-sœur et passait des heures à observer attentivement les villageois depuis sa colline. Elle espérait que celui qui lui était destiné allait finir par montrer le bout de son nez. Mais personne ne semblait sortir du lot.

   Même Gaston ne se montrait plus. Blandine finit par se rendre compte que, finalement, c'était ce deuxième fait qui la dérangeait le plus. Gaston était le seul qui voulait bien lui tenir compagnie alors que tous les villageois la fuyaient. Il n'était pas comme les autres. Il était différent.

   La révélation la frappa de plein fouet. A première vue, c'était le hasard qui avait mené le jeune homme jusqu'à elle. Et si, en réalité, c'était le destin ? Si Gaston était en fait son âme sœur ?

   Elle trouva d'abord l'idée stupide et que Gaston ne voyait certainement pas les choses de cette façon. Puis elle se dit qu'elle n'en savait pas tellement sur lui. Se comportait-il aussi gentiment avec tout le monde ou était-elle une exception ? Peut-être aussi avait-il déjà une femme dans sa vie. Blandine décida donc d'aller au village pour collecter plus d'informations.



   Les gens ne faisaient même pas attention à elle. Non pas qu'ils n'avaient plus peur de la dite sorcière, c'est seulement que la plupart ignoraient complètement à quoi elle pouvait bien ressembler. La jeune femme se dirigea donc en toute inconscience chez le fermier que sa mère connaissait si bien.

« C'est amusant, fit-il remarquer quand elle lui parla de Gaston. Il m'a demandé exact'ment la même chose à ton propos l'aut' jour.

— Vous le connaissez donc ?

— J'avais d'jà entendu parler d'lui avant. Il est très connu et apprécié dans l'village voisin. Même ici il sembl' avoir du succès auprès des paysans qui d'mandent de ses services. Et surtout d'leurs filles ! Il faut dire qu'c'est un charmant jeun' homme ! Je n'lui ai pas parlé très longtemps mais ça m'a suffi pour m'rendre compte que c'tait un type honnête et pas un coureur d'jupons. À vrai dire, si ma p'tite fille ne m'l'avait pas fait r'marquer, j'n'aurais jamais d'viné qu'c'tait le fameux Gaston.

— Je ne savais pas qu'il était aussi réputé... Vous avez dit qu'il habitait à Belleville ?

— C't'exact. Mais j'en sais pas plus. »

   Blandine resta pensive un instant alors qu'elle revoyait sa théorie.

« Vous croyez en l'âme sœur ? questionna-t-elle le vieux fermier.

— Ma foi, j'sais pas très bien quoi vous répondre. Pourquoi c'te question ?

— Je ne sais pas comment repérer la mienne.

— Ah, ça... P'tite, laisse-moi t'dire une chose : ton âme sœur s'ra c'lui qui f'ra battre ton cœur plus fort qu'n'importe qui. Ah oui, c'est comm'ça l'amour.

— Mon cœur ? répéta-t-elle crédulement. »

   Elle comprenait désormais pourquoi Gaston lui avait dit d'écouter son cœur. Elle vint alors déposer sa main sur sa poitrine et se concentra pour repérer les battements de son cœur sous le regard amusé du fermier. Cependant, celui-ci ne tarda pas à se détourner de la jeune fille. Le vacarme causé par un petit regroupement à quelques pas de là attira son attention.

   Blandine finit elle aussi par s'en rendre compte et leva juste à temps le regard pour voir s'avancer vers elle le seul et unique Gaston. Elle se figea et, alors qu'il lui offrit un aimable sourire, elle sentit des battements rapides et puissants contre sa poitrine.

   Gaston salua d'abord le vieux paysan puis se tourna vers Blandine.

« Je vois que vous êtes sortie de votre repère, dit-il à l'attention de la jeune femme. C'est une bonne chose. »

Blandine fut incapable de bouger ou dire quoi que ce soit face à la révélation qui venait de la frapper.

« Que faîtes-vous ? demanda-t-il soudain en remarquant la main qu'elle tenait toujours contre son cœur.

— Rien, bégaya-t-elle en la retirant. »

   Elle ne comprenait pas pourquoi tout d'un coup elle se sentait si honteuse. Pourtant, elle avait toujours su ce qu'elle dirait à son âme sœur quand elle l'aurait trouvé. Mais les mots lui échappaient désormais.

   Heureusement, il lui suffit de penser à ses parents et à leur histoire pour savoir quoi faire.



   Blandine acheta au fermier quelques œufs et du lait. Puis, après l'avoir remercié chaleureusement, elle se mit en route vers son sanctuaire. Intrigué, Gaston la suivit.

« Vous n'allez tout de même pas vous remettre à faire ce fichu gâteau parfait ? s'inquiéta-t-il.

— Si. J'ai enfin trouvé à qui l'offrir. »

   Surpris, Gaston resta étrangement silencieux mais Blandine était bien trop obnubilée par son objectif pour le remarquer. Bien décidée à réussir son gâteau et désirant en faire la surprise au jeune homme, elle ne l'autorisa pas à rentrer avec elle dans la cuisine. En vérité, il n'entra pas dans la demeure du tout. Ils se quittèrent sur le pas de la porte et Gaston repartit les mains dans les poches.

   En marchant en direction de Belleville, Gaston ne fit que se blâmer. Il avait été enchanté à l'idée de rendre visite à Blandine mais maintenant son moral était au plus bas. Il savait bien qu'il se devait d'être heureux pour Blandine. Cependant, une partie de lui refusait d'admettre qu'un inconnu vienne s'immiscer dans la vie de la belle.

   Oui, il était déçu et jaloux. Déçu de ne pas être celui qu'elle avait choisi et jaloux de cet autre. Gaston était déçu et jaloux car il était amoureux. Il n'avait pas peur de se l'avouer. Blandine était si différente des autres femmes. Elle représentait tout ce à quoi il aspirait, cette petite fille sans complexe qui jouait purement et simplement dans la boue.

   Gaston soupira. Il était déjà arrivé chez lui sans même le remarquer. La maison était vide. Il traîna des pieds jusqu'à son lit et se laissa tomber dessus. Il resta là sans bouger un long moment, son esprit se perdant dans quelques fantaisies. 

Le gâteau parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant