Chapitre 5

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La tête d'Eva tournait.

Un mélange d'espoir et de résignation s'était emparé d'elle. Elle était dans le bus qui la conduisait chez elle.

C'était la ligne 4.

Elle la connaissait pas cœur. Cette ligne était plus longue que la ligne 5, mais cela arrangeait Eva.

La jeune fille était seule car Mathilde venait de descendre. Et sa tête tournait.

Le bus repartit. "Il va s'arrêter devant les quartiers." Se dit-elle.

Elle regarda les gens se lever. Un pincement au cœur la prit quand elle repensa à ce qu'il s'était passé le samedi. Mais elle releva brusquement la tête en pensant que son stylo avait pu tomber là-bas.

Elle se leva au moment où le bus s'arrêtait. Elle sortit et l'air chaud du mois de mai l'a prit. Elle attendit quelques instants puis elle descendit les quelques marches qui la séparait du quartier. Elle retrouva sans peine la table de pique nique. La jeune fille n'avait pas remarqué le samedi que celle-ci était taguée. Elle passa ses doigts fins sur une inscription en tentant de les lire.

"Tu fous quoi ?"

Elle sursauta et se retourna. Eva remarqua un des garçons de samedi.

Il était grand, en tout cas plus grand qu'elle, la peau légèrement basanée. Il avait le visage fermé et le regard froid. Il portait une casquette NY à l'envers. Eva se demanda si porter ça de telle manière était encore autorisé. Le garçon portait aussi un short beige et des chaussures de sport. Son t-shirt était simplement blanc.

Eva tourna la tête et se mît à chercher son stylo accroupit sans répondre à "casquette à l'envers". Elle se trouva forte et pleine de caractère face à ce bonhomme ridicule jusqu'au moment où elle sentit un bras la relever. Elle se tenait désormais sur la pointe des pieds. Sa tête basculait légèrement vers l'arrière. Le garçon la tenait fermement. Ses yeux étaient noirs.

Aucun des deux ne parlaient.

Le garçon ne supportait pas cette petite bourgeoise qui s'amusait à le narguer. Déjà samedi, quand il l'avait vu étaler ses cours sur sa table, il avait été prit d'une fureur sans précédent.

De nouveau cette gamine c'était pointée. Elle était ridicule dans son décors. Elle était raffinée et douce dans son quartier de brute. Elle portait des sandales qui reflétaient son innocence : des lanières fines comme son bras qu'il tenait. Elle avait mît une jupe noire, moche, qui remontait jusqu'au nombril. Et pour couronner le tout, elle portait un t shirt à fleur (à fleur merde !) qui laissait apercevoir son ventre.

Cette gamine aurait été mal vu au bled. Il avait envie de l'insulter. Il la détestait. Cette fille avait dû être l'enfant roi. Elle devait être gâtée au possible. Elle était sûrement ce genre de fille qui se plaignait de ses parents absents car ils travaillaient. Il était persuadé que cette gamine allait chez le psy pour pleurer son cochon d'Inde mort il y a dix ans. Oui, cette fille avait tout et pleurait pour un ongle cassé et tout ce qu'il pensait sur elle allait bientôt se confirmer.

Eva, dans un élan d'adrénaline, retira son bras.

"Fous moi la paix !" Lança-t-elle.

Le garçon laissa échapper un rictus.

"Dégage alors. T'as pas compris samedi ? Faut qu'on te fasse quoi pour que tu comprenne que t'es pas ici chez toi ?"

C'était au tour de la fille de rire jaune :

"C'est pathétique, on dirait un chien qui essaye de marquer son territoire. T'as pissé sur la table ou quoi ? Je suis chez moi partout et où je veux, ok ? Et si t'es pas content c'est la même chose."

Le garçon rentra dans une rage folle. Sans attendre plus longtemps, il attrapa la jeune fille par la taille et la porta jusqu'à un immeuble. Il la déposa brusquement contre mur et lui attrapa ses bras.

"Tu dégage ou je te fracasse.

-On frappe les femmes dans ta culture ?

-Nan les femmes on les respectent, on les touchent pas. Mais les salopes dans ton genre, on les..."

Le garçon s'arrêta net. De nouveau, on l'avait renvoyé à ses origines. Quoi qu'il fasse, on le prenait pour un voleur, un voyou de banlieue... Jamais personne, sauf sa mère, lui parlait pour lui seul. C'était toujours "les gens comme vous", "les racailles dans ton genre"... Personne, non personne ne le considérait comme quelqu'un à part entière. Il était sans cesse en train de payer pour les stéréotypes. Jamais personne chez lui n'aurait frappé une femme. Son père lui n'avait jamais manqué de respect à sa femme. Mais lui, tout suite, il aurait bien fait bouffer de l'herbe à cette gamine.

Le visage de celle-ci c'était transformé. De la peur avait apparu dans ses yeux.

Le garçon lâcha prise.

La jeune fille se massa les poignets, récupéra son sac resté à la table et s'enfuit pour la deuxième fois de cet endroit.

Eva n'avait pas retrouvé son stylo. Elle n'avait pas eu le te temps de le chercher. Elle sentit des larmes monter à ses yeux. Un mélange de peur et de culpabilité naissait dans son cœur. Elle avait perdu ce que sa mère lui avait offert de plus précieux après la vie. Elle avait balancé à la figure de cet inconnu ses origines. Et puis elle était partit sans un mot, sans un regard.

Elle n'imaginait pas tout ce que ce garçon pouvait penser d'elle. En tout cas, Eva le trouvait ridicule et imbu de lui même. Il avait juste voulu montrer qui était le plus fort. Mais aux yeux d'Eva, il était passé pour un garçon qui ne se défend qu'avec les poings.

***

Elle arrivait enfin chez elle quand son portable sonna. C'était un numéro qu'elle ne connaissait pas, mais elle répondit quand même.

"Allo ? Fit-elle.

-Eva ? C'est Maël !"

Eva leva les yeux au ciel en entendant ce nom.

"Ouais ?

-Et bah je voulais savoir si tu fais quelque chose mercredi après les cours ?

-Ouais je révise. lança Eva, d'un ton sec qui ne perturba pas Maël.

-Cool, on pourrait réviser ensemble, surtout la spé math et la philo parce que je galère trop.

-Maël ? Je travaille mieux seule.

-Mais...

-Salut."

Et elle raccrocha. En rentrant, elle appela Alix, bien déterminée à savoir qui avait donné son numéro à Maël.

"Alix, c'est Eva.

-Oui je sais. Qu'est ce qu'il y a ?

-Qui a donné mon numéro à Maël ?

-Oh non ! C'est de toi qu'il est ...?"

Eva répondit que oui, et elle n'entendit plus que les rires de son amie.

"Bon Alix !

-Oui pardon, pardon ! Mais c'est juste que je ne m'y attendais pas du tout ! Je pensais pas qu'il pouvait être aussi con ! Tout le monde sait très bien que tu ne cédera pas.. Mais bon, c'est un défi pour lui !"

Eva était d'accord. Mais elle ne cédera pas.

Elle parla encore quelques minutes avec Alix puis elle se mît dans ses révisions. Elle avait le cœur gros et elle espérait que ses cours et le bac lui ferait oublier.

Elle mangea à 19 heure. Son père arriva deux heures plus tard. Il vint dans sa chambre et embrassa sa fille.

Eva était froide. Elle n'avait pas besoin de papouilles ou de bisous. De preuves d'affection en général.

Son père sorti vite.

Eva se coucha à 22 heure.

Le garçon, lui, venait de rentrer. Il préparait à manger pour sa mère quand il sentit quelque chose dans sa poche. C'était le stylo.

Il fit une escale par sa chambre, où il déposa l'objet en métal.

Eva Kenesky -Un cœur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant