Chapitre 4

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Nous sommes mercredi à midi, ça fait cinq jours que le grand-père d'Arina a examiné la pierre. Depuis, nous n'y prêtons plus vraiment attention. La petite boule grise est devenue une décoration comme les autres, posée sur mon étagère.
Je lis un roman policier. Quand j'étais petite je croyais qu'un "roman policier" étais un livre qui poursuivais les criminels, qui aidait la police dans ses recherches. Chaque fois que j'étais au salon, je n'osais plus me gratter, me curer le nez - ce qui aujourd'hui me dégoûte terriblement - , et manger sans couverts en présence d'une étagère remplie de livres et de romans policiers...

Driiiiiiiiinnnnnngggggg !
Ah oui, mince, j'ai oublié que Nora venait. Nora est ma cousine, elle a sept ans. Je la "garde" quand ses parents travaillent -mon oncle et ma tante-. Je cours vers la porte d'entrée et ouvre à ma cousine.
- Salut !
- Bonjour Julie !
Je lui prend son manteau et je lui demande si elle a faim. Je me hâte de réchauffer des restes de pâtes de hier, suite à son « Oui, je meurs de faim». Nous mangeons en silence. Il y a toujours une gêne entre nous deux. Je pense que c'est la différence d'âge, six ans. Mais ça ne nous empêche pas de jouer ensemble !
Je fais le texto suivant à Arina et Méliane, sur un réseau social :

Ma petite cousine est à la maison, qu'est-ce que je pourrais faire avec elle ???? Je n'en ai pas la moindre idée, je m'embête avec elle...
Bisous à vous deux ! ❤️
Julie.

Leurs réponses ne tardent pas :

Demande-lui !
Je suis sûre qu'elle aura une idée !

Ah oui, pas bête, je n'y avait pas pensé.
- Nora, qu'est-ce que tu voudrais faire ?
Je prie pour qu'elle ne me demande pas de jouer au loup...
- Jouer au loup !
Ça confirme mon hypothèse. Les prières ne servent à rien !
Eh, Dieu, pourquoi tu ne les exauce jamais ? Je t'avais déjà demandé d'avoir une bonne note à l'épreuve de maths, j'ai eu 3,5 ! Pareil pour Noël dernier, je t'avais demandé de recevoir un livre de ma grand-mère, et tu sais ce qu'elle m'a offert ? Des chaussettes qui grattent !!?! Le père Noël, lui, il m'a offert une PlayStation quand j'étais petite ! Bon, disons plutôt mes parents, mais c'est la même chose !

- Non, s'il-te-plaît, j'ai mal au genou, je ne peux plus courir... On pourrait jouer à autre chose, non ?
À la tête que fait ma cousine, je devine qu'elle n'est pas dupe. Elle était plus facile à berner avant d'avoir atteint " l'âge de raison" ! Je suis soulagée quand elle me dit :
- Et si on jouait à la Marelle ?
- La Marelle ? Tu n'es pas trop grande pour ça ?
- On y joue tout le temps, à l'école !
- D'accord mais attend-moi trente secondes je j'aille chercher une pierre à lancer.

De toute évidence, je sais qu'il n'y avait pas de cailloux assez grands dans le gravier du garage pour jouer à la Marelle, mais Nora, elle, ne le sait pas. Je cherche donc à perdre du temps. Je me dirige vers ma chambre, en quête d'un quelconque objet qui pourrait être lancé à même le sol, sans être abîmé.
Qu'est-ce que je pourrais utiliser ? Une lampe ? Un ballon de foot ? Non, tout cela est trop grand. Une des pierres précieuses qui se trouvent dans un bol au salon ? Non, trop fragile. Quoi alors ? Un globe, au risque de le casser ? Mes parents ne me le pardonneraient pas. Quoi ? Mais quoi ?
Je pense à la pierre trouvée dans mes pop-corn. Oui, elle est juste la bonne taille ! En plus de ça elle a prouvé chez Arina qu'elle résistait à n'importe quel choc. Oui, parfait. Vraiment.
Je pénètre dans ma chambre, et cherche sur mon étagère la petite sphère.
Quoi ?? Elle était là, à côté de ma tirelire ! J'en suis sûre ! Je trébuche sur mon sac d'école et m'étale de ton mon long sur le parquet. Mes yeux repèrent un contour de quelque chose de rond, juste sous mon lit. J'étends mon bras le plus possible et le glisse sous mon lit. Mes doigts se referment sur quelque chose de rond. Quelque chose de froid. Très froid. Mon cerveau identifie la texture de la pierre grise, incrustée de bleu.

- Julie ?
Ma cousine m'appelle. Je me lève, mes doigts serrant très fort la sphère. Comment diable a-t-elle pu rouler toute seule ? Je n'y ai pas touché, voilà une bonne conviction. Aurélien n'y aurait pas touché, je lui ai strictement interdit de pénétrer dans ma chambre. Ça ne peut pas être mes parents, pourquoi l'auraient-ils enlevée de sa place ?
Je décide de ne pas en parler à Nora. À moins que...
- Nora, est-ce que tu serais allée dans ma chambre ?
- C'est au sujet de la pierre que tu as trouvée dans tes pop-corn, jeudi dernier ?
Comment le sait-elle ?
- Eh oui, balbutié-je. Oui. Comment le sais-tu ?
- Méliane m'en a parlé, dimanche, quand je suis venue. Quand tu es allée au toilettes, tu te rappelles ? Tu nous a laissé seules ensemble, pendant un moment. Elle m'a dit que tu lui avait fait promettre de n'en parler à personne en dehors de leurs trois familles. Donc, elle pouvait me le dire ! Ne te fâche pas contre elle, dit Nora en voyant ma mine furieuse, elle avait besoin de se décharger de se lourd secret !
Nous passons dans le garage pour prendre les craies puis nous cherchons un endroit plat.

- Ici c'est parfait ! lui dis-je en montrant la petite cour devant la maison.
Nous dessinons une énorme Marelle, avec dix cases, à l'aide de craies.
- Tu veux commencer ? lui demandé-je ?
- Avec plaisir ! me répond cette dernière.
Nora lance la pierre sur la première case et saute par-dessus à cloche-pied. Elle fait de grand bons jusqu'au ciel puis reviens.
- À toi !
Je lance la pierre sur la deuxième case et effectue mon parcours correctement.
Nous continuons ainsi jusqu'à la cinquième case.
C'est à mon tour. Je lance la petite boule sur la sixième case et saute à cloche-pied. Première case. Deuxième, troisième, quatrième case. Cinquième case. Alors que je m'apprête à sauter par dessus la sixième, une force surnaturelle me retiens sur place. J'essaie de me dégager, mais rien à faire. Je suis paralysée. Une sorte de tourbillon m'aspire vers la pierre.
- AAAAAAAAAAAHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!! Impossible de résister, l'attraction est trop grande ! Tout mon corps se décolle du sol. Chacuns à leur tour, mes membres disparaissent, aspirés par la pierre. Mes pieds pour commencer, puis mes jambes, mon bassin, etc. Je sens toute mes forces me quitter et je bascule dans le néant et perds connaissance.

AdécralliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant