Cet être infâme, malsain et cruel se tient juste devant moi, un bouquet complètement détruit à la main. Ses jambes tremblent et ses yeux sont rougis. Rouge de honte ou de peine, j'espère. Il me dévisage de la tête au pied, comme si je n'étais que le fruit de son imagination. Son regard émeraude s'arrête sur mon pull. Ou plutôt son pull. Celui qu'il m'a donné le jour de notre premier rendez-vous. J'étais heureuse à cette époque, heureuse d'être avec lui. Je le revois encore, sous ce lampadaire. Il faisait bon. J'avais mis ma plus jolie robe, elle était couverte de petites fleurs blanches. Il m'a souvent dit que c'était sa préférée. Lui, portait un pull bleu, légèrement trop grand. Il était tellement beau, il l'est toujours. Il avait également un bouquet à la main. Comme aujourd'hui. Cela semble si loin et si proche à la fois. Je prends le doux tissu sous mes doigts, retrouvant les mêmes sensations que cette nuit-ci. Son corps émane une telle tristesse, mais je ne m'en rends même pas compte. Plus rien ne m'atteint, pas même ses crasses et ses sales coups. C'est lui qui m'a détruit. Je ne suis plus qu'un tas d'os sans âme. Il m'a tout pris, tout volé. C'est trop tard pour s'excuser. Beaucoup trop tard. Je ne me suis même pas rendue compte que des larmes ont coulé sur mes joues. Une, puis deux, puis une fontaine. J'éclate soudainement en sanglot, devant ce garçon qui m'a brisé le cœur. Il lâche violemment son bouquet, laissant les roses fanées s'écraser sur le béton, avant de me prendre dans ses bras. Ses muscles se contractent autour de ma chair. Cette sensation si familière et si agréable me fait encore plus mal. J'essaye de me dégager mais je suis trop faible face à sa carrure de rugbyman. Je finis par m'abandonner dans ses bras.
- Je t'aime Lola, je t'aime tellement. Ne m'abandonne pas.
Ses mots me furent l'effet de centaines de poignards dans ma chair. Ses lèvres chaudes trouvaient milles excuses. Mais les paroles étaient futiles. Il répétait un mot, sans cesse. «Désolé». Puis il déposa soudainement un baiser sur mes lèvres. Sa bouche, sa langue, son haleine m'avait tellement manqué. Et c'est à ce moment-là que j'ai compris. Malgré toutes les saloperies qu'il m'a fait subir, je ne pouvais plus lui résister. Il est la pire des drogues. J'ai tellement besoin de ses lèvres, de son corps pour lutter contre ce démon. J'étais tombé dans son piège et je ne pouvais plus en sortir. Son poison coulait désormais dans mes veines. J'étais à jamais à lui.