Chocolat au lait

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     -Je vous écoute, mademoiselle, me lança le serveur en souriant.

*flashback*

     -Jade, c'est l'heure de te lever ma belle.

     J'ouvris lentement les yeux. J'avais toujours du mal à me lever le matin. Mais le sourire de Claire quand elle venait me réveiller me donnait tous les jours la force d'aller en cours.

     J'enfilai rapidement mes chaussons et descendis les escaliers à la suite de Claire. Dans la cuisine, mes parents ne relevèrent pas la tête, plongés dans leur journal et leur tasse de café. Je m'assis à la table pour prendre mon petit-déjeuner pendant que Claire attrapait le bol de ma mère pour le laver.

     Comme tous les jours, le petit-déjeuner se passa en silence et quand il fut l'heure pour moi d'aller au lycée, je sorti sans un mot alors que Claire claquait la porte derrière moi.

Quitter cette maison beaucoup trop grande à l'allure beaucoup trop chère me donnait toujours un sentiment de liberté. A chaque fois que je devais traverser le jardin à la pelouse parfaitement tondue, j'avais l'impression que la distance qui me séparait du grand portail se rallongeait à chaque pas.

Et même en arrivant dans la rue, ce sentiment d'oppression ne me quittait pas. Les villas blanches, alignées, toutes plus grandes les unes que les autres me rappelait que j'habitais dans le quartier le plus riche de la ville, où il n'y avait de place que pour l'excellence. Quand je voyais les domestiques sortir les poubelles, avec leur tablier sale et leurs vêtements bas de gamme je pensais à Claire qui avait toujours été là pour moi, alors que mes propres parents me traitaient presque comme une inconnue.

Sur le chemin pour aller au lycée privé où j'étudiais, je me disais que la vie de petite bourgeoise n'était pas pour moi. Je n'étais pas à ma place dans ce bâtiment où chacun voulait être le meilleur.

C'était un bâtiment silencieux où personne n'était ami et où personne ne perturbait le cours. Un établissement parfais aux yeux de certains, mais pas pour moi. L'uniforme que l'on nous obligeait à porter était fait pour que nous n'oubliions pas qu'il n'y avait pas de place pour la personnalité.

     Les cheveux des filles attachés en queue de cheval haute, leur menton relevé et leur démarche assurée leur donnaient un air hautain parfaitement volontaire. Quant aux garçons, leurs cheveux courts savamment coiffés, leur uniforme impeccable et leur langage soutenu ne trompaient personne sur leur milieu social.

     À quinze ans, je ne supportais déjà plus cette vie d'apparence parfaite mais tellement stressante.

     Mais un jour, alors que j'avais désobéis aux règles strictes de mes parents et que je me baladais près d'un quartier populaire, le visage d'un garçon de mon âge attira mon regard.

Je ne pourrais pas dire qu'il était beau, mais son visage joyeux et amical changeait du regard froid et inexpressif des adolescents de mon lycée. Sa peau noire contrastait étonnamment avec les dents parfaitement blanches que laissaient apercevoir ses lèvres entre-ouvertes. À la vue de son jean délavé et de son tee-shirt déchiré, je compris qu'il appartenait à l'une des familles les plus pauvre de la ville.

     Quand il tourna la tête pour me regarder, mon regard resta posé sur lui, comme hypnotisé. Il haussa les sourcils d'un air interrogateur et, voyant que je ne bougeais toujours pas, il s'approcha de moi.

     -Tu n'es pas d'ici, me lança-t-il.

     Sa voix n'était pas agressive, comme celles de tous les lycéens que je fréquentais chaque jour. Elle n'était pas douce non plus, comme celle de Claire. Elle était grave, calme, posée. Cependant, malgré son visage heureux et amical, sa voix trahissait un certain malaise. Une peur étrange dont je ne compris pas la signification. Avait-il peur de moi ?

Journal d'une blondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant