Chapitre 14 - Faustine

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Je suis une actrice née.

Je n'arrive pas à croire que Myla n'ai pas compris notre stratagème. Après m'avoir copieusement dessus pendant plusieurs minutes, mon mutisme et mon attitude effrayée ont fini par la calmer.

-Qu'est-ce qu'elle a ? a-t-elle demandé à Jake.

Ce dernier ne m'a pas trahi. Comme prévu, il a haussé les épaules négligemment et lui a montré la seringue vide sur la table.

-J'ai dû la calmer, elle était hystérique.

Pour preuve, il lui a montré des griffures sur le visage qu'il s'est fait lui-même avant qu'elle descende en trombe. J'en éclaterais de rire si je ne devais pas jouer la comédie.

Alors nous voilà, tous les trois, dans le salon, à ne pas savoir quoi faire ensuite. Myla fait les cent pas avant de redevenir la gentille et douce femme qui m'avait soutenu à la Tour. Je n'en reviens pas de l'effet qu'elle a sur les gens. J'ai presque envie de me laisser câliner, tout en sachant pertinemment qu'elle pourrait me tuer dans la seconde.

-Tu aurais pu parler moins fort, reproche Myla à l'intention de Jake. Toute cette scène pour rien.

-Ca va durer combien de temps ce petit jeu ?

-Qu'est-ce que tu veux dire ? réponds-t-elle, méfiante.

-Tu sais aussi bien que moi que Faustine et moi ne sommes pas Partenaires. Alors à quoi on joue ici ? Et dans quel camp est-ce que tu es ?

Elle le dévisage avec une incrédulité forcée.

-Est-ce que tu crois réellement être en position de me questionner, Jake ? Et si je racontais au Gouvernement comment tu as kidnappé Faustine après la Révélation ?

-Qu'est-ce que ça changerait ? Ils veulent que l'on soit ensemble, non ?

J'ai du mal à ne pas réagir à ce qu'ils disent, comme si je n'étais pas présente dans la pièce. Mais c'est justement pour ça que Jake aborde le sujet. Il essaie sûrement de me prouver que je peux lui faire confiance.

-Je n'ai pas toutes les réponses, Jake.

C'est assez incroyable, la manie qu'elle a de toujours devoir insister en énonçant nos prénoms systématiquement à la fin des phrases. Il faudrait vraiment qu'elle fasse quelque chose à ce sujet.

-Tu as au moins la réponse d'une question : dans quel camp es-tu réellement ?

Elle soupire et recommence à faire les cent pas dans la pièce.

-Si je devais être honnête, je dirais que je ne sais plus.

Je retiens de justesse un rire moqueur, que je cache pas une quinte de toux. Inquiète, Myla vient me caresser le dos et je trésaille quand elle me touche. Il y a certaines choses que je ne suis pas obligée de feindre, malheureusement.

-Est-ce que tu cherches à nous aider ? Ou à nous utiliser ? insiste-t-il.

-Les deux, répond-t-elle derechef. Je ferais ce qu'il faut pour sauvegarder ma place au Gouvernement et pour aider la Résistance à lutter contre la corruption du Système.

-Tu nous ferais du mal ?

Là encore, Myla répond sans réfléchir.

-Non.

-Pourquoi ?

-Parce que Faustine est la meilleure amie de la femme de mon cousin. Jamais ils ne me pardonneraient si quelque chose lui arrivait à cause de moi. J'ai fait ce que je pouvais pour l'aider sans me trahir.

-Et moi ?

Un silence s'installe et j'aimerais pouvoir me tourner pour regarder la scène.

Au moment où elle s'apprête à répondre, des coups sont frappés à la porte. Je m'immobilise, tout comme Jake et Myla. Mon cœur bat la chamade et j'essaie de contenir ma panique en me retenant d'imaginer le pire.

C'est Myla qui va ouvrir. Et la seconde d'après, une jeune femme entre dans la pièce. Elle est petite, brune, et ses yeux verts et sa démarche particulière me disent vaguement quelque chose. Mais c'est la réaction de Jake qui m'interpelle : il devient livide et s'éloigne au maximum de la femme dont il fait deux fois la taille et probablement trois fois le poids.

Je sais de façon certaine qu'il s'agit de la femme dont il m'a parlé. La femme qui l'a forcé à me piéger. La femme qui est responsable de tout.

-Bonjour Jake, bonjour Faustine, fait-elle d'une voix chantante.

Aucun de nous deux ne répond. Je continue mon petit jeu et me recroqueville d'autant plus sur le canapé. Je me demande comment toute cette scène va finir.

-Je viens prendre de vos nouvelles, poursuit-elle sans se départir de son ton joyeux. Faustine, tu te souviens de moi ?

C'est le moment où je suis censée sortir mon plus grand jeu d'actrice. Mais sans savoir pourquoi, je reste paralysée et refuse obstinément de la regarder. Comme si plonger mes yeux dans les siens évoqueraient trop de choses que je n'arriverais pas à réfréner.

-Elle a eu une crise, explique Myla. On a dû lui injecter une autre dose de sérum. Je ne pense pas que tu obtiendras quoique ce soit d'elle avant un bon moment.

Je suis reconnaissante à Myla d'être intervenue. Je me contente donc de trembler légèrement et de pousser quelques gémissements de temps à autre.

-Est-ce qu'elle se souvient de quelque chose ? demande May à Jake.

-Hier, elle se souvenait de Peeter.

A l'évocation de ce nom, je sens que l'ambiance dans la pièce change à nouveau.

-Bien, répond May, visiblement irritée. Quoi d'autre ?

-Ce matin, elle ne se souvenait plus de rien. Elle ne savait même pas pourquoi j'étais là.

-Bon, acquiesce-t-elle en prenant une longue inspiration. C'est déjà ça.

C'est déjà ça ? J'enrage intérieurement.

-C'était votre but ? lance Jake avec une pointe de méchanceté. De la rendre complètement vulnérable pour la détruire ?

Elle émet un petit rire délicat qui me tape sur les nerfs.

-Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Tu voulais qu'elle soit à toi, non ? Quand vas-tu enfin cesser de te plaindre ?

-Cette fille, là, ce n'est pas Faustine, réplique-t-il sèchement.

May hausse les épaules, visiblement ennuyée par la tournure que prend la conversation.

-Pourquoi est-ce que tu es là ? demande Myla en pesant ces mots.

-J'ai entendu dire que deux Résistants se sont invités à la Révélation publique, et qu'ils chercheraient à récupérer Faustine. Alors je suis venue vérifier que tout allait bien. Et mettre la maison sous surveillance.

Myla ne dit rien alors que May la fusille du regard. Visiblement, il y a quelque chose entre elles que nous ignorons.

-Oh la maison n'est pas déjà sous surveillance ? s'étonne Myla dans une tirade qui sonne tellement faux que j'ai du mal à rester neutre.

-Et bien, tu as dû te tromper de maison, car celle que nous avions préparée se situe quelques blocs plus loin.

-Oh, je suis navrée.

Son ton indique clairement qu'elle ne l'est pas et qu'elle se sent supérieure. Je sens que la situation va dégénérer d'un instant à l'autre.

-C'est étonnant que tu ais choisi cette maison en particulier, poursuit May en s'approchant d'un pas. Sur toutes les autres de la rue, c'est quand même une sacrée coïncidence.

Mais de quoi parlent-elles ?

Au même moment, la porte d'entrée s'ouvre avec fracas.

- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant