Chapitre 1

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1.

Comme à mon habitude, tous les samedis matins, je courais dans les longues avenues de fins cailloux beiges de Hyde Park. J'écoutais de la musique sur mon MP3 qui se trouvait dans la poche de mon training. Elle arrivait à m'apaiser. Mon cœur suivant la voix douce et calme de la chanteuse, je me laissais bercer par ces paroles pleines de significations. C'était calme et reposant, exactement ce qu'il me fallait en ce moment. J'avais beaucoup à faire pour le lycée alors ce moment de pause me faisait un bien fou, j'avais besoin de me défouler. J'inspirai l'air frais et emplis mes poumons de cet air pur.
Je ne comprenais pas tous ces gens qui pouvaient rester enfermer des heures durant dans leur appartement à regarder sans doute bêtement leurs cours ou zieuter la télé. C'était au-dessus de mes forces. Mes parents ont toujours cru que j'étais hyper-active. Nous n'avions jamais fait les tests, à quoi bon ? Mais j'en doutais. J'avais juste besoin de cette liberté toute simple qu'était le sport.

Je zigzaguais entre les buis verts fraîchement taillés lorsque j'heurtai un monsieur, tout de noir vêtu, veste, chapeau,...
- Désolé ! Je ne vous ai pas fait mal ? lui demandai-je, surprise.
L'homme grogna des paroles inaudibles et repris son chemin. Je trottinais sur l'herbe rase du parc. Après seulement 3 minutes, la vision de l'homme avait déjà disparue, laissant place au tas de papiers qui m'attendait sur mon bureau. Je n'avais aucune envie d'étudier mais je savais qu'il fallait travailler "dur" dans la vie pour avoir ce qu'on voulait. J'ai toujours des bonnes notes. Jamais de points en-dessous de la moyenne. Tous mes amis me dise "d'intellote" mais je n'y crois mot. Après tout, la moitié de la classe a de très beaux points mais personne a l'honneur de cet horrible surnom. Ce n'est pas ma faute si je ne veux pas passer le reste de ma vie dans une pièce minuscule avec des chats ! Je me débrouille pour avoir ce que je veux quand je veux. Depuis que je n'habite plus avec mes parents pour certaines raisons de facilité je me débrouille comme je peux. Ça doit être pour ça que je suis si autonome, je n'ai pas le choix. La vie m'a en quelque sorte imposé ça. Mon père avait été muté pour Oxford il y a cinq mois alors que l'année solaire était déjà entamée. J'ai réussi du mieux que j'ai pu à convaincre mes parents de me laisser terminer le lycée ici, à Londres. J'avais tous mes amis, mon école, mes repères dans cette ville. Pour rien au monde je n'aurais voulu la quitter. C'est pour ça qu'un week-end sur deux je vais leur rendre visite. Demain je devrai prendre le train et comme à leur habitude ils m'attendront, enlacées sur les quais un grand sourire aux lèvres.

Une fois de retour chez moi, je pris une longue douche chaude, me lavai les cheveux et m'habillai d'un jeans et d'un sweat à capuche bien chaud. Je m'installai à mon bureau et feuilletai mes cours à étudier. D'abord anglais puis math et enfin géographie. Je fis la moue et m'organisai afin de m'offrir le loisir d'une pause entre deux.
Je préparais mes affaires pour le lendemain mais impossible de mettre la main sur ma carte d'identité dont j'avais absolument besoin pour acheter mon ticket. Je réfléchis, quand l'avais-je vu pour la dernière fois ? Je me souvenais l'avoir reçu ce matin juste avant d'aller courir. Je devais en faire une nouvelle car l'ancienne n'était plus valable. Je me souvenais même du regard gourmand du vieux derrière moi lorsqu'il m'avait regardé. Je grimaçai à ce souvenir. Je l'avais donc pris, mis dans ma poche et j'avais été courir directement après... J'allai vérifier la poche de mon training. Rien. Soudain, je me rappelai, l'homme en noir ! Il fallait que je le retrouve ! Mais comment ? À quoi ressemblait-il ? Je n'en avais aucune idée. Tout ce que je savais c'est qu'il était en noir. Je ne savais même pas si il habitait à Londres ! Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Je soupirai, je venais de recevoir cette carte ! Plusieurs sentiments m'assaillirent. La tristesse de ne pas pouvoir voir mes parents, la colère d'avoir été assez stupide pour ne pas le remarquer et enfin un peu soulagée d'avoir trouver un raisonnement logique à mon problème. Il me restait maintenant à le solutionner. Je décidai d'aller voir la police mais d'abord je devais appeler mes parents pour les prévenir que je ne pourrai malheureusement pas venir. Ça m'arrachait le coeur même si ils m'assurèrent que ce n'était pas grave et que ça ne serait que partie remise.
Je me rendis ensuite au poste de police pour prévenir du vol commis.
- Bonjour.
- Bonjour mademoiselle. Que puis-je pour vous ?
- Voilà, j'ai perdu ma carte d'identité et je pense qu'on me l'a volé. Je n'ai aucune preuve mais j'en suis persuadée.
Il haussa un sourcil et me jaugea du regard comme pour savoir si c'était un canular ou pas. Je le regardai, exaspérée.
- Oui et auriez-vous une idée de qui pourrait avoir fait ça ? demanda le policier toujours un peu sceptique par ma déposition.
- Un homme en noir. Je l'ai bousculé ce matin-même en courant. Il a du en profiter. dis-je avec un grondement dans la voix. Je me calmai aussitôt me réprimandant, ce n'était pas une attitude à avoir face a un policier qui pourrait peut-être m'aider.
- Eh bien mademoiselle ... ?
- Rayn, Kila Rayn.
- Mademoiselle Rayn, ce n'est pas beaucoup comme informations vous savez ? Vous êtes sûre qu'ils ne sont pas chez vous au moins ?
- Non j'ai déjà fouillé partout, m'exclamai-je, indignée.
- Bon alors où étais-ce ? continua-t-il sur un ton monocorde. C'était clair qu'il n'avait aucun intérêt pour moi et mon histoire, il devait y'en avoir des dizaines dans mon cas.
- Dans Hyde Park.
- D'accord, je vous promets que si un de mes collègues ou moi-même croisons ce monsieur, je vous téléphonerais immédiatement, son ton était ironique, il se foutait royalement de moi.
- Merci, répondis-je brusquement et je tournai les talons pour m'enfuir bien loin de cet horrible policier.
Je rentrai directement chez moi et commandai des sushis. Je n'avais plus le temps de cuisiner quelque chose et j'adorais les sushis de toute façon.

Je profitai de ma journée du lendemain pour retourner à Hyde Park ou cas où je revoyais mon homme mais il n'y avait pas âme qui vive à cause du mauvais temps. On avait beau être en printemps, nous étions à Londres.

J'étudiais le reste de la journée et me couchai tôt après un repas frugale. J'eus beaucoup de mal à m'endormir, tracassée que j'étais par ma pauvre petite carte dans les mains que je m'imaginais grasses de ce bonhomme. Je finis enfin par m'assoupir.

Après un petit déjeuner bien consistant composé de galettes de sésame et d'une banane, je partis pour l'école. Ce n'était pas bien loin, en 5 minutes j'atteignis le large bâtiment avec sa façade faite de briques rouges anciennes. À l'arrière les bâtiments étaient plus récents et étaient tous recouverts d'une fine couche de ciment plus ou moins blanc donnant une allure lumineuse à l'école. Et au milieu de tout ça il y avait la cour pour les récréations avec quelques bancs et arbres éparpillés ici et là à intervalle plus ou moins régulier. J'appréciais cette verdure bien que moindre dans l'école, ça apportait un peu plus de vie à ce lieu déjà si morne.

Une fois dans la cour je rejoignis Maya, ma meilleure amie près de notre endroit favori, sur un banc entre deux bouleaux. C'était une jolie brunette avec de grand yeux mordorés et la peau mat, un régale pour les yeux même si elle ne le pensait absolument pas. Elle était déjà en pleine discussion avec César. Ils devaient préparer un exposé pour après-demain et ils n'étaient absolument pas prêts ! Je leur fis la bizz et attendis patiemment qu'ils aient fini leur charabia sur l'invention du télescope. Je ne comprenais pas l'intérêt de cette présentation mais je ne tenais pas à parler de ce genre de choses si insignifiantes et justement, inutiles.
Maya se tourna enfin vers moi.
- Ça va ? C'était chouette avec tes parents ?
Je me rembrunis, me rappelant mes problèmes.
- Je n'ai pas pu les voir. J'ai perdu ma carte ...
- Ta carte ?
- Oui ma carte d'identité ! Tu vois le petit bout de plastique où tu as toujours une sale tête ?
- Oui, oui, j'ai compris, pouffa mon amie.
- Donc impossible de prendre le train ! On me l'a sûrement volée.
- Tu as prévenu la police ?
- Oui mais ça s'annonce compliqué. Je ne sais pas du tout à quoi ressemble l'homme que je suspecte, mettant entre guillemet à l'aide de mes doigts le dernier mot.
- Tu as bien du le voir une fois non ? questionna-t-elle.
J'hochai la tête en signe d'assentiment.
- Alors à quoi ressemblait-il ?
- Noir. Il était habillé tout en noir... C'est tout.
- C'est vrai que ça n'aide pas. Tu l'as vu où déjà ?
- Quand je courais, dans Hyde Park là où il y a les petits buis bien taillés qui nous font penser à Mickey !
- Ah oui, je vois, sourit-elle, mais depuis quand tu prends ta carte d'identité quand tu cours ?
- Je devais en faire une nouvelle tu te rappelles ? Et je devais aller la chercher avant 10 heures donc j'ai été juste avant de partir courir.
Maya hocha la tête.
- Il va bientôt sonner. Allons-y !
- Oui ! Prête pour géo ?
Mon amie fit la moue, signifiant que ça aurait pu être mieux.
- Je suis sûre que ça va aller ! l'encourageai-je.

Après plusieurs heures de travail la journée se termina enfin et je pus rejoindre Maya.
- Tu viens avec moi à la commune ?
Après cette journée de cours je devais encore rentrer et aller refaire ma carte.
- Je ne sais pas, hésita Maya.
- Allez ... fis-je avec des yeux de chien battu.
- C'est bon, tu as gagné, rigola-t-elle. Mais dépêche-toi alors, je dois préparer le panneau et César n'est pas un as !
Je rigolai et partis en courant. Maya qui faisait de l'athlétisme me rattrapa en quelques foulées et calqua sa course sur la mienne. Nous arrivâmes bientôt.
La file était, heureusement, assez courte et au bout d'une ou deux minutes d'attente ce fut mon tour.
J'expliquais ma situation et conclut par le fait que j'avais besoin d'une nouvelle carte. La dame avait compati à mon problème et avait promis de se dépêcher de la faire faire après que je lui eus donné ma petite photo.
Je quittai Maya pour rentrer chez moi. Je comptais un peu travailler et puis rester sur mon PC. Mais ça ne se passa pas vraiment comme ça...

Graphonne [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant