Sélène, Divergente

Chapitre 1 : Le Test

Il est 8 heures du matin, nous sommes le premier mai 2031, un an après la cérémonie du choix à laquelle Caleb et Béatrice ont participé. Je dois me rendre au centre de la ville, pour savoir quelle faction me conviendrait le mieux. Chicago est une très belle ville mais malheureusement trop fractionnée : les cinq factions dirigent séparément la ville et les sans-factions en sont mis à l'écart. Si tu rates les tests d'entrée dans une faction ou que tes parents sont des sans-factions, tu le deviens. La ville en est remplie depuis le quasi-génocide des Altruistes programmé par Jeanine, la chef des Erudits, parce qu'elle pensait qu'on profitait de la nourriture destinée normalement aux sans-factions. Le calme a plus ou moins été remis en place même si cette femme reste encore vivante. Ma soeur aurait pu la tuer, mais elle l'a épargnée. Tris est une fille avec un grand coeur, et ce n'est pas Quatre (aussi appelé Tobias par sa mère) qui dira le contraire. En effet Tris est tombée amoureuse de son entraîneur avant de devenir une vraie Audacieuse. Jeanine s'est proclamée maire de la ville, sans en parler aux autres chefs de faction, et elle a organisé des fouilles. Aucune révolte. On a tous dû rester soumis à son pouvoir. Je n'ai aucun but dans ma vie, à part la voir morte.

J'arrive enfin dans le centre. C'est là que les grands chefs se réunissent, qu'il y a l'école, la gare et le centre commercial.
Toute ma scolarité s'est déroulée dans cette école qui n'abrite seulement que des élèves de moins de seize ans, l'âge de la majorité dans notre ville.
La gare abrite beaucoup de sans-factions, pauvres et vêtus de couvertures sales. Beaucoup de trains arrivent de tous les coins de la ville.
J'adore le centre commercial, avant on pouvait y rentrer librement alors qu'à présent on se fait fouiller par les soldats de Jeanine. Je me rappelle qu'un jour, il y a déjà trois ans, Caleb avait écrasé le pied d'un des commerçants pour s'échapper du magasin dans lequel il avait volé une dizaine de biscuits, parce que nos parents manquaient d'argent. C'était le bon vieux temps. S'il le refaisait aujourd'hui, il pourrait être sûr d'être embarqué direction prison.

Je me dirige alors vers un gratte-ciel de quarante étages et une fois rentrée à l'intérieur, une jeune femme brune, svelte, musclée et tatouée m'accueille. Elle me demande de la suivre et de bien faire attention de ne pas "m'amuser" à glisser le long du couloir parce qu'on venait de nettoyer le sol. On arrive dans une pièce ronde sans une seule fenêtre. Je sais ce qui m'attend : elle préparera un sérum qu'elle m'injectera ensuite. Le sérum, très puissant, me transportera vers un autre monde inventé par mon cerveau. Pourtant, elle décide d'abord de me parler :
    - Tu es inquiète ?
    - J'ai peur, mais je suis obligée d'y passer si je veux devenir une adulte, n'est-ce pas ?
    - Oui, me dit-elle.
Avant même que je lui pose une seconde question, je sens une aiguille pénétrer dans une veine, et j'aperçois du sang couler tout le long de mon cou.

C'est à ce moment que je ferme les yeux et que je vois une pièce remplie de sang. Pourquoi ? Qui as-tué qui ? Je me sens comme dans un rêve mais je sais que ça n'en est pas un et que je passe un test. Des humains se ruent autour de moi en m'attaquant et en m'insultant de criminelle. Ils me disent que si j'avais tué Jeanine, tous ces innocents ne seraient pas morts. Ils sont tous habillés de noir, comme s'il revenaient d'un enterrement. Je crie tellement fort. Ils ne m'entendent pas et continuent de me battre.
Du sang coule en abondance de mon nez et de ma bouche. Une idée me vient : je m'imagine sortir de la pièce, et j'arrive dans un parc. Je m'y promène en attendant que quelque chose se passe et d'un coup, des arbres géants me tombent dessus un par un, tel des dominos. J'arrive à les esquiver, en courant de plus en plus vite comme lorsque je fais des cent mètres, et à attraper les fruits qui tombent. Je parviens à en goûter un mais il a goût qui m'est inconnu. Je vois une petite forme claire bouger sur la pelouse : un nourrisson est à l'endroit où va s'écraser un sapin devant moi. Je l'attrape avant de m'éloigner en vitesse, et étonnée, je l'entends me parler :
    - Pourquoi m'as-tu sauvé si tu sais que je n'existe pas ?
    - Peut-être est-ce un instinct d'Altruiste, ayant vécu seize ans avec des parents de cette faction.
    - Bravo. A présent, tu peux te réveiller.
J'ai l'impression que c'est le bébé qui me parle, cependant je reviens dans la réalité, tranquillement.

La femme de tantôt me regarde tristement et m'annonce mes résultats tout en chuchotant :
    - Altruiste 7/10, Audacieuse 9/10, Erudite 8/10, Fraternelle 7/10, Sincère 5/10.
Je... je suis choquée. Tes cinq points sont au-dessus de la moyenne, deux résultats sont égaux ! Tu sais ce que ça veut-dire, Sélène... ? Tu es Divergente, comme ta soeur. Je n'ai jamais vu des membres d'une même famille dans le même cas. Si tu parles de ça à qui que ce soit, même à Tris, on te tuera. Jeanine ne se gênera pas. Tu dois faire attention à toi, car.. bien.. tu représentes une menace pour l'humanité d'après elle. Je suis désolée. Demain, tu choisiras la faction que tu préfères. Fais le bon choix.»
Elle me fait sortir directement de la pièce et va chercher un autre adolescent qui doit passer son test. Je suis bouleversée. Je vais devoir faire comme ma soeur et essayer de cacher ma véritable personnalité. C'est abominable de me demander de préserver un secret de cette taille.

Je sors du gratte-ciel, de la place, et je cours à nouveau. Rentrer chez moi et pleurer, ce sont les seules choses que je veux faire. Pour moi, la vie d'une Divergente ne se résume qu'à mourir cruellement n'importe quand et n'importe où. Je ne verrais peut-être jamais mourir Jeanine avant moi. En fait, c'est elle qui me tuera sans rancoeur. Cette idée me fait pleurer encore plus. Je tombe même, et des gens dans la rue ne me voyant pas me relever accourent pour m'aider. Impossible de me soulever, je suis paralysée de terreur, et je perds connaissance.