Une tornade de sourires

Prologue

   Qui aurait dit que la solitaire que je suis se retrouverait à faire son sac, un billet allé simple pour la Jamaïque? Pas moi c'est sur. La vie est pleine d'imprévisibles, pour moi mes imprévisibles furent Luz et Nell, des prénoms peu commun pour des personnes hors du commun.

   Il y a un an je ne me doutais de rien, je venais d'emménager à Toulouse, le bac en poche. Enfin ravie de quitter mon bled paumé et de vivre enfin à la ville, de me sentir libre et autonome. Inscrite en licence d'histoire, je me laissais le temps pour appréhender la vie, pour savoir ce que je voulais faire et étant passionnée d'histoire je trouvais qu'une année en histoire n'était pas une année perdue. Rien ne m'avais annoncé que je rencontrerais deux énergumènes qui m'amèneraient à l'autre bout du monde. Cette rencontre eut lieu deux mois après la rentrée à l'université, je me trouvais à la bibliothèque. De fil en aiguille en faisant des recherches pour une dissertation sans grande importance je me suis retrouvée plongé dans un livre sur la Jamaïque particulièrement sur un récit d'une mission humanitaire. Quand des paroles me sortirent de la rêverie où j'avais plongé.

- Voila la nana qui nous faut! Nell rapplique!

Je sors la tête de mon bouquin, mes yeux lançant des éclairs croisent le regard noisette d'un jeune rasta, à l'air plutôt sympathique.

- On est pas pote il me semble, je lui lance avec mauvaise foi.

- Que pasa? lui demande une jeune fille en s'approchant, me dit pas que t'enquiquine une inconnue? rajoute-t-elle, en me regardant.

- Je fais connaissance, en se tournant vers moi il ajoute, je voulais pas te froisser, désolée.

Ayant observé leur échanges et leurs regards espiègles, mon amour propre est retourné dans sa tanière et un sourire m'échappe. Je décide de lui répondre.

- Pas de soucis, l'impolitesse n'est pas incurable, tu n'est pas condamné!

- C'est que t'as du répondant, ça lui apprendra, moi c'est Nell et le malpoli c'est Luz. Il est pas méchant, c'est juste un garçon.

- C'est quoi ce sexisme?

- Je ne fais qu'énoncer la simple vérité.

Nell m'adresse un clin d'œil au même moment où Luz m'adresse un regard de chien battu. La je ne peux retenir un grand éclat de rire, ils ne tardent à me rejoindre. C'est plié en deux que l'on quitte la bibliothèque suite au regard noir de la documentaliste.

   C'est ainsi que je fus emportée par la tornade que formait leur duo qui s'est rapidement transformé en trio inséparable et complice.  

Et me voilà en train de boucler les derniers préparatifs avant de quitter le pays où j'ai grandi pour une durée indéterminée. J'ai déjà vendu ou donné tout objets non indispensables et non transportables, sauf mes livres que j'ai laissé à ma soeur. Il ne me reste plus que le contenu d'un sac de randonnée contenant quelque fringues, un nécessaire de toilette et de premier secours ainsi que mon sac de couchage. Pour le reste j'aviserais sur place. Je viens de terminer le ménage de mon appart, complètement désertique, je vérifie que je n'ai rien oublié et que les volets sont bien fermé. J'ai rendez vous à vingt heure avec Nell et Luz dans notre restaurant préféré, histoire de passer une dernière soirée agréable en France devant de la bouffe... japonaise.
Je sors enfin de ce qui fut pendant un an mon chez moi vraiment petit, un brin de nostalgie pointe le bout de son nez quand je tourne la clé. Des souvenir refont surface, Nell et moi affalées sur le canapé devant un bon film de Tarentino ou Tony Gatlif, Luz qui essaie sans succès de faire des crêpes. Quelle idée de partir à l'autre bout du monde, je sais pas dans quoi on s'embarque et la tout de suite j'appréhende un peu la suite des événements.
Arrivée en bas, comme prévu, je remets mes clés à la concierge acariâtre et quitte cet immeuble.
Vu l'heure j'ai de la marge, je décide de rejoindre le restau à pieds pour m'imprégner de l'ambiance que j'aime tant propre à Toulouse.