Chapitre 42

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3 mois après le début de sa captivité

Hermione était penchée au dessus de lui. Plus réelle que jamais. Était-ce un rêve? Il eût souhaité qu'il ne se réveille jamais. Il redécouvrait son visage, sa bouche, sa peau. Leurs corps étaient en parfaite harmonie, leurs souffles se mêlèrent et les battements de leurs coeurs ne semblaient plus faire qu'un. Drago accentua leur baiser. Chaque seconde le ramenait enfin à la vie. Les ténèbres, le froid, n'étaient plus que des sensations lointaines. Ses yeux avaient quelque chose d'hypnotique, d'irréel. Presque inhumains. Le corps de Drago était en feu, et des sentiments qu'ils enfouissait souvent réapparurent à la surface, le rendant fou de désir. Puis tout redevint flou. La seconde d'après, elle n'était plus là. Son odeur s'évapora tout aussi rapidement. Elle n'avait jamais été là. Et la réalité le frappa, comme toujours, encore plus fort : il était seul. Et il se mit à pleurer. Seulement ses larmes étaient étrangement gelées. Son visage se retrouva presque inondé. Drago ouvrit les yeux précipitamment et essuya cette eau sur son visage. D'autres gouttes tombèrent sur lui, et lui firent lever les yeux au plafond. Maudites fuites. La place qu'il occupait était entièrement trempée. Il se décala vers le coin opposé de la cellule et laissa retomber sa tête, lasse, contre le mur. Une nouvelle journée commençait. Peut être était-elle splendide? Il n'en savait rien. Ses jours à lui se ressemblaient tous. Une faible lueur dans le couloir lui indiquait seulement lorsque le soleil se levait, et lorsque la nuit tombait. Lui, ne dormait presque plus. Le sol froid et irrégulier avait finit par lui meurtrir le dos. Certaines parties de son corps étaient si engourdies qu'il craignait en avoir perdu l'usage. Cela faisait trois mois à présent qu'il était là. Peut être aura-t-il droit à un repas spécial? "Merci de votre fidélité, Drago". Il avait occupé ces cachots plus longtemps que quiconque. D'autres prisonniers venaient, subissaient mille tortures, et repartaient, morts sans doute. Lui était toujours là, à compter les jours, les semaines, les mois. Peut être bien les années, s'il ne mourrait pas entre temps. Drago serra sa couverture contre lui. C'était comme si les bras de sa mère le prenaient contre elle et cette chaleur que la couverture dégageait n'était que la sienne. Il repensa à elle. Encore, toujours. Espérant que rien ne lui était arrivé. Elle n'était plus redescendue depuis ce jour là. Quelle punition le Maître lui avait-il infligé? Lucius, lui, ne lui avait pas rendu visite une seule fois, le reniant sans doute, ou craignant une sanction à son tour. Voulait-il vraiment préserver sa vie, ou avait-il simplement honte de son fils? Drago poussa un profond soupire. Combien de temps encore? Des jours? Des mois? Des années? Voilà que ses pensées revenaient encore une fois le torturer. Sans cesse, il avait l'impression d'être une âme égarée, entre la vie et la mort. Chaque matin, il se réveillait en enfer tandis que son sommeil lui permettait d'échapper un peu à la cruauté de ce monde. C'est comme si quelqu'un lui entrouvrait les portes du bonheur puis les refermait brusquement devant lui au petit matin, comme s'il ne méritait pas de les franchir. Il fut condamné à vivre dans l'obscurité, dans cette cage minuscule où résonnaient l'écho des hurlements des Sang de Bourbe qui eurent le malheur de se retrouver sur le mauvais chemin. Peut être finiront ils par l'achever aussi, et il finirait sa vie dans d'atroces souffrances.

Drago se leva pour dégourdir ses jambes. Une douleur fulgurante traversa chacun de ses membres et il lança une plainte douloureuse. Il fit quelques pas en s'appuyant contre le mur, imaginant ses jambes le lâcher d'une seconde à l'autre. Ses vêtements flottaient presque sur son corps amaigri. On lui donnait suffisamment à manger pour lui permettre de survivre, mais pas assez pour reprendre des forces, et il en perdait chaque jour un peu plus. Il avait observé son corps se métamorphoser sous ses yeux. Son torse soigneusement sculpté avait déjà perdu du volume et ses jambes supportaient à peine le poids de son corps. Aussi, après avoir marché ce qui lui semblait être une demi-heure, il se rassit et recommença à se morfondre. Son visage était devenu aussi terne que les murs. Ses yeux vides d'espoirs fixaient sans cesse ces même barreaux qui ne s'ouvriraient jamais. Cette triste routine était devenue son quotidien, désormais. Alors il ressassait ses souvenirs, en commençant par sa première année de Poudlard. Il n'avait eu aucune surprise lorsqu'il avait été envoyé à Serpentard. La maison du Lord, de ses parents, de ses ancêtres. Dès les premiers jours il s'était lié d'amitié avec Crabbe et Goyle, profitant de leur stupidité pour les faire agir selon ses ordres. Il avait été ridiculement jaloux du célèbre Harry Potter et avait pris plaisir à infliger mille tourments à Hermione. Au fond, il savait aujourd'hui pourquoi il les haïssait tant: ils incarnaient ce qu'il n'aurait jamais. L'amitié, la célébrité et l'admiration. Il n'avait rencontré Blaise qu'en troisième année. Lui et Pansy avaient toujours été là pour lui. Un trio inséparable, comme le trio d'or. Il ne récupérerait sans doute jamais Pansy, perdue dans son désir de gloire et de vengeance. Blaise était seul, à présent. Croyait-il qu'il était mort? Et Hermione... Son coeur lâchait dès qu'il pensait à elle. Où avait-elle bien pu aller? Était-elle en vie? Voilà trois mois qu'il n'avait aucune nouvelle du monde extérieur. Du fond de son trou il ne savait pas à quoi ressemblait le monde à présent. Il pouvait parfois entendre les éclats de voix provenant d'en haut, et lorsqu'il tendait bien l'oreille, il pouvait même entendre des conversations. Il avait appris alors que le Ministère de la Magie était tombé. L'Ordre avait échoué. Le monde des sorciers allait-il définitivement sombrer? Drago avait appris que le Bien l'emportait toujours lorsque qu'il restait des gens assez fou pour croire qu'il existait encore de la lumière dans ce monde. Car le feu qui brûle dans les ténèbres est plus tenace qu'un Feudeymon. Ce vieux fou de Dumbledore était attaché à ses idéaux du Bien. Seulement, la seule lumière qu'il eut été capable de voir fût un éclair vert qui l'a aveuglé à jamais. Son tombeau referme à présent son cadavre et l'unique espoir de victoire contre les ténèbres. Potter ne sera jamais capable de combattre le plus grand sorcier de tous les temps. Comment le pourrait-il, lorsque Dumbledore même a échoué? Vaincu par son plus fidèle ami. Par celui que Drago considérait comme son unique modèle. Rogue. Ce nom lui donnait presque la nausée. Il aurait été prêt à utiliser la magie la plus noire contre lui pour lui retourner la haine qu'il décuplait chaque jour. Drago a passé sa vie à admirer les mauvaises personnes. 

La mâtinée s'était écoulée plus vite que prévu. Drago entendit une poignée s'abaisser et le Mangemort qui apportait son repas pénétra dans les cachots. Il approcha en sifflotant et agita sa baguette pour faire apparaître son plateau. Le blond ne se fit pas prier et commença à manger devant le regard amusé de l'homme qui le regardait à travers les barreaux.  Drago avait remarqué une chose: ce dernier s'habillait de mieux en mieux en allant le voir. Comme pour le narguer. Lui montrer qu'il était réduit au rang de nuisible tandis qu'il jouissait de sa liberté. Une fois qu'il aurait retrouvé la sienne, Drago se promit de s'occuper de lui personnellement. Il regarda le contenu de son plateau. De la viande informe et des restes de patate. Ce dernier avait appris à manger sans réfléchir. La nourriture qu'on lui servait n'avait même plus de goût. Son palais ne réagissait plus aux saveurs. Il mâchait la viande froide avec lenteur, se forçant à garder des forces. Cela n'apporterait que de la joie à Pansy de le voir capituler aussi facilement. Drago ne voulait pas que son corps trahisse les ravages de son esprit, qu'on le voit tel qu'il était: un animal blessé vaincu par la folie qui le submergeait. Non, il ne donnerait ce plaisir à personne, pas même au Lord. Qu'ils aillent se faire voir. Ces monstres jubileraient de rapporter à sa mère son état. Combien de temps allait-il tenir de la sorte? Il passa sa main dans sa barbe qu'il rêvait de raser depuis des mois. Ce duvet piquant lui arracha une grimace. De quoi avait-il l'air? Peut être ne voulait-il pas le savoir. La pâleur de sa peau et ses côtes apparentes lui laissaient imaginer le pire. Il repoussa le plateau vide qui disparût aussitôt et ferma les yeux, s'accordant une petite sieste.

Drago avait affreusement mal au crâne en se réveillant. Tout son corps le lançait de toute part et son bras gauche brûlait atrocement. Le Lord rassemblait ses fidèles. La douleur cuisante s'accentua, lui faisant monter les larmes aux yeux. De ses ongles longs il se mit à lacérer sa peau sur les anciennes blessures qu'il s'était déjà infligé. Un liquide chaud se mit à couler sur son bras, et il contempla la marque ensanglantée. Ses ongles étaient couverts de sang, mais la douleur physique n'atténuait pas la douleur émotionnelle. Il attendit que les palpitations le long de son avant bras se calment en serrant les dents. Quelque part, en haut, des dizaines de bruits de pas martelèrent le sol. Puis il n'entendit plus rien. La grande salle devait à présent être insonorisée. Il n'y avait plus que lui et la douleur. Elle semblait désormais faire parti de lui. Allongé là, Drago avait l'impression d'être déjà mort, pourtant il continuait encore de respirer, sans savoir où son corps trouvait encore la force de le faire. Était-ce son instinct de survit qui le maintenait encore en vie? À quoi bon? Où allait donc sa vie? Il n'imaginait pas connaître un futur proche. Son sort semblait scellé depuis des mois et il se demandait chaque jour pourquoi se réveillait-il chaque matin lorsque son combat était déjà terminé, lorsque son adversaire l'avait déjà vaincu. Il n'était que ruines. Son âme n'était plus qu'un champ de bataille dévasté où l'on n'entendait que le râle des mourants. Son esprit était devenu son propre enfer. Son seul répit serait la mort. Cette douce tentation l'appelait chaque seconde. Pourtant il savait ce qui le retenait toujours. Un jour il aurait suffisamment de forces pour se venger. Il leur infligerait mille souffrances. La haine faisait bouillir son sang. Parfois il en devenais fou, il en hurlait même dans la nuit sans qu'il n'y ait personne pour l'entendre, jusqu'à s'en vider les poumons. Jusqu'à s'en déchirer les cordes vocales. Ses cauchemars le faisaient sombrer doucement dans la folie, jusqu'à ce qu'il voit peu à peu le monde se retourner contre lui, jusqu'à ce qu'il finisse par se retourner contre lui même. Son espoir devenait de plus en plus rare, comme si son oxygène disparaissait lentement jusqu'à ce que son corps cesse de lutter pour sa survie. La fin heureuse de l'histoire? Un leurre. Il lui suffisait de regarder sa cellule pour le lui rappeler. Si il y avait bien un Dieu dans ce monde, pourquoi n'arrêtait-il donc pas sa misère? N'avait-il pas essayé de changer pour être une meilleure version de lui même? Il avait embrassé les Ténèbres mais avait choisit la Lumière. Pourtant on continuait de le blâmer? Encore et encore. Il payait pour les fautes d'autrui. Tel un bouc émissaire, il payait pour son échec. C'était peut être ça, la signification de ce qu'il lui arrivait. Il avait échoué. Et il payait le prix fort pour le chaos qu'il avait semé.

Parfois, il lui arrivait de pleurer, lorsqu'il repensait à tous ceux qu'il aimait le plus. Il lui avait promit de ne jamais la lâcher. Qu'il serait à ses côtés pendant la guerre. Et il était là, et Dieu sait où Hermione se trouvait. Il priait alors, désespérément, ne sachant s'il restait encore dans ce monde quelqu'un pour le sauver. L'espoir avait cessé de lui tendre les bras et le bonheur lui avait tourné le dos, tandis que l'obscurité toute entière engloutissait chaque parcelle de son existante. Le temps avait finit par se figer dans cette petite cellule. Dans le couloir, la lumière du jour s'éteignait pour plonger les cachots dans l'obscurité. Drago s'enfouit alors dans un sommeil plus profond, où les rêves lui ouvrirent une fois de plus la porte à un monde meilleur. 

Tu n'es pas un monstre Malefoy..Où les histoires vivent. Découvrez maintenant