Prologue

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— Accusé 018666, Raphaël Lenz, levez-vous.

Ledit Raphaël se leva aussitôt de son banc, sous l'œil inquiet d'un autre garçon, assis à la place d'un juré. Lui en tout cas, n'avait pas l'air de se faire du mouron sur son sort. La réponse, il l'avait déjà. Il irait en prison. Toutes les preuves l'accablaient, sans compter le témoignage d'une de ses clientes à qui il avait vendu de la drogue. D'ailleurs, il ne comprenait pas ce tribunal, il avait mis un peu trop de temps à délibérer sur cette banale affaire de trafic de stupéfiants à son goût. Trois heures à attendre le verdict dont il s'était imaginé le scénario une quarantaine de fois, l'avait vraiment ennuyé, encore plus lorsqu'il eut croisé le regard pleins d'espoir de son meilleur-ami Isaac, dans le jury. Ses bonnes paroles digne d'un prêtre de bourgade n'avait convaincu personne, du moins, c'était ce que Raphaël en déduisait. Il prêta difficilement attention au retour du tribunal, il préférait sentir les délicieuses effluves d'un parfum qui se dégageait dans la salle.

— Le tribunal s'est concerté et a écouté les propos du jury avec soin. Nous vous déclarons donc coupable de trafic de stupéfiants s'étendant de Détroit à Dearborn. Par conséquent, votre peine est de deux ans d'emprisonnement mais étant donné que vous êtes encore mineur, vous passerez un an en centre d'observation avant d'être incarcéré en prison.

Le juge frappa de son marteau, annonçant la fin de l'affaire. Un Marshall lui tint ses mains menottées et l'emmena à l'autre bout de la salle, en poussant les gens qui s'amassaient autour d'eux. Isaac protestait, appelait, criait le nom de son ami parmi le brouhaha. Il crut même qu'il ne l'avait pas entendu à cause de ça, si bien qu'il était sur le point de recommencer mais à son plus grand bonheur, Raphaël se tourna vers lui. La seule chose qu'il fit était de lui sourire. Il se voulait rassurant alors qu'Isaac était complètement abattu. Il le vit ensuite porter toute son attention à une femme rousse de la trentaine d'année. Tête baissée, elle la secouait de gauche à droite, l'air honteux et lorsqu'elle la releva Raphaël lui adressa un œil torve, baigné de rancœur, un rictus au bord des lèvres. C'était sa mère, Elen. Elle ne lui ressemblait aucunement et ça l'arrangeait bien. Avec ses cheveux oranges tirant sur le blond, ses tâches de rousseur étalées le long de ses joues rebondies, ses iris enfermés dans un écrin azurin ou encore son nez en trompette, il était difficile d'émettre un lien de parenté entre eux. Raphaël était tout son contraire. Blond foncé, les yeux foisonnant de verdure, la carrure assez imposante, des pommettes saillantes, la peau légèrement hâlée... Force était de constater pour elle que son fils ressemblait comme deux gouttes d'eau à son père biologique - dont elle avait pris soin de mettre à la porte alors que Raphaël n'avait que cinq petites années. Savait-il la raison d'une telle décision ? Non, bien sûr que non mais cet individu semblait être une véritable ordure, voilà pourquoi il n'avait jamais chercher à le recontacter. Comme il n'avait pas non plus cherché à nouer des liens avec sa génitrice, qui d'une façon très nuancée, était aussi une ordure de première. Quelle sorte de mère comparait son fils à longueur de journée à l'homme qu'elle haïssait, juste parce qu'il avait eu le malheur de lui ressembler ? Il y en avait forcément mais il ne connaissait personne dans la même situation compromettante que lui, à Détroit.
La tension était palpable. Plus les secondes s'effilaient, plus l'envie d'insulter sa mère de tous les noms possibles et imaginables d'oiseau l'agitait. Et puisque visiblement le tribunal voulait que Raphaël lui adresse un mot, il le fit d'un ton cinglant :

— Alors Elen, suis-je encore comme mon abominable père des neiges ?

— Cela ne fait aucun doute, répondit-elle faiblement, fuyant le regard assassin de son fils.

— La réelle bonne question que j'aurais dû te poser est : "Qui de nous trois, est le plus abominable Elen ?" mais étant donné que tu ne cesses de te focaliser sur mon père, l'autre question m'a échappé. C'est dommage parce qu'elle donnait matière à réfléchir mais puisqu'on doit m'emmener en centre d'observations - je sais que tu en jubiles -, je ne te dirais qu'une dernière chose, Elen : Puissions que nos chemins ne se recroisent jamais.

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