Chapitre 7

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"T'as une fuite ?"

Eva releva brusquement la tête.

"Oh ta gueule ! Répondit-elle lorsqu'elle vit son interlocuteur. C'est pas le jour, vraiment pas.

-Tu t'es cassé un ongle ?"

Eva dévisagea le garçon qui se tenait face à elle. Le même que les deux dernières fois. C'était une sale racaille de banlieue qui pensait qu'à foutre le bordel, et ce gars se permettait de la juger ?! Il ne savait pas ce qu'elle avait enduré, personne savait. Alors comment cette petite merde osait la juger ?

Eva se releva, sans un mot.

"Ta mère ne t'as pas appris la politesse ? Souvent on répond quand..."

À l'évocation de sa mère, Eva sentit une vague d'adrénaline envahir son cœur. Sans réfléchir plus, elle flanqua son poing dans le nez du garçon.

Celui-ci ne vacilla pas. Il avait l'habitude de se faire tabasser par des baltringles venant d'autres quartiers. Mais par une gonzesse, c'était la première fois. C'est lui qui décidait généralement. Les filles se soumettaient à lui, aussi bien dans la vie quotidienne qu'au lit. Il avait un visage fort et fermé qui intimidait tout le monde, même ses potes. Seule sa mère n'avait jamais eu peur de lui remettre les pendules à l'heure.

Cette gamine commençait sérieusement à lui en faire voir de toutes les couleurs. Depuis que lui et ses potes l'avait agressé elle ne cessait de se pointer à sa table.

Le garçon eu un mouvement de recul : la nana était en train de tomber amoureuse de lui, sinon pourquoi elle reviendrait sans cesse ?

La jeune fille récupéra ses affaires et s'en alla sans demander son reste. Le jeune homme la regarda partir sans prononcer le moindre mot.

Quelques instants après, il entendit des pas qui s'approchèrent. Il tourna la tête et aperçut deux de ses amis. Le grand black avait le crâne rasé et portait des lunettes de soleil. Il était plutôt fin. Il n'avait jamais voulu faire de la muscu ou apprendre à se défendre. Il était arrivé en France à l'âge de quatre ans, ses parents ayant préférer quitter le Sénégal. Le deuxième était plus petit mais beaucoup plus costaud. Lui avait, contrairement à son ami, abusé à la salle de sport. Il était d'origine libanaise. Au quartier personne ne le prenait vraiment au sérieux puisqu'il avait la peau très claire.

"Et mec ? S'écria le libanais. Tu te battu sans nous ?"

Le jeune homme eu un sursaut. Ses amis l'avaient vu avec la fille. Ils avaient vu le coup qu'il s'était prit.

"Vas y ferme ta gueule frère !

-Nan mais sérieux ! T'as du sang plein le nez mec ! S'esclaffa le grand black. Qu'est ce t'as foutu ?"

Le jeune homme passa ses doigts au niveau de son nez puis les regarda. Il saignait. Il saignait à cause d'une fille. Heureusement que ses amis n'avaient pas vu l'action sinon sa réputation était en jeu.

Cette gamine commençait sérieusement à l'agacer. Il valait mieux pour elle qu'elle ne se retrouve plus sur son chemin.

"Je me suis pris un mur."

Ses deux amis se dévisagèrent et éclatèrent de rire simultanément.

"Sérieux mec, tu t'es pris un mur ?" Riait Idriss, le libanais.

"Bon ta gueule là."

Les deux garçons continuèrent de se foutre de sa gueule toute la fin d'après midi.

Vers 22 heure, le jeune homme rentra chez lui. Quand il tourna la clef dans la serrure quelqu'un ouvrit la porte. Il se retrouva face à sa mère qui semblait être en colère.

"Yemma... "

"Malik, on peut savoir où tu étais ? Commença sa mère en arabe.

-Avec Idriss et Kaleb. C'est bon Yemma je suis Clean ! Continua le jeune homme en français."

La mère prit son fils par le bras pour le faire rentrer dans le modeste appartement. Elle lui lançait des regards noirs. Le jeune homme remarqua alors que sa mère portait un uniforme inhabituel.

"Qu'est ce que c'est ? Questionna le garçon."

La mère lâcha son fils qui s'affala sur le vieux canapé. Elle alla vers le lavabo qui se trouvait dans la même pièce. Elle baissa les yeux vers cet accoutrement ridicule. Elle passa ses mains sur le tablier pour essayer de retirer des plissures. Puis elle leva la tête vers son fils et lança, résignée :

"J'ai trouvé un nouveau travail. C'est au noir, chez une famille riche par là bas, dans les quartiers bourgeois... Expliqua-t-elle dans sa langue maternelle."

Malik se passa les deux mains sur son visage, puis saura du canapé.

"Non ! Non ! Tu as un travail à carrefour ! Et même si c'est mal payé, t'es sur d'avoir un salaire tous les mois ! T'es stable ! Si ils apprennent que tu travaille au noir tu vas te faire virer direct !

-Malik ! Ça suffit ! Ma décision est prise ! Je n'ai pas le choix ! Je ne travaille que quelques heures par semaine! Et le SMIC ne permet pas tout ! Mais ça les factures s'en fichent, elles sont toujours aussi chères ! Donc je travaillerai de 11 heure à 3 heure de temps en temps chez cette famille... Tu ne m'aide pas aussi Malik..."

Le jeune homme en avait assez entendu. Il partit dans sa chambre. Il était hors de lui. Sa mère lui reprochait de ne pas l'aider alors qu'il pouvait ramener tout un paquet de bifton n'importe quand ! Il suffisait de demander !

Sa mère lui avait faut promettre d'arrêter de dealer le mois dernier. La police devenait beaucoup trop curieuse et le jeune homme était en danger. Ce qui animait ses journées depuis la troisième avait disparu. Dorénavant il trainait dans le quartier. Et la plus part du temps seul, puisque ses amis continuaient dans le réseau.

Malik le savait. Il avait juste à appeler une personne qui le replacerait dans le circuit aussi sec. Les nombres qui s'affichaient brûlaient les yeux du jeunes hommes. À ce moment précis, il se mît à haïr toutes les enfants et les adolescents qui s'inquiétaient juste pour un jouet cassé. Malik avait besoin de pleurer si il se faisait larguer, mais comment faire lorsque nos larmes n'ont pu sortir pour notre père ?

À la pensée de son père Malik revit des images. Leur arrivée en France. La bonne humeur de ses parents. L'appartement provisoire où ils s'étaient installé qui est encore le même aujourd'hui. L'ascension. L'integration.

Mais comment s'intégrer quand même une carte d'identité française ne prouve pas son appartenance à la patrie ?

Malik a comprit peu de temps après la mort de son père qu'il ne sera jamais français aux yeux des "natifs".

Quand son père est tombé malade, l'argent a cessé d'affluer. Les mutuelles refusaient de rembourser car il manquait toujours une signature ici, un papier inutil. Après six mois, les soins ayant débutés pour son père, le jeune garçon vit des policiers rentrer chez lui. Sa mère a été emmenée au poste pour fraude à l'assurance.

Toutes les démarches administratives ont été stoppées nette. Les soins de son père coûtaient chers et le remboursement ne venait pas.

Trois mois plus tard le père mourut. La mère fut libérée de prison. Le juge accepta que son bas niveau de français avait pu l'amener à faire des erreurs. Et puis il ne fallait pas laisser un enfant de dix ans sans famille après un décès.

Deux ans plus tard, un médecin les a contacté. Il nous a apprit que le père ne prenait plus son traitement depuis l'arrestation de sa femme. En faisant cela, il pensait pouvoir l'aider et il voulait accélérer le remboursement.

Malik allongé sur son lit, repensa à la dernière phrase du médecin :

"Le cancer était fini, un mois de traitement de plus et il aurait été sauf."

Eva Kenesky -Un cœur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant