Chapitre 2

77 9 0
                                    

Mon estomac me rappel à nouveau que je n'ai toujours rien mangé.

Il faut reconnaître que l'Homme est créé pour être dépendant. Il est naturellement conçu pour être humainement dépendant de ce qui le maintient en vie. Sans cette dépendance à la nourriture ou à l'eau que serions-nous? Surement des êtres sans âmes ni volonté d'assouvir nos désirs. L'Homme est né formaté et destiné à quelque chose qui est déjà écrit et inscrit dans ce que l'on pourrait appeler les anales de la vie.

A croire que nous sommes déjà prédestiné à quelque chose dès notre naissance...


Alors que j'allais prendre de quoi me nourrir dans le frigo, mon regard se fige sur la porte du bureau de mon père qui se trouve à ma droite.

Et c'est là que la mémoire me revient.

Hier.

Hier, j'ai fait une crise de panique ou d'angoisse, appelez ça comme vous voulez. La pression qui pèse sur moi depuis des jours a fini par éclater. Mes nerfs ont lâché.

M'approchant de la porte je constate que celle-ci est restée entre-ouverte.
Hésitant à m'avancer, je me décide finalement à pénétrer dans la pièce.

Les papiers et les dossiers recouvrent le vieux plancher sombre et les rideaux blancs arrachés des fenêtres jonchent sur le sol, tel un drap sur son lit. Les fleurs qui se trouvaient dans le vase ont fini par terre, ne ressemblant à présent qu'à un vulgaire tas de feuille morte et de pétale fanée.
La vieille horloge qui elle, a survécu à ce qu'on aurait pu croire comme un ouragan, sonna 10 heures.

Il est tant pour moi d'aller en cours.

.

Les regards braqués sur moi, je m'accroche à la poignée de la porte pour ne pas tomber. Il y a ce regard interrogateur qui me demande pourquoi j'agis de cette manière, celui qui me dit que je ferais mieux de rejoindre Anna plutôt que de rester planté là, ou encore celui qui me regarde d'en haut me faisant comprendre que je n'évoque que de la pitié. Mais il y a aussi celui qui me plaint, qui m'en veut, qui me détruit, me fait pleurer, m'assombrit, me brise. Toutes sortes de regards sont dirigés vers moi. Mais aucun ne correspond à celui d'Anna.

Ses yeux d'un bleu saphir étincelant ne sont plus là pour me guider. Elle avait un regard hypnotisant. Envoutant. Un regard qui me rendait forte, qui me donnait l'impression d'être spéciale, de sortir du lot, et qui me donnait l'impression qu'à ses côtés je serai toujours en sécurité, qu'il ne m'arriverait rien. Mais tout cela me fait comprendre que c'est moi qui aurais dû la protéger.

Cela fait maintenant cinq bonnes minutes que le prof m'appelle me priant d'aller m'asseoir.

-Veuillez m'excuser pour le retard. Dis-je gênée.

La boule au ventre et les yeux pleins de larmes je tente d'aller m'asseoir. Le coeur qui s'emballe et l'impression de ne plus pouvoir respirer, sont des sensations qui partagent mon quotidien. Tel un chien, elles me suivent partout, en cours, dans mon lit, sous la douche, au parc. Mais il y a un endroit où elles ne sont plus avec moi. C'est à mon entrainement de boxe.

Je crois que sans la boxe je ne tiendrai pas. Elle représente mon adrénaline, ma drogue. Grâce à elle je peux me défouler et évacuer toute cette rage qu'il y a en moi. Cette haine qui me bouffe jours et nuits. Chaque coup porté, une partie de ma rancoeur s'en va. Mais à l'inverse, chaque coup reçu, déclenche un feu qui ne s'arrête jamais. Cette sensation de boucle infinie me maintenait éveillée et en équilibre. 

Anna n'aimait pas la boxe. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas les sports de combats, au contraire, c'est qu'elle ne voulait pas avoir à devoir suivre des règles. Elle, elle préférait taper sans limites. Demandez à ceux qui sont passés sur sa route et qui ne l'on pas respecté. Ils sont repartis bien amochés, croyez moi.

Mais rassurez-vous, elle n'était pas comme ça avec tout le monde. Non, avec les gens qu'elle aimait, elle était sensible et généreuse.

À la fin du cours, M. Dubois, mon professeur d'Histoire-Géo, m'interpelle:

-Emily, tes notes sont en chute, de plus, arriver en retard ne risque pas d'arranger ton cas.

-Je sais...

-Écoute Emily, je sais ce que tu traverses en ce moment, mais la vie continue d'avancer, il faut...

-La vie continue d'avancer?! Vous vous moquez de moi?! Non mais vous croyez quoi?! La vie continue d'avancer pour moi mais pour Anna elle est finie! C'est elle qui devrait être là en face de vous, pas moi! Et puis merde! Comment la vie peut reprendre son cours sans elle?! De toutes façon ce ne sont pas mes notes qui vont faire revenir Anna! Dis-je en claquant la porte et en courant me réfugier dans ma voiture.

Je roule.

Je roulais depuis 1 heure. Et je commence à avoir vraiment faim. Je me dirige alors au Starbucks pas très loin d'ici.

-Salut, je voudrai un cappuccino et un beignet au chocolat s'il vous plait.

Je connais bien le gars à qui je passe ma commande. C'est Marc. Je le connais parce que tout les vendredis après-midi, je venais ici avec Anna. Mais cela fait 1 mois que je ne suis pas venu. C'est plus pareil sans elle. Et j'ai longtemps été réticente à l'idée de garder les habitudes que j'avais avec elle. Puis je me suis rendue compte que c'est une manière de la garder au près de moi.

Il ne m'a pas posé de question sur la raison de mon absence et je l'en remercie. De tout façon, il doit sûrement être au courant. Tout ce sait ici.

C'est pour ça que je fais très attention à ma réputation. Les gens de Lander ont tendances à être mauvaise langue et à s'appuyer sur les faiblesses de certains pour devenir plus fort. Lander est une petite ville du Wyoming  qui me fait penser à un piège à guêpe. Attiré pour y rentrer mais piégé pour en sortir. Mes parents sont persuadés que je resterai faire ma vie ici. Mais ça, c'est hors de question. Je compte bien partir au plus vite et surtout ne jamais revenir. J'ai envie de recommencer à zéro. De tout recommencer dès le début. Avec un peu de chance j'en serai capable.

J'ai toujours admiré ces gens qui arrivent à surmonter les épreuves que nous réserve la vie, avec une facilité admirable. Mais je me demande comment ils font? J'en viendrai presque à croire que ce ne sont que des hypocrites qui ne font que cacher leurs blessures.

Je décide de rependre la route. Une fois au volant, un seul endroit me vint à l'esprit. The Gold Hill. Tel un robot, je me dirige jusqu'à cette colline. Je connais le trajet par coeur, je l'ai fait tellement de fois. Il est même possible que je puisse m'y rendre les yeux fermés. Ce n'est plus moi qui conduis, mais un automate programmé comme un GPS qui sait quand tourner et quand s'arrêter.

Car malgré le temps passé, rien n'a changé.

RevengeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant