Rapprochement

16 1 2
                                    




An 2016

Dehors, alors que la nuit est tombée, le ciel est comme de l'encre, qui couvre doucement le blanc de l'espoir du jour. La lune illumine les rares personnes encore dehors et les vrombissements doucereux des voitures pressées tiennent éveillé le peu de vie qu'il reste dans les rues des quartiers huppés. Au loin, de la musique retentit ainsi que des cris de joie et des éclats de rires. Il doit y avoir une fête. Ici, par contre, tout le monde dort. Sauf moi, naturellement. Je suis bien trop occupée à penser à ce que Viviane m'a dit tout à l'heure pour me reposer.

Emery, un briseur de coeur ? Non, je ne crois pas il est bien trop charmant pour cela. En plus, il est cultivé, même très cultivé pour un garçon de notre âge. J'ai même discuté d'art avec lui, nous savons parlé de Vincent Rallo, le meilleur peintre paysagiste que je connaisse, de Travis Wall qui est sans doute le meilleur danseur de l'univers, de Pierre de Ronsard, le célèbre poète et bien entendu, de Shakespeare, ce maître des mots, ce créateur de sentiments. J'ai pleins d'intérêts communs a Emery, nous aimons les sports tous les deux, les arts et on adore la musique ! Alors même s'il aurait brisé des coeurs, je suis sûre que nous sommes des âmes soeurs.

« Je n'aime véritablement que peu de gens et en estime moins encore. Plus je connais le monde et moins j'en suis satisfaite. Chaque jour appuie ma conviction de l'inconséquence de tous les hommes et du peu de confiance qu'on peut accorder aux apparences du mérite et du bon sens. » Orgueil et préjugés, Jane Austen.

J'ai toujours aimé cette citation, je m'y identifie beaucoup et Viviane le sait. C'est pourquoi je ne comprends guère pourquoi elle me met en garde contre Emery. Elle devrait avoir conscience que je ne me laisserai point berner pas un piètre briseur de coeurs. Du moins, je vais d'abord évaluer s'il est suffisamment digne pour que je lui laisse la chance de détromper les durs propos de ma meilleure amie.

Des bruits de pas se font entendre dans le couloir. Étant curieuse, je me lève pour aller voir qui est le mystérieux noctambule qui comme moi, ne dort pas. Lorsque je sors dans le couloir faiblement éclairé par une petite veilleuse fixée dans le bas du mur de gauche, je vois une silhouette encapuchonnée descendre les escaliers. Attendant d'entendre la porte d'entrée s'ouvrir, je descend à mon tour jusqu'au rez-de-chaussée, en catimini. Le sombre noctambule se dirige vers le bois à la droite de la maison de Viviane. Attrapant mon chandail à capuchon des Avengers, je me précipite discrètement derrière le mystérieux être.

Je continue à le suivre jusqu'à ce qu'il s'arrête près d'une grande chute d'eau. On entend le violant clapotis des remous de l'eau qui frappent contre les roches bordant le bas de la chute. L'eau est claire et scintille doucement sous la lumerotte de la lune d'été qui est haute dans le ciel et que l'on peut observer au travers du feuillage touffu des nombreuses branches des arbres en fleurs. Le paysage est magique.

Reportant mon regard sur l'endroit où était le sinistre personnage, je m'aperçois que celui-ci n'y est plus. Une branche craque quasi-imperceptiblement et une main puissante empêche le cri qui s'était formé dans ma gorge de résonner alors qu'une autre main me tire vers l'arrière contre le torse robuste d'un homme. Une délicieuse odeur de jasmin me chatouille les narines alors qu'une voix posée, sensuelle et réconfortante me susurre à l'oreille:

-Espèce de folle ! Pourquoi m'as-tu suivi ? Si j'avais été un assassin, tu serais déjà morte !

En entendant le ton moqueur, mais calme d'Emery, tous les muscle de mon corps se relâchent. J'ai encore les mains moites et la respiration courte, mais je sais que je ne suis pas en péril. Me dégageant vivement de l'emprise d'Emery, je me tourne vers lui et lui déclare fortement:

-Toi ! Tu m'as fait une de ces peurs ! Je croyais que tu étais un cambrioleur ou quelque chose de semblable. Que fais-tu ici ?

Emery me dévisage quelques instants puis un sourire moqueur s'installe sur son visage.

-Allez, réponds !

L'expression d'Emery change alors. Il semble indigné, du moins son ton de voix l'est, lorsqu'il me dit qu'il devrait être celui qui me pose une telle question puisque c'est moi qui le suivait et non lui. Ne me laissant point le temps de répondre, Emery enchaîne sur un ton distrait et lunatique:

-Bien sûr, tu étais curieuse... Mais personne ne t'a donc appris que la curiosité est un bien mauvais défaut ?

Alors que je commence à protester comme quoi la curiosité est au contraire une très belle qualité, Emery se met à parler par-dessus ma vigoureuse tirade, malgré ses habituelles manière de gentlemen et m'invite à m'assoir à ses côtés sur une grosse roche argentée et poreuse, pour que nous profitions de la nature ensemble. Prise au dépourvue, je m'exécute et devient incrédule lorsqu'il me demande, sans lien avec notre plus récente conversation, de lui dire l'une de mes citations favorites de William Shakespeare. Tombant des nues, je lui récite la première chose qui me vient à l'esprit, soit une citation de Macbeth:

-La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur qui s'agite et parade une heure, sur la scène, puis on ne l'entend plus. C'est un récit plein de bruit, de fureur, qu'un idiot raconte et qui n'a pas de sens.

Une lueur s'allume dans les yeux d'Emery lorsqu'il me dit qu'il a toujours trouvé ce passage particulièrement puissant et réaliste, bien que la traduction française est moins colorée que l'originale. Puis un grand sourire s'étire sur ses lèvres alors qu'il me dit sa citation favorite, une citation d'Un songe d'une nuit d'été:

-"Il ne suffit pas de parler, il faut parler juste." Sky, toi, tu ne te contentes pas de babiller, tu réfléchis, tu analyse, puis tu parles. Tu pèse tes mots et les choisis avec soin. C'est une des choses que j'adore chez toi.

Il est si craquant présentement, surtout avec ses yeux envoutant, son petit sourire charmeur et ses cheveux rebelles qui vont dans tous les sens. Alors que je me penche vers lui, je murmure une citation de Twilight:

-"Tu es comme une drogue pour moi, c'est comme si tu étais ma propre marque d'héroïne."

Mes lèvres sont à quelques centimètres des siennes, son regard est plongé dans le mien alors que j'attend son approbation pour terminer mon geste. Mué par un élan surnaturel, je plaque ma bouche sur ses lèvres douces et bien dessinée alors qu'il passe sa main dans mes cheveux en bataille. Ce moment est féérique, avec le paysage, mon premier baiser est encore mieux que tout ce que j'aurais pu m'imaginer. Je suis réellement en train d'embrasser Emery Chase !

Je me demande ce que Viviane va dire de tout ça...

Viatortem -en pause-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant