Angel & Marie - T. 2

Prologue

— Bonne matinée, mon petit cœur ! Maman viendra te chercher tout à l'heure.

Marc envoya à Marie un grand sourire et retourna aussitôt au puzzle qu'il venait de découvrir dans sa nouvelle classe. C'était sa première rentrée. Marie et Angel l'y avaient préparé depuis plusieurs mois en lui disant : « Bientôt, quand tu auras trois ans, tu pourras aller à l'école, tu verras, tu y apprendras plein de choses, tu te feras plein de copains ... ». Il avait passé l'été à leur demander quand c'était « bientôt », impatient d'être un grand qui va à l'école. En ce premier jour, c'était presque lui qui avait traîné sa mère par la main tant il lui tardait de pénétrer enfin dans ce lieu si vanté par ses parents.

En revanche, l'impatience n'était pas vraiment ce qui caractérisait Marie ce jour-là. Oui, elle était contente que son fils entre en maternelle. Mais elle avait aussi un petit pincement au cœur : son bébé faisait ses premiers pas dans une vie sociale qui, à terme, l'éloignerait d'elle. Il lui fallait accepter de le lâcher, de le confier à d'autres, de ne plus être tout à fait le centre de son univers, et ce n'était pas évident.

Bien sûr, elle mesurait avec joie le parcours effectué depuis ce jour fatal de la visite d'Elodie et Sandra. Pendant longtemps, elle n'avait pas pu imaginer qu'elle verrait un jour son fils franchir les grilles d'une école. Il avait été tué dans son ventre par les deux diablesses, mort avant même de naître. Elle aussi, morte, sa trace effacée de la Terre. Elle avait ensuite coulé des jours presqu'heureux où elle avait rendu régulièrement visite à l'âme de son fils dans l'au-delà. Elle avait mené une vie paisible d'ange gardien auprès d'Angel, alternant les moments de protection de sa mère et de son frère pour lesquels les Juges avaient craint l'acharnement des deux furies, et des moments de tendres ou passionnés tête-à-tête avec son aimé. En apparence, elle avait vécu son rêve : pouvoir aimer à loisir et pour l'éternité Angel.

Oui, mais quelque part tapie au fond de son âme, s'était tenue une amertume que les satisfactions nouvelles de sa vie d'ange n'avaient pas fait taire. Elle n'avait pas accepté cette maternité avortée. Ce n'était pas son choix. Cela lui avait été imposé. Par la violence des deux harpies d'abord et par la décision des Juges ensuite. Et une fois de plus, on ne lui avait pas demandé son avis sur la solution à apporter. Certains jours, elle avait eu l'impression d'une béance en son corps. Comme dans ce rêve, quasi prémonitoire, elle s'en rendait compte aujourd'hui, où elle avait vu Elodie et Sandra lui percer un immense trou en plein ventre.

Angel ne s'était pas mieux porté qu'elle, elle l'avait perçu. Malgré le bonheur évident qu'il avait trouvé dans leur vie commune, dans leurs jeux intimes, elle avait vu et voyait encore parfois une ombre ternir son regard. Comme si un poison l'avait rongé de l'intérieur. Cette ombre lui était apparue comme une menace attendant son heure. Prompte à surgir avec violence au moment propice.

Ceci expliquait peut-être cela...

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