1.1 - Crissements de craie

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#34 Ils disent que la passion peut déchirer les couples, que les sentiments les plus forts peuvent devenir dévastateurs. Je ne les croyais pas avant tout ça. Je ne pouvais pas concevoir que l'amour véritable puisse se métamorphoser en un feu hardant brûlant tout sur son passage. Je voulais connaitre l'amour étant petite, désormais je ne le veux plus. Pas pour récolter toute cette détresse et ce malheur, à moins qu'il ne soit possible de l'éviter avec la bonne personne...

La citation #34 écrite sur les fines pages de mon petit carnet se révélait être atrocement vraie. Et je tiens à insister sur le mot « atrocement ». J'étais le principal témoin des risques de tout cet amour, coincée dans un édifice duquel je ne pouvais m'échapper. Je tentais de m'évader, de ne plus penser à tout ce que cette « passion » nous infligeait  au quotidien, à ma mère et moi. Pourtant, à chaque petit moment où mes pensées parvenaient à divaguer loin de la réalité, des paroles, des pleures voir même des cris me transperçaient et me projetaient à nouveau dans l'horreur du quotidien.

— Madame, dites-nous ce qu'il s'est passé. Votre mari a-t-il porté la main sur vous ? -s'obstinait à demander un jeune homme-.

C'était la quatrième fois que j'entendais cette question. C'était la quatrième fois que l'infirmier de garde interrogeait sa patiente à ce sujet, sous différentes formes. Il réitéra sa question, se montrant un peu plus insistant qu'auparavant, la voix prenant un ton pressant, comme si tout dépendait de la réponse de la femme à qui il s'adressait. Et c'était le cas, tout dépendait de sa réponse. Tout dépendait bel et bien de ce que ma mère s'apprêtait à lui dire.

— Ce... Ce n'est pas... Nous ne sommes pas mariés. -répondit-elle d'une voix à peine audible-.

— Là n'est pas la question ! Vous a-t-il frappé, ou du moins est-il le responsable de vos blessures ?

Si la situation n'était pas des plus critiques, j'aurais peut-être pu m'attacher à la manière dont l'infirmier s'exprimait. Il était poli et utilisait un langage très soutenu, chose rare dans ce service hospitalier. La première personne qui s'était occupée de nous n'arrêtait pas de nous hurler dessus pour essayer de comprendre ce qu'il s'était passé. Ce qui nous invitait plutôt à nous renfermer un peu plus sur nous-même.

Ma mère jeta un coup d'œil dans ma direction, le regard vide. Elle était exténuée. Nous l'étions toutes les deux. Sa lèvre inférieure trembla légèrement, ses yeux étaient rougis de larmes qui ne coulaient pas. Elles ne coulaient jamais, d'ailleurs. J'admirais ma mère pour cela, elle ne pleurait jamais, même dans les situations les plus graves auxquelles elle était confrontée.

Elle retourna lentement la tête vers son interlocuteur et commença à ouvrir la bouche pour répondre. Aucun son ne parvint à en sortir. Au bout de quelques secondes, elle se ravisa et plongea finalement dans le silence le plus complet. Comme d'habitude.

Une jeune femme rentra dans la pièce.

— Je vais soigner ta maman, est-ce que tu peux m'attendre derrière ce rideau, s'il te plait ? -me demanda-t-elle d'une voix aiguë qui martela mon crâne -Assis toi sur la table d'auscultation, tu es toute pâle.

Je m'exécuta, me déplaçant d'un pas hésitant vers le côté opposé de la pièce et passa à côté du rideau sans même prendre la peine de le tirer pour me frayer un chemin. Je tentai de m'asseoir sur la table d'auscultation, comme l'infirmière venait de me l'indiquer, mais celle-ci était bien trop haute et la tête me tourna, réduisant ma force de moitié. Je n'allais pas tarder à m'évanouir encore une fois si cela continuait ainsi. Mes jambes commençaient à trembler lorsque je poussai dessus afin de me hisser sur la table. J'essayai de m'aider de mes bras mais une douleur vint me strier l'épaule, m'obligeant à arrêter tout mouvement.

Tu es mon étoile - JinyoungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant