Au pays de la nuit

CH 4 La fête

..."C'est jour de fête on dirait !"

Peu à peu, le brouillard s'éclairci pour laisser place à des bicoques saugrenues. Ventrues et agrémentées de niches dans lesquelles brillaient des bougies, et des lampions, on aurait dit un champ de joyeuses citrouilles d'halloween recouvertes d'un toit et disposées sans logique apparente. Des guirlandes de lampions étaient suspendues entre les toits illuminant des tables chargées de victuailles, des musiciens et des danseurs. 

Trapus et jouflus, les danseurs faisaient preuve d'une agilité impressionnante et je peinais à suivre du regard leurs cabrioles. 

Nous nous êtions approchés d'une des tables quand Coquelicot me demanda de déposer l'homme, toujours inconscient malgré le tumulte de la fête qui battait son plein. Avant que je n'ouvre la bouche, elle avait filé. 

Je regardais les danseurs en tappant du pied en cadence quand une naine m'aborda. 

-"Salut ! Tu danses ?" 

Embarassé, je désignais l'homme à mes pieds. 

-"Oh ! Je ne pense pas qu'il se sauve ! Il a l'air de bien dormir !" Reprit-elle avec un sourire en coin. 

Elle était très jolie, ses yeux verts pétillants de gaité, son sourire ouvrait une faussette dans ses joues roses.  

A mon grand étonnement, les musiciens entamèrent un rock rythmé. Je ne suis peut-être pas un très grand danseur, mais j'adore danser le rock ! 

-" Allons-y !" répondis-je avec un dernier regard au corps inanimé à mes pieds. 

La musique était vraiment très bonne, et ma partenaire une excellente danseuse et je me surpris à me lancer dans des figures que je n'osais qu'à peine imaginer jusque là. 

Avant que je ne m'en rende compte, le morceau était fini et, sur le dernier accord, je penchais ma cavalière en arrière. Elle avait le souffle court, les paumettes rouges et ses yeux brillaient d'excitation. Je la relevais et remarquais alors qu'un cercle s'était fait autour de nous et que toutes sortes de gens nous regardaient en applaudissant. Il y avait des nains, bien sûr, mais aussi divers êtres plus ou moins humains, depuis la minuscule femme-papillon au géant à quatre bras et aux mains comme des poelles à frire en passant par d'étranges créatures aux longues pattes très fines et au corps arachnéen.

Fendant la foule, la renarde apparu. 

-"Eh bien ! Pour ce qui est de la discrétion, c'est loupé !" S'exclama-t-elle. "Mais je dois avouer que tu danses plutôt bien !" Reprit-elle dans un sourire. "Notre trouillard reprend ses esprits. Allons-voir comment il va !" 

Je liberais ma cavalière et suivi Coquelicot qui était déjà repartie. 

A mi-chemin je me retournais. 

-"Merci !" Lançais-je. "C'était vraiment super !" 

Elle me sourit et rejoint la ronde en train de se former pour la nouvelle danse. 

A genoux près du petit homme se tenait un très vieil homme, une flasque à la main. Au moment où je m'approchais, il se releva. 

-"Ca devrait aller" dit-il "mais tachez d'éviter de lui refaire de telles frayeurs !" Il tourna la tête vers moi. "Quant à vous, jeune homme, suivez-moi, vous allez finir par vous attirer des ennuis à vous promener comme ça ! C'est que ce monde n'est pas sans danger ! Surtout pour quelqu'un du jour..." 

Il avait murmuré cette dernière phrase. Je me remémorais l'avertissement de l'arbre et frissonnais. 

-"Allons, venez, on va s'occuper de tout ça !"  

Il me fit signe de le suivre et je lui emboitais le pas, la fête complètement oubliée.