Un air de fête anime cette belle soirée étoilée. Je me vois bouger et danser avec des amis sur une musique rythmée et électronique. Je balance mes cheveux d'avant en arrière en me laissant entraînée par le son. Un peu plus loin, Noah fait la même chose, un verre d'alcool dans la main. À la fin de la chanson, je salue mes amis et le rejoins. Je tire sa chemise à moitié déboutonnée pour lui faire comprendre qu'il est l'heure de partir. Il fait mine de m'ignorer. Je le prends donc de force par le bras pour le sortir à l'extérieur. Il fait froid et il y a un peu de neige : l'hiver vient tout juste de commencer.
Il ne peut pas conduire dans cet état d'ébriété. Nous nous rendons donc à la cabine téléphonique la plus près. Je connaissais bien les lieux. J'imagine donc que je suis venue plus d'une fois dans le voisinage. Je sais que ce n'est pas Raven Creek, parce que les maisons ont l'air plutôt huppées. tHors, d'après ce que j'ai observé, Raven Creek n'a qu'un centre-ville avec des immeubles et une banlieue très pauvre.
En composant le numéro, je vois Noah tituber en plein milieu de la rue. C'est amusant sur le moment, mais je me rends compte que c'est dangereux, même si la rue n'est pas du tout achalandée. Sobre comme je suis, je me permets donc de rire, et lui aussi.
—Salut, Maman ! dis-je au téléphone. Vous pouvez venir nous chercher ? Hors de question que je monte avec Noah dans son état !
Je discute un peu avec elle avant de lui dire au revoir et de raccrocher.
Brusquement, une main puissante d'homme me happe par les épaules et m'entraîne danns l'obscurité, loin des réverbères. Je lâche un cri de terreur qui alarme Noah, mais il me fait taire en couvrant ma bouche de son énorme main tatouée. Mon frère, aussi ivre soit-il, se jette sur lui, mais un deuxième homme l'en empêche en le maîtrisant et en pointant un pistolet sur sa tempe. Pensant l'avoir contrôlé, l'homme n'a pas vu venir le coup de tête de Noah. Dégagé, il rue de coups mon agresseur quelques secondes avant de prendre une balle dans le pied. J'aurais pu m'enfuir, mais je n'étais pas sortie de ma torpeur. Noah hurle de douleur. J'aimerais l'aider, mais je ne peux rien faire face à eux. Ils sont trop forts.
Après nous avoir ligotés et bâillonnés hors de la vue des passants, un troisième colosse fait apparition et me demande :
—Combien de temps avant que ta chère maman vienne te chercher ? Tu la mène à nous sans même te l'avoir demandé. C'est bien plus simple !
Je le fixe d'un regard assassin. Mon frère est crispé et pantelle bruyamment. Je sais qu'ils arriveront à leurs fins. J'espère juste qu'ils ne feront de mal à personne. J'essaie de m'en convaincre.
—Ça fait des jours entiers qu'on vous suit à la trace et vous nous offrez une chance d'en finir une bonne fois pour toute. Nous la prenons avec joie ! commente l'autre à l'œil rougi par le coup de poing.
Un réverbère révèle les traces de la lutte. Je me fais la promesse qu'aucune autre goutte de sang ne tombera sur ce sol de béton. Je le jure.
Les phares d'une voiture illuminent la froide nuit d'hiver. L'ultime moment où les intentions des agresseurs seront dévoilées est arrivé. Une femme et un homme sortent du véhicule. Je les reconnaîs sur-le-champ : ce sont mes parents. Mon père est grand et costaud. Il a une barbe courte et des yeux d'un bleu perçant.
—Cette chère Alice nous a même amené votre père. Comme ma mission est facile grâce à vous ! dit le troisième assaillant en chargeant son arme.
Mes parents semblaient nous chercher. Ma mère sait que je lui ai donné rendez-vous ici, près de la cabine téléphonique. En voyant qu'il n'y a personne, ils savent que quelque chose de suspect se déroule. Instinctivement, mon père empoigne son pistolet, prêt à tirer, et ordonne à ma mère de partir maintenant en voiture.
Mais il est trop tard.
La première balle atteint ma mère en plein poitrine. Elle s'écroule au milieu de la rue, son buste ruisselant de sang. Mon père riposte en tirant trois coups dans la même direction d'où provenait la balle. Le criminel à côté de moi s'effondre lourdement, sa main ensanglantée dans le faisceau lumineux du réverbère. J'assiste aux meurtres, impuissante. Des larmes coulent de mes yeux. Mon père se précipite vers sa femme. Il s'agenouille et prend son pouls, en vain. Il sert son corps encore chaud contre lui avant de lui fermer définitivement les paupières.
Pendant ce temps, mon agresseur s'est approché silencieusement de mon père. Je tente de pousser des cris pour qu'il m'entende et se retourne, mais le son ne dépasse pas la commissure de mes lèvres.
—Tout un spectacle ! se complimente à voix basse l'homme resté pour nous surveiller, mon frère et moi. Arrête de gémir, tu veux ?
L'homme amoché par Noah n'est plus qu'à quelques mètres de mon père. Le bruit du cran de sécurité de l'arme de poing se fait entendre.
—Ça fait un bail, Stephen, tu trouves pas ?
—Pas assez longtemps pour moi, répond mon père, sèchement. Pourquoi elle ? Elle n'avait rien à faire avec tout ça ! Je t'interdis de toucher à mes enfants ! hurle mon père en se retournant violemment.
Les deux hommes se font face, pointant chacun leur arme sur l'autre. Pourtant, une seule détonation retentit. Puis, un des hommes s'écroule, regardant toujours son tueur droit dans les yeux.
—Embarque-les, décrète le survivant. On rentre au bercail.
Lorsqu'il se retourne, après avoir vu l'âme de mon père quitter son corps, je peux enfin le voir. Peau un peu foncée, tatouages, yeux sanguinaires, il n'y a plus aucun doute possible pour moi : c'est le même homme qui a ordonné à son armée de soldats de tirer sur notre hélicoptère.
Les derniers instants du déjà-vu sont plus ou moins clairs. Les sirènes de police se rapprochent et les criminels nous font monter de force dans leur fourgonnette blanche. Je vois mon visage éploré par la fenêtre embuée. Des larmes coulent sur mes joues.
Des larmes de tristesse;
Des larmes en colère;
Des larmes de vengeance.
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Déjà-Vu Tome1: Les souvenirs du Flambeau
Ficción GeneralLe Flambeau, c'est moi, Mila, et je tiens à ce que justice soit faite. Le DNA a tué des milliers de victimes, dont mes propres parents. Du haut de mes seize ans, j'arrêterai cette organisation scientifique et meurtrière. C'est une promesse. Par amo...