Chapitre 9: Nous

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        —Mila... Mila, appelle une voix lointaine à peine perceptible.

        Je m'éveille en sursaut en étant prise d'étourdissements. Ma vision n'est pas très claire. Une sombre lumière éclaire la pièce dans laquelle je me trouve. Noah est près de moi, à genoux pour être à ma hauteur. Il effleure mon visage pour le dégager de quelques mèches de cheveux.

        —Où sommes-nous ? m'inquiété-je.

        —À la maison, dans ta chambre.

        —Rassure-moi, ça ne fait pas quatre mois que je me suis assoupie ?

        —Non, que quelques heures. Je crois que tu en avais bien besoin avec tout ce que tu as vécu.

        —Et Mme Brennan va bien ?

        —Elle est à la clinique. Elle est encore choquée, mais son état est bien plus que stable. Tu te sens bien ?

        —Je pourrais avoir un verre d'eau ?

        —Mademoiselle oublie les bonnes manières à ce que je vois !

        Je soupire en laissant filer un petit rire qui sonne plus à un grognement qu'à autre chose. À ce son, Noah part d'un grand rire.

        —Allez ! S'il te plaît !

        Il revient un instant plus tard avec mon verre d'eau. Le mouvement de celle-ci me rappelle crument le lac dans lequel nous avons sauté quelques heures auparavant. Je ne touche pas mon verre. À la place, je regarde mon frère avec crainte et inquiétude.

        —Comment se fait-il que je porte toujours les mêmes vêtements ? Ne devraient-ils pas être trempés ?

        —Tu as tant de chose à réapprendre, Mila. Je vais donc commencer par te parler du Portail.  Ce dans quoi nous avons sauté, hier, n'est pas de l'eau. C'est une substance semblable à l'eau, lorsqu'on la regarde à l'œil nu. Pourtant, c'est une des inventions les plus incroyables en matière de technologie. Elle permet de décomposé un corps en minuscules particules et de les faire voyager dans l'espace.

        —Un genre de... téléporteur ?

        Il hoche la tête affirmativement. C'est impossible ! Ça ne se peut pas !

        —Mensonge ! La magie n'existe pas ! C'est pas possible ! fulminé-je avec furie en essayant de me convaincre moi-même que ce ne sont que des sottises. Ne me mens pas.

        —Ce n'est pas de la magie et c'est loin de l'être. C'est de la science à son plus haut niveau. Ce sont des années de recherches par Papa !

        —Arrête ! C'est juste impossible ! Je veux lui parler et à Maman aussi. Maintenant... s'il te plaît.

        Il détourne le regard. Ce n'est pas bon signe et je n'aime pas cela. Son expression est mélancolique, il me cache quelque chose et j'en suis certaine.

        —Je ne peux pas rejoindre les parents. C'est... compliqué.

        —Compliqué ?

        Des idées inconcevables surgissent dans mon esprit. Cette situation est bien trop étrange pour être réelle. Tout cela n'est peut-être en fin de compte qu'un rêve, qu'un cauchemar !

        —Où sont-ils ? répété-je en pesant chaque mots de ma question.

        —En voyage...

        —Noah, où sont-ils ? Tes yeux te trahissent...

        Il reste silencieux. Je retrouve le bon vieux Noah que j'ai connu hier matin : impénétrable. Je ne me sens pas à mon aise dans cette maison. Une impression de manque, peut-être. Mon subconscient, celui qui se souvient de tous les événements, mais qui ne me donne pas accès à son contenu, sait qu'il n'est jamais venu ici auparavant. Il y a des murs vieillots de briques et de pierres ainsi que des petites statuettes d'animaux en bois déposées sur la tablette de l'âtre.

        —Ce n'est pas ma maison. Ça fait longtemps que j'aurais changé la décoration.

        Je pense. Je réfléchi sur la tournure des choses, sur le Portail et tous les secrets que renferme Noah DeLaRue.

        —Je ne te connais pas, lâché-je.

        —Je sais, je sais. Nous avons du temps devant nous pour réapprendre à nous connaître. En plus, tu as toujours été un réel mystère pour moi, même si on était très liés.

        Il ne semble pas avoir compris mon message. Il ne l'a pas pris au pied de la lettre.

        —Ce que je voulais dire, c'est que je ne pense pas que nous ayons déjà vécu ensemble. Je pense que tu étais simplement le gars malchanceux dans le coffre de cette voiture. Tu n'es pas mon frère et tu ne peux pas contacter mes parents ! m'emporté-je avec véhémence.

        Il ne me répond pas. Il se lève et quitte la chambre en laissant la porte grande ouverte. Je suis coincée ici, il ne me permettra jamais de sortir. Je repense donc à ma dague, celle qu'il m'a offerte. Je pose ma main sur ma ceinture : elle y est encore. Je la dégaine de son étui de cuir. Je n'aurai qu'une chance, qu'une tentative... Entre les omoplates ou bien sous la gorge.

        Mon cœur s'emballe. Je me dirige vers la porte d'une démarche ingambe. La demeure ne semble pas très grande. C'est un style champêtre. Dieu du ciel, où suis-je ?  Les pièces sont toutes proches les unes des autres. Malgré cela, aucune trace de mon soi-disant frère dans les parages. La cuisine, vide. La chambre à coucher — sûrement celle de Noah —, vide. La salle de bain, même chose. Où est-il bon sang ! Je me déplace furtivement vers la porte d'entrée de la maison, lorsque j'entends un fracas qui ressemble au bruit d'une assiette de porcelaine qui se casse, derrière moi. Je me retourne, mais Noah attrape mes bras, m'obligeant à lâcher prise et à laisser tomber mon arme sur le sol.

        —T'es folle ou quoi ? s'alarme-t-il. Qu'est-ce qui te prend ?

        Je n'ose pas défier son regard, alors je baisse les yeux. Ce n'était pas une assiette de porcelaine, non. C'était un cadre d'une photographie. Il me relâche et je me frotte les poignets, car sa force me les avait littéralement broyés.

        —Je suis désolé d'avoir réagi comme ça et t'avoir fait mal. J'ai juste flippé quand je t'ai vu avec ta dague, me dit-il.

        —La maison était vide, où étais-tu ?

        Il ramasse la photographie et me rend le bijou tranchant par la même occasion.

        —Au grenier, répond-il tout bêtement.

        Il me fait signe de le suivre. Ce que je fais. Il s'assied sur mon lit et tape à quelques reprises à côté de lui. Je prends donc place, penaude. Noah me dépose ce qu'il reste du cadre dans les mains. C'est une photo de famille. Il y a deux adultes et deux adolescents. Ils sont tous réunis autour d'une table — ils célèbrent un anniversaire — et sourient à la caméra. Un certain détail parvient à me captiver : la couleur des yeux resplendissants des jeunes tire sur le vert.

        —C'est... nous ? demandé-je en levant un sourcil interrogatif.

        —Oui, c'est nous, me confirme-t-il. C'était à ton anniversaire de quatorze ans.

        J'observe attentivement tous les visages. Celui de Noah a beaucoup changé, entre autres à cause de la moustache qui n'est pas présente sur l'image. Moi, je me reconnaîs bien. Ma mère, elle, est encore plus belle que ce que je m'imaginais. Elle a les traits fins et une magnifique tresse couronne. Je lui ressemble peu. La figure de mon... de mon... père...

        Tout mon corps se met à trembler, mon cœur à s'emballer et je connaîs, malheureusement, déjà la suite. J'entre en transe...

Déjà-Vu Tome1: Les souvenirs du FlambeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant