Le haut-parleur crépita à l'intérieur du casque de ma combinaison.
— Dr Kendall ! Nous avons détecté des survivants.
Ici ? Impossible !
— Tu as entendu ça Taisha ? On risque d'avoir un comité d'accueil... Tu peux me donner un coup de main ?
Je me retournai. Mon père avait une main sur le rebord du toit et l'autre accrochée à un piolet. Je pouvais le voir grimacer derrière son casque. Il gémit lorsque je tirai son bras et l'aidai à se hisser.
— Merci... tu as une sacrée poigne !
— Tu crois qu'il s'agit de pillards ? demandais-je.
Il sourit.
— À ce stade, j'en serais presque heureux. Non, je pense qu'il s'agit d'une erreur... Wôw. Belle vue d'ici !
Mon père posa la main sur mon épaule et me désigna le paysage loin en contrebas.
Il était loin de la vérité, ce n'était pas beau... c'était magnifique.
Sous un ciel gris crépusculaire, chargé d'éclairs et de colère, quelques faisceaux solaires transperçaient la sombre croûte nuageuse et venaient frapper la rivière Hudson, figée dans son linceul de cristal. Le rideau de lumière, pris au piège dans les méandres aux liserés d'argent, explosait en de multiples arcs en ciels et chatoiements.
— Il faut continuer ma puce. Le cristal monte.
Mon père disait vrai.
La peste gagnait les hauteurs. J'entendais le crissement de la pierre qui se fissurerait, le son du verre qui se cassait et du métal qui se tordait. L'écho se répercutait entre les quelques gratte-ciels assiégés encore debout.
— Prépare ta Tyrolienne Taisha. Il va nous falloir prendre de la hauteur. Encore un immeuble et nous pourrons enfin atteindre le Freedom Tower.
Il activa son micro et dit :
— J'espère que la nef va nous accueillir avec du champagne et des petits fours.... Allo !...Pas de réponse ?
— Je crois qu'ils n'ont pas ton sens de l'humour Papa.
— Pas grave, on devra se contenter de pilules et de mousse protéinée... Tu es prête ?
Je sortis la Tyrolienne du sac à dos et m'approchai du bord du toit.
Non je n'étais pas prête.
— Attention, c'est haut, il va falloir bien viser, n'essaie pas d'atteindre le toit. On n'aura pas assez de cordage. L'avant-dernier étage devrait suffire. Fais attention à l'angle aussi, à mon signal ! Go.
Nous tirâmes au même moment. La corde émit un sifflement. Le lanceur frappa mon épaule lorsque la première ancre se ficha dans le béton derrière moi, l'impact suivant fut moins douloureux.
Mon père tira sur le cordage.
— Ça à l'air de tenir, les chances de tomber et finir empalés sur une stalagmite de cristal sont assez faibles.
Il désigna l'immeuble qui nous faisait face.
— C'est le building qui abritait le « New York Academy of Science ». C'est la première fois que je m'y rends sans passer par la porte d'entrée !
— Je n'arrive pas à savoir comment tu fais pour être de si bonne humeur.
Je le vis sourire, mais ses yeux restaient tristes. Je regrettai de lui avoir dit ça.
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Aube minérale
Short StoryNouvelle écrite dans le cadre du concours "Peste Cristalline" dans le cadre du concours organisé par @sayadinah La musique qui accompagne la lecture est "Daydreaming" de Radiohead.