Battements. 6

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Emma était inquiète. Ce matin Marc lui avait donné rendez-vous dans leur petit bois. Elle aurait pu être contente, après tout ce lieu représentait le début de leur histoire, mais quelque chose clochait dans la façon dont Marc l'avait pressée de venir. On était samedi, donc elle pourrait facilement sortir de la maison sans que son père ne se doute de quelque chose et le prévint qu'elle allait se promener un peu en vélo et qu'elle ne savait pas quand est-ce qu'elle rentrerait.

Durant tout le trajet elle se posa des questions. Pourquoi la faisait-il venir en urgence ? Il l'avait appelée, elle en avait d'ailleurs été étonnée. S'il avait fait ça c'était parce que ça devait être important, ils avaient convenu de ne pas s'appeler. Et son ton au téléphone... Il avait l'air concentré et parlait rapidement, l'échange avait été bref, il ne l'avait pas laissée poser de questions. Il l'avait pressée de le rejoindre en insistant sur l'urgence de la situation. Et pour que la situation soit aussi urgente c'est qu'il y avait un problème. Le sang d'Emma ne fit qu'un tour. On les avait découverts. C'était fini pour eux. Non ! Il était hors de question qu'elle le laisse tomber, ils trouveraient bien une solution.

Elle rentra dans la forêt en pédalant, et s'arrêta près du vélo de Marc. Elle le trouva quelques mètres plus loin assis contre un tronc d'arbre et s'affala à côté de lui.

-Alors, qu'est-ce que tu as de si important à me dire ? J'espère que ce n'est pas une demande en mariage, ce serait un peu tôt non ? dit-elle en tentant de détendre l'atmosphère.

-Non, ne t'inquiète pas, ce n'est pas ça, mais merci d'être arrivée aussi vite. Au fait je n'ai pas le droit à mon petit bisou ? répondit-il avec un petit sourire en coin qui faisait fondre Emma à chaque fois.

Elle se pencha sur lui, et dès l'instant où leurs corps se touchèrent elle se sentie électrisée de part en part. Elle  oublia ses inquiétudes tandis que les lèvres douces de Marc se moulaient parfaitement sur les siennes et que ses doigts fins suivaient chaque courbe de son corps, s'attardant sur son corps et ses seins. Chaque caresse lui procurait un bonheur infini, elles déclenchaient des petites étincelles qui couraient tout le long de sa peau. Emma se sentait prête à exploser lorsque Marc rompit leur baiser.

-Désolé d'interrompre, mais je dois répondre à des questions il me semble... souffla-t-il en suivant la clavicule d'Emma du  bout des doigts. La jeune fille eut le souffle coupé tellement le geste était doux.

-Je t'ai entendue venir, tu réfléchissais tellement fort... continua-t-il en descendant lentement ses doigts jusqu'à la naissance de ses seins. Le cœur d'Emma se mit à marteler dans sa poitrine et son désir grandissait. Marc sentit cette poussée de chaleur et retira sa main avec délicatesse.

-Pas maintenant... Je dois vraiment te parler, dit-il en regardant Emma dans les yeux qui prit un air consterné avant de se redresser et de s'écarter légèrement du corps encore ardent  de Marc. Il valait mieux s'éloigner de toute tentation... 

-Je t'écoute.

Marc grimaça :

-Mes parents ont tout découvert...

-Pour nous ? Je m'en doutais. Ils ont compris  que tu... n'étais pas comme eux ?

-Oui, et devinant la question qu'elle allait lui poser il dit, ils l'ont bien pris, enfin, ils n'ont pas trop fait de remarque là-dessus, ce qui est bizarre maintenant que j'y repense. En fait, ils ont plus insisté pour que je te quitte, dit-il en détournant le regard.

-Et c'est ce que tu vas faire.

C'était une affirmation. Emma était déçue, elle pensait que leur histoire allait durer et qu'ils passeraient les obstacles ensemble. Au lieu de ça, au premier mur il l'abandonnait. Elle s'était trompée et elle sentit ses yeux se remplir de larmes.

-Non ! Il est hors de question que je t'abandonne, cria-t-il, puis en prenant le visage d'Emma dans ses mains il dit doucement : tu te souviens, tu m'as fait une promesse, celle de ne jamais douter de moi, et là tu viens juste de douter de moi. Je ne te quitterai pas, jamais, je t'aime trop pour ça, et ça serait au-dessus de mes compétences de vivre sans toi.

Emma sentit son cœur fondre en entendant ces paroles. Les doigts de Marc enserrant son visage dégageaient une chaleur qu'ils communiquaient à ses joues. Ses yeux verts brillaient, ému par la déclaration qu'il venait de faire. Emma pouvait presque y voir la force de ses sentiments par l'intensité de ses iris, et elle sut que elle non plus n'arriverait pas à vivre sans lui.

-Ne me quitte pas alors, murmura-t-elle.

-Je n'en avais pas l'intention, dit-il avant d'essuyer les larmes sur les joues d'Emma et de poser un baiser sur ses lèvres, mais ce n'est pas aussi simple que ça. Il existe une Constitution qui donne aux Unlovers leurs droits, mais surtout leurs devoirs. Les deux plus importants sont de ne jamais révéler sa véritable nature à quelqu'un et de ne jamais s'engager avec une personne sans l'accord du Gouvernement, et en sortant avec toi je viens de bafouer ces deux règles qui sont les piliers de notre existence. Mes parents ont peur que le Gouvernement nous découvre et qu'ils nous tuent, eux compris. Ils veulent donc qu'on arrête notre relation avant qu'il ne soit trop tard, et si nous ne le faisons pas, c'est eux qui iront nous dénoncer.

Emma était abasourdie par ces révélations, comment des parents pouvaient-ils faire ça à leurs enfants ? C'était horrible ! Marc entendit ses indignations :

-Je pense que c'est pour essayer de sauver leur peau : "merci d'avoir dénoncé votre fils, nous vous remercions pour cet acte de délation en vous laissant la vie sauve", ou un truc dans le genre.

La jeune fille était choquée, c'était leur fils quand même !

-Souviens-toi qu'ils n'éprouvent pas de sentiments que ce soit envers les gens, envers moi, ou même envers eux-mêmes. Je ne représente rien pour eux à part un garçon qu'ils ont vu grandir et avec qui ils ont dû vivre pendant seize ans. Je comprends qu'entre leur vie et moi ils préfèrent leur vie.

En fait non, il ne comprenait pas, mais il ne voulait pas montrer à Emma à quel point il était atteint par ce qu'ils lui avaient dit. Il fallait qu'il soit fort, comme il l'avait été après la disparition de son grand-père.

-Comment est-ce qu'on va faire alors ?

-Je ne sais pas, je me suis creusé la tête toute la soirée, loin de mes parents bien sûr, et la seule solution que j'ai trouvée c'est celle de nous enfuir. Mais mes parents iront aussitôt voir le Gouvernement qui se lancera à nos trousses et ce sera alors difficile d'échapper aux Agents...

-Difficile mais pas impossible, murmura Emma, puis plus fort, ça vaut la peine d'essayer, on arrivera peut-être à les semer, ils ne pourront pas nous suivre partout.

-Qu'est-ce que tu fais de ton père, de Cloé ? Une fois qu'ils verront que nous avons disparus ils appelleront la police et même si on a une chance d'échapper aux GA avec des policiers sur le dos ça va devenir impossible, on n'y arrivera jamais.

-Il n'y a donc aucune solution...

-Si, il doit bien en avoir une, c'est juste qu'on ne la pas encore trouvée. Il faut encore chercher, on ne doit pas baisser les bras, mais il ne nous reste pas beaucoup de temps. Aujourd'hui Emma, les heures qu'il nous reste, on doit les utiliser pour chercher un échappatoire, on y passera la nuit s'il le faut, mais on doit y arriver. Pour nous.

Emma qui regardait au loin, cherchant une solution se tourna vers lui. Ses cheveux châtains, ébouriffés par les nombreux passages convulsifs de sa main faisaient ressortir le visage pâle et constellé de tâches de rousseur de Marc. Ses yeux verts, dont l'inquiétude les avaient foncés, étaient perdus dans le vague. Emma s'imprégna de cette image, cherchant à la graver dans sa mémoire. Dans quelque jours elle ne serait peut-être qu'un souvenir. Elle se blottit contre son torse, son oreille contre son cœur et se concentra sur les battements réguliers qu'il produisait pour tenter d'oublier la douleur qui commençait à se loger dans le sien.   




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