43. Enfin!

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Non ! Je ne pouvais pas être si proche de le revoir et qu'à présent ce soit lui qui ne soit plus là... L'angoisse qui ne m'avait pas quitté avant mon arrivée ici, reprit aussitôt.
- Emmène-moi le voir !
- On vient avec vous ! N'est-ce pas David ? s'écria Nadia avec enthousiasme.
- Bien sûr ! répondit-il en m'adressant un sourire.
- Très bien alors, mettons-nous en route, décréta Frank.
Nous nous levâmes pour rejoindre le véhicule. Je pris place à l'avant alors que Frank se mettait derrière le volant.
Pour combler le silence pesant qui s'installait, Nadia partit dans une explication concernant la maison où nous nous rendions. Ils l'avaient achetée voilà seulement quelques années, histoire d'avoir un endroit de repli. Ils ne s'y rendaient que rarement. Le lieu était plutôt agréable selon elle, mais modeste et sans le confort dont ils étaient habitués au manoir. Attentive au début, j'écoutai à présent d'une oreille distraite le babillage de mon amie, mes pensées s'étant dirigées à nouveau vers Noah. Je me sentais tellement responsable de lui avoir fait endurer tout ça. Penser qu'il avait même été jusqu'à se couper de la présence de ses amis à cause de moi me retournait l'estomac... J'avais hâte que l'on se retrouve pour au moins lui enlever le poids de la culpabilité.
Les kilomètres défilaient et la campagne s'étendait sans fin à présent dans une nuit intense. Recroquevillée sur mon siège jusque-là, je me redressai soudain.
- Qu'est-ce qu'il y a, demanda Frank en me jetant un coup d'œil inquiet, quelque chose ne va pas ?
- Au contraire !
Un immense sourire fendit mon visage.
- C'est juste que je commence à ressentir la présence de Noah.
Je me tournai afin de partager ma joie avec Nadia et David.
- C'est quand même pas normal que toi tu puisses ressentir ça et pas nous ! dit la jeune femme en pestant, ce qui lui valut un léger coup de coude de la part de David.
- Aïe ! Tu sais bien que je plaisante, rétorqua cette dernière en lui adressant un regard noir.
Tout le monde éclata de rire et la tension sembla retomber d'un seul coup dans le véhicule. J'avais l'impression de ne plus avoir ressenti une telle sensation de bonheur depuis une éternité. Nous effectuâmes encore un ou deux kilomètres dans une atmosphère beaucoup plus joyeuse jusqu'à ce que le toit de la maison apparaisse au loin. Elle était entourée d'un muret sur tout son pourtour délimitant ainsi une partie plus privée, et finissait sur le devant par un portail en bois. La maison me parut d'emblée assez ancienne avec ses murs de pierres et son toit de chaume. Effectivement, ce n'était pas le manoir, mais après la cabane de la forêt elle me parut le plus bel endroit du monde. Et en voyant la voiture garée le long du muret je ne pus empêcher mon cœur de se serrer et ma bouche de s'assécher.
- J'aimerais finir le reste du chemin à pied si cela ne vous ennuie pas, je dis soudain tout en continuant de fixer la maison qui se trouvait en cet instant à moins de cinq cents mètres.
Frank me lança un regard entendu.
- Bien sûr. On va te déposer et faire demi-tour. Tiens, prends ça.
Il me tendit un téléphone portable que je pris aussitôt.
- Si vous avez un souci au moins vous pourrez nous joindre, me dit-il avec un clin d'œil.
Je lui souris gênée et les remerciai tous les trois pour m'avoir accompagnée jusqu'ici. Je descendis ensuite de voiture en reculant de quelques pas pour laisser à Frank la place nécessaire pour tourner sur l'étroit chemin et les regardai partir.
Il n'y avait aucun bruit aux alentours à part le vrombissement du moteur qui s'éloignait et la nuit était totale à présent dans cet endroit reculé. Nerveuse et fébrile, je sentais toutes les fibres de mon corps qui s'étaient réveillées à la présence de Noah toute proche.
Je m'avançai en direction de la maison, les jambes tremblantes et me figeai au moment où la porte de la maison s'ouvrit. Il avait évidemment entendu la voiture, mais apparemment n'avait pas été pressé de savoir de qui il s'agissait. Il n'avait pas pu sentir ma présence, mais à présent qu'il était dehors, il pouvait me voir et je sus tout de suite qu'il m'avait repérée. Comme s'il n'était pas certain de ce qu'il voyait, il resta dans l'embrasure de la porte sans bouger.
Ne tenant plus, je me mis à courir dans sa direction, mais à quelques mètres de lui, je stoppai net et pris le temps de le détailler pour graver dans ma mémoire ce moment. Ses yeux étaient écarquillés de surprise et il semblait pour l'instant incapable du moindre mouvement. Mal rasé et vêtu d'habits froissés, il donnait l'impression de prendre l'air pour la première fois depuis des jours ! La vision de son mal-être me bouleversa et rajouta encore à ma culpabilité.
Il mit quelques instants à passer de la stupéfaction à la joie intense et même alors, il sembla se contenir comme s'il n'était toujours pas certain que ce qu'il était en train de contempler était bien réel.
- Emma ! dit-il dans un souffle.
Il s'avança alors que je ne bougeais plus et quand il se trouva tout proche il répéta mon nom encore une fois.
- Emma, c'est bien toi ?
Il tendit sa main pour frôler ma joue et la caresser délicatement pour confirmer que ce qu'il était en train de voir n'était pas un rêve. Mon cœur battait si fort qu'il paraissait vouloir sortir de ma poitrine. Il finit par me prendre dans ses bras durant de longues minutes puis s'écarta subitement pour revenir la seconde d'après m'embrasser avec dureté. Par ce baiser il semblait vouloir me punir de sa peine et même s'il était brutal j'y répondis avec force, tout à fait d'accord avec cette sentence ! Puis, il me conduisit à l'intérieur sans me lâcher.
Je ne fis pas gaffe à ce qui m'entourait tellement j'étais focalisée sur lui et sur ses mains qui me parcouraient. Il était à quelques centimètres de moi et sa beauté me coupait littéralement le souffle. La perception de sa présence remplissait chaque pore de ma peau et me redonnait enfin l'impression d'être entière. Une multitude de sensations traversaient mon corps alors que ses yeux magnifiques étaient plongés dans les miens. J'y lisais encore sa tristesse mélangée à un soulagement intense et je me dis qu'ils devaient être le reflet des miens. Puis toujours sans dire un mot je sentis Noah qui me soulevait de terre pour m'enserrer de ses bras puissants et instinctivement je cherchai à me coller plus encore contre lui alors qu'il m'emmenait dans une autre pièce en reprenant possession de ma bouche plus tendrement cette fois.
- j'ai cru devenir fou... me dit-il en m'allongeant sur un lit.
À ces mots, honteuse, je baissai les yeux, mais Noah me souleva aussitôt le menton avec son doigt pour que je le regarde à nouveau.
- Raconte-moi ce qui s'est passé après. La sensation que tu étais en vie s'est arrêtée, pourtant te voilà... j'ai besoin de comprendre.
Oui, il avait besoin de réponses et je devais lui en donner, mais pour l'instant nous avions mieux à faire. J'avais autre chose à lui prouver...

Tout a changé ce jour là!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant