Chapitre 2 - Faustine

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Ça n'a duré qu'une seconde.

Deux yeux gris qui me pénètrent avec une telle intensité que mon cœur s'arrête.

Un murmure, mon prénom, à peine audible, qui me transporte vers des souvenirs lointains.

Au milieu du chaos et de l'agitation qui s'installent, je ne vois rien d'autre que lui. Et pendant une seconde, je me souviens.

Mais soudain, on me pousse hors de la scène sans ménagement, et je m'étale de tout mon long sur l'herbe humide. La chute réveille chacune des douleurs qu'a subies mon corps ces derniers jours. Me rappelle la fatigue et la lassitude de vivre que j'éprouve. Je n'ai pas la volonté de me lever.

Un regard en arrière me coupe le souffle. Des dizaines de journalistes escaladent la scène et se dirigent vers les appareils, tels des bêtes sauvages. Des gardes tentent de les en empêcher, mais les importuns envahissent les planches par vagues, affluant par dizaine, puis par vingtaine, trop vite pour que les gardes puissent repousser les envahisseurs. Certains d'entre eux atteignent les équipements et commencent à les détruire.

Les écrans sont jetés au sol, puis cassés par des coups secs du talon. Les ordinateurs sont renversés et les pièces s'éparpillent au sol sous la violence du choc. Même le fauteuil blanc subit l'assaut des casseurs.

Mais rapidement, les soldats de la Milice les rejoignent sur l'estrade et tirent des balles dans l'assemblée, sans même prendre le temps de dissocier les hommes des femmes. Les corps s'effondrent au sol, gémissant, suppliant, hurlant. Je cligne des yeux plusieurs fois, espérant chasser la vision d'horreur qui s'offre à mes yeux.

Soudain, une main se pose sur mon coude et m'aide à me relever. La jeune femme brune qui m'accompagne partout me sourit, pour m'encourager à bouger. Je m'apprête à la suivre quand je remarque, derrière elle, le jeune homme brun dont la photo s'était affichée à côté de la mienne. La panique doit envahir mon visage car la jeune femme ressert son étreinte sur mon poignet, comme pour m'empêcher de fuir.

-Je dois vous mettre en sécurité, m'explique-t-elle d'une voix douce. Tous les deux.

-Non.

Je pensais que cette phrase venait de moi, mais c'est le jeune homme derrière elle qui vient de refuser. Mes sentiments à son égard sont contradictoires. Mais je suis entièrement d'accord avec lui. Je n'aurais pas l'impression d'être en sécurité avec lui. Je veux juste retourner au chaud et à l'abri. Je veux juste pouvoir manger un peu et qu'on me laisse dormir.

-Ce n'est pas une option, précise la jeune femme. Vous allez venir tous les deux avec moi, et on va vous sortir de cette pagaille.

-Je ne m'associerais pas avec elle, crache-t-il en me désignant. Ce n'est pas du tout comme ça que ça devait se passer. J'ai été trahi et j'exige de voir le gouverneur.

-Tu n'es pas en position d'exiger quoique ce soit, réplique la jeune femme sans desserrer son étreinte sur moi. Ne m'oblige pas à t'emmener de force.

Il émet un rire guttural qui me donne la chair de poule et me pousse à fuir.

-Essaie pour voir, la provoque-t-il en croisant les bras sur sa poitrine musclée. Tu ne peux pas m'obliger à vous suivre. Vous ne pouvez pas m'obliger à rester avec elle. Ce n'est pas ma Partenaire.

-Clairement pas, renchérit une voix derrière moi.

Cette voix.

Je me retourne si vite que la tête me tourne et qu'une migraine atroce menace de faire exploser mes veines. Mais j'oublie tout dès que mes yeux entrent en contact avec les siens. Il n'est qu'à quelques centimètres de moi, et chacun de mes membres tend vers lui, réclamant avidement son contact.

Même si j'ignore qui il est, mon corps, lui, se souvient.

-Oh Peeter, soupire la jeune femme en le découvrant. Tu ne devrais pas être ici...

-Je prends Faustine avec moi, Myla, dit-il d'un ton qui ne souffre aucune réplique.

Une partie de moi espère que je pourrais partir avec lui. Je tends inconsciemment la main vers lui le jeune, en espérant qu'il m'entraine à sa suite. Mais une autre partie se demande si je connais vraiment cette personne. Si je ne serais pas plus en sécurité en restant avec la jeune femme qui fait toujours ce qu'elle peut pour m'aider. Et puis, elle m'a promis qu'on rentrerait à la maison. Même si je n'ai aucune idée de ce dont elle parle.

-Peeter, fais-moi confiance, reprends calmement la fameuse Myla en relâchant légèrement la pression sur mon poignet. Vous n'arriverez jamais à sortir d'ici en vie.

Elle s'approche légèrement de lui et leur soudaine proximité fait naître en moi un sentiment de malaise, comme si une pierre venait de tomber dans mon estomac. J'entends à peine ce qu'ils se chuchotent.

-J'ai un plan, Peeter.

Sa manie de répéter son prénom et de plonger ses yeux dans les siens me rend folle. Mes oreilles se mettent à siffler et mon cœur cogne contre ma poitrine. Je suffoque à l'idée qu'ils sont peut-être ensemble tous les deux. Lorsque la jeune femme me lâche enfin, j'ai l'impression que je vais m'effondrer ou imploser sans son contact pour me calmer.

-Tu sais que je suis infiltrée. Ne fous pas tout en l'air. Je te promets qu'on va te rendre Faustine saine et sauve...

L'autre homme me prend par le poignet et me tire fortement en arrière, m'empêchant d'entendre la suite. Trop surprise pour parler ou crier, on continue de m'entrainer loin du couple, sans qu'aucun ne se rende compte de ma disparition. L'homme doit me trainer à sa suite mais sa force lui permet de ne pas être ralenti par mon manque de coopération. Quelques secondes plus tard, Peeter se retourne vers moi et nos regards se croisent juste avant que je disparaisse.

L'homme aux cheveux bruns et à la peau doré m'emmène derrière la scène, là où les bruits nous paraissent étouffés. Il se dirige droit vers une voiture blindée aux vitres fumées, et me pousse sans ménagement à l'intérieur.

Alors que je me redresse sur le siège passager et qu'il s'installe au volant, je vois Peeter tourner à l'angle de la scène, pistolet levé vers nous.

Non. Pas vers nous. Vers le conducteur.

J'avais raison de me méfier de l'homme à côté de moi. Mon corps réagit aussi à sa présence, me mettant en garde. Parfois, des bribes de souvenirs me reviennent mais le simple fait d'y penser, de creuser dans ma mémoire, me fait tout de suite oublier ce à quoi je pensais. C'est à devenir cinglé.

Peeter tente de tirer dans le pare-brise, bientôt rejoint par la jeune femme. Mais les balles rebondissent sur le verre et retombent sur le capot avant de glisser sur le sol. J'essaie d'ouvrir ma portière pour me précipiter au dehors, mais elle est fermée à clé. Alors je me tourne vers le jeune homme et tente de le frapper de mes poings.

Le peu d'énergie que j'arrive à insuffler à mes coups m'enrage et m'affaiblit tout autant. Comme si je n'avais plus de force dans mes mains ou mes bras. Impuissante.

-Tiens-toi tranquille imbécile, me hurle l'homme. J'essaie de te sauver la vie.

Je sais qu'il ment. Mais ma rébellion ne sert à rien. Je sais qu'il est temps d'accepter mon sort. Je lance un dernier regard au fameux Peeter qui se précipite vers la voiture en marche. Il tente de casser les vitres avec son arme, mais l'homme accélère et bientôt, le jeune homme n'est plus qu'un vague souvenir, brouillé par les ronronnements du moteur.

- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant