— Allô ?
— Madame Nevers, j'appelle pour obtenir des renseignements à propos de votre affaire.
— Je ne réponds pas aux questions des journalistes, merci.
— S'il vous plaît ! Nous ne ferons pas d'article de presse et aucun documentaire sur votre situation. Nous avons eu l'idée de publier un livre sur votre histoire. Chaque jour, vous aurez la chance de rencontrer un auteur qui a accepté d'écrire sur vous. Le peu qu'il a appris sur votre situation l'a intéressé. Vous seriez d'accord ? Nous l'avons contacté et il est prêt à vous rendre visite les jours possibles dans votre cellule. Ce ne sera peut-être pas de tout repos, mais vous avez de grandes chances d'être mieux comprise par la population du dehors qui vous voit comme complice alors que ce n'est pas le cas.
Alice marqua un temps. Car du temps, elle en avait. Elle était même engouffrée dedans. Écartée de la vie pour plusieurs années encore.
L'esprit neutre, elle s'appuya contre le mur et tenta d'oublier qu'elle était dans une salle de communication où les détenus pouvaient recevoir des appels extérieurs et en passer.
— Vous, en qui vous croyez ?
— Pardon ?
— Vous êtes attachée de presse, c'est bien ça ?
— Oui, madame Nevers.
— Qui est-ce que vous croyez ?
— Je ne comprends pas...
— Si, vous comprenez. Seulement vous n'êtes pas autorisée à dire ce que vous pensez. Moi je vous l'autorise, je vous le demande, même. Dites-moi ce que vous pensez de ma situation. Si vous êtes sincère, j'accepterai la proposition que vous m'avez faite.
Face à l'hésitation de sa correspondante, la détenue dit d'une voix douce et convaincante :
— J'étais juge, je ne le suis plus. Vous pouvez me confier ce que vous attendez de moi. Vous êtes jeune, ça s'entend. Je ne profite pas de ça pour vous faire virer du magasine pour lequel vous travaillez, simplement j'aimerais profiter de votre manque d'expérience pour retrouver un peu d'humanité. Vous comprenez ?
— Oui...
Une minute passa, Alice espéra que la communication ne coupe pas brutalement.
— Je trouve que c'est horrible, ce que vous avez vécu, mais en même temps... Vous avez fait confiance à un trafiquant de diamants. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait du père de votre fils, qu'il voulait bien faire en envoyant en prison des cerveaux de l'opération de trafic, et ce que j'ai finalement retenu... C'est que vous étiez une femme forte et courageuse qui n'avait pas fait confiance aux bonnes personnes dès le départ. J'espère sincèrement que vous vous en sortirez.
— Même si je pense que le fait de m'avoir au téléphone vous pousse à prononcer des éloges à mon égard, je vous suis reconnaissante d'avoir répondu à ma question. J'espère que vous n'êtes pas la seule à penser de cette façon mais, d'où je suis, l'opinion publique m'importe peu. J'accepte de m'entretenir avec votre auteur, sauf quand je me sentirai fatiguée.
— Merci madame le juge. Vous avez du cœur.
— Je ne le fais pas pour les journalistes ou individus à la curiosité déplacée, mais pour ceux que j'aime. Pour leur faire savoir que je suis capable de tenir et qu'ils n'ont aucun souci à se faire. Je vous remercie également. Votre prénom ?
— Charlotte.
— Au revoir, Charlotte. Et merci.
Deux tonalités raisonnèrent. Il fallait insérer cinq centimes dans le monnayeur pour rappeler.
Alice fit signe au geôlier. Celui-ci l'emmena aussitôt rejoindre les quatre murs délavés qui lui étaient réservés depuis maintenant deux mois.
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Justice et sentiments
RomanceL'Amour destiné à sa perdition. Arrêtée pour complicité de vol, recel et entrave à la justice, Alice Nevers va devoir faire face au quotidien houleux d'une prisonnière. Anciennement juge, actuellement impuissante, survivre devient sa seule solution.