-Marc, il faut qu'on parle.
A ces mots, le sang de Marc se glaça. Une semaine environ s'était écoulée depuis leur premier baiser avec Emma, cela lui sembla tellement proche. Trop proche. Il savait de quoi sa mère allait lui parler. "Laissez-nous encore un peu de temps, s'il vous plaît..." pensa-t-il. Ils n'avaient pas profité de leur relation, et voilà qu'ils allaient devoir arrêter. "Non, se dit-il, je ne me laisserai pas faire. Pas cette fois."
-Marc ! gronda son père.
"Pas lui."
Malgré sa peur Marc rentra dans la cuisine où l'attendaient ses parents. La rousseur de sa mère contrastait étrangement avec la pièce entièrement blanche. La blondeur de son père, apportait elle un aspect maladif à l'espace terne. Aucun des deux ne souriait, et Marc sentit peser sur toute sa conscience une tension qui l'étouffa. Sans un bruit, il s'assit en face d'eux et les regarda droit dans les yeux.
-Je vous écoute.
-Nous sommes au courant que tu entretiens une relation avec Emma, commença sa mère.
-Tant mieux, j'en avais assez de vous mentir, répondit-il.
-Tu sais que tu n'as pas le droit, répliqua-t-elle.
-Je n'en ai rien à faire. Je l'aime et...
Son père jusque-là silencieux explosa :
-Tu l'aimes ?!! Tu ne sais même pas ce que c'est l'amour. Ca n'existe pas pour nous l'amour ! Ce n'est qu'une illusion, Marc, tu n'as aucun repère auquel te fier à ce sujet, alors arrête de raconter n'importe quoi !
-Non. Je l'aime, je sais que je l'aime. Je sais que c'est ça. Tu m'entends, je l'aime, je le répète, je le hurle si besoin, mais comprends que je l'aime ! Tu ne peux pas m'enlever cette certitude. Tu peux lire dans mes pensées si tu veux, tu y trouveras la preuve de mon amour pour elle.
Son père le regarda longuement, Marc se sentit analysé, profondément. Il ne bloqua pas son esprit, il montra à son père que tout ce qu'il venait de dire était vrai. Il voulait lui prouver qu'il était amoureux, et pour cela il fit resurgir tous les instants qu'il avait passé avec elle. Après quelques minutes d'intense réflexion son père ouvrit enfin la bouche.
-Tu as raison, tu es amoureux.
Marc se sentit immédiatement soulagé.
-C'est une certitude, une vérité qu'on ne peut nier. Néanmoins, comme toutes les vérités, elle peut être occultée. Alors, mon fils, c'est ce que tu vas faire. Tu vas cacher tes sentiments pour elle. Tu vas arrêter de la voir, de lui parler. Tu vas aller lui expliquer que c'est fini entre vous, que tu t'es trompé sur ce que tu ressentais, ou je ne sais quelle excuse que tu vas bien trouver. Tu vas la faire sortir de ta vie.
Le garçon eut l'impression d'avoir été frappé au ventre, il suffoqua quelques instants, déstabilisé par les paroles de son père.
-Par...pardon ? Tu veux que je rompe avec elle ? Pourquoi est-ce que je ferai ça ?! Je viens de te dire que j'étais amoureux d'elle !
-Pourquoi ? Parce que c'est ton devoir Marc. Et tu as déjà failli deux fois.
Antoine fit glisser vers Marc un document. Un document que le jeune homme connaissait bien, qu'il devait signer chaque année sous l'œil attentif des Agents, et qui, aujourd'hui, le poussait à trahir son cœur. Le Pacte des UnLovers.
-Règle numéro une : "Je dois garder mon identité secrète ; en aucun cas je ne dois la divulguer à une personne dite "normale", et cela pour mon bien ainsi que pour celui de la minorité que je représente." lit le père de Marc. Continuons... Règle numéro deux : "Je ne dois, qu'importe la raison, m'engager dans une relation non autorisée par le Gouvernement, que ce soit avec un Unlover ou avec une personne dite "normale".
Son père leva les yeux du papier officiel et regarda Marc. Il le tenait, il le savait et il prenait un certain plaisir à le voir se briser devant lui.
-Les deux règles, les deux plus importantes, tu les a bafouées. Tu sais ce que tu risques ? Ce qu'elle risque ? La mort, pour tous les deux. Et si tu penses que ta soudaine poussée d'émotions va les émouvoir, tu te trompes. Là-haut, rien n'est plus important que leur secret, une amourette de gamins ne représente donc rien, et ils se feront une joie de faire disparaître deux guignols qui ne pensent qu'à eux. Ce ne sera pas la première fois d'ailleurs. Je vois très bien comment ça va se passer.
Une lueur malsaine brillait dans son regard et sa voix commençait à trembler d'excitation.
-Ils enverront un fourgon de GA qui débarqueront au milieu de la nuit. Ils feront irruption dans la maison. Nous serons dans la cuisine, avec ta mère, et ils nous montrerons ton mandat d'arrêt. Je leur indiquerai où se trouve ta chambre et ils monteront te chercher. Toi, dès que la voiture se sera garée dans l'allée tu auras compris qu'ils venaient te faire payer tes conneries. Tu commenceras à regretter tous les risques encourus pour cette simple fille. Tu vas paniquer, tu vas vouloir t'enfuir. Tu vas devenir fou. Ils pousseront ta porte. Tu hurleras ! Ils t'attraperont. Tu essayeras de te débattre, ils te frapperont. Ils arriveront à t'immobiliser et te passeront les menottes. Ils finiront par descendre et tu nous supplieras de t'aider. Nous ne ferons rien. Rien parce que tout ce que tu subis tu l'auras mérité ! Ils t'emmèneront devant nous qui resterons de marbre, après avoir brûlé toutes tes affaires pour être sûrs qu'il ne reste aucune trace de toi.
Antoine jubilait et Marc pouvait voir les images dans sa tête. Il était haletant, euphorique de raconter l'arrestation de son fils.
-Voilà ce qui va arriver Marc si tu ne fais pas ce que je t'ai dit. Si tu ne romps pas avec Emma je n'hésiterai pas à te dénoncer au Gouvernement. Je crois que ta décision est simple à prendre, non ?
-Tu ne ferais pas ça... dit Marc en serrant les dents.
-Pourquoi est-ce que je ne le ferai pas ? Dis-moi qu'est-ce qui me retient.
-Je suis ton fils... Tu ne peux pas être cruel à ce point !
-Fils... Ha ! Ca ne signifie rien pour nous ! Tu sais très bien que les liens du sang sont imposés par le Gouvernement qui nous oblige à nous marier avec une personne choisie par leurs soins et avec laquelle nous devons faire un nombre demandé d'enfants. La famille ne représente qu'une obligation, un devoir des UnLovers. Et jamais, il n'est demandé de l'aimer. De toute façon, comment le pourrait-t-on, ricana-t-il, je n'ai donc aucune raison de ne pas te dénoncer, surtout si ça m'évite d'avoir des problèmes avec le Gouvernement. Parce que si c'est eux qui le découvrent... c'est toute la famille qu'ils emmènent ! Alors même si moi j'en aurai rien à faire d'envoyer toute ma famille en prison, je sais que toi, et tes nobles sentiments, ne le pourront pas. Alors pense à ta mère, à ta sœur, même à moi si tu veux, et prends la bonne décision.
Marc regarda son père. Jamais il n'avait ressenti une émotion aussi intense en dehors du jour où il avait embrassé Emma. La haine le transperçait de toute part, le faisait bouillir. Il aurait voulu se jeter sur son père, le frapper jusqu'à la mort, cela ne lui ferait rien, il le savait. Mais il savait aussi que cela n'arrangerait en rien sa situation : il devrait faire un rapport sur sa mort, et même s'il s'enfuyait, le Gouvernement le rattraperait et lui ferait payer ses crimes. Et s'il le frappait, même sans le tuer, son père se vengerait en le dénonçant. Il se retrouvait piégé par l'homme qui l'avait élevé. Il ouvrit la bouche pour essayer d'évacuer toute la colère. Il fallait qu'il chasse les pensées qui venaient de lui traversé l'esprit, qu'il oublie ce que son père venait de dire. Il pensa à Emma, mais cela fut trop douloureux. Il ne pouvait rompre avec elle, faire comme si de rien n'était. Il lui avait fait promettre de ne jamais douter de lui et il allait la décevoir. Il allait faire de la plus grande crainte d'Emma une réalité, et cela il ne pouvait l'imaginer. Il trouverait un compromis : jamais il ne lui ferait de mal.
Il vida son esprit, leva la tête et regarda son père droit dans les yeux :
-Demain. Demain j'irai la voir.
"Jamais je ne lui ferais de mal". C'était sa nouvelle promesse.
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UnLovers
RandomCela fait quatre ans qu'Emma est amoureuse de Marc et ce dernier ne semble pas partager ses sentiments. Mais est-ce parce qu'il ne veut pas ou parce qu'il ne peut pas ? Echec après échec, Emma se rend compte que quelque chose cloche chez lui et se m...